Le marché de l’assurance de dommages a subi de profondes mutations, depuis 20 ans. Même si le nombre d’assureurs a diminué après la vague de consolidation des 10 dernières années, Raymond Medza croit qu’il y a toujours un bel avenir dans le secteur. Il croit même que le marché de l’assurance habitation devrait profiter de l’accès plus facile à la propriété, surtout dans le marché des condominiums.

Raymond Medza a longtemps été le porte-parole du Bureau d’assurance du Canada au Québec, en plus d’avoir été actif au sein du Groupement des assureurs automobiles. Il estime que l’industrie devrait adapter son offre en permettant aux assurés de choisir eux-mêmes la couverture dont ils ont besoin.

« La technologie le permet maintenant. Je pense que le courtier qui offrira la protection à la carte, sur le mode du buffet, percera le marché. »

Par ailleurs, M. Medza croit que l’assurance habitation pourrait être simplifiée encore davantage pour la rendre accessible au plus grand nombre. Longtemps impliqué dans l’organisme SOS Sinistres, il dit avoir vu trop de gens tout perdre à la suite d’un sinistre.

« La plupart des contrats en habitation, depuis 30 ans, viennent avec plusieurs protections déjà incluses, et on ne peut pas les enlever. Même si le client dit qu’il n’a pas besoin de tout cela, l’assureur dit que ça ne coute pas plus cher. Mais il n’y a rien de gratuit. »

L’assureur qui détermine le prix de la couverture inclut là-dedans toutes les indemnités qui ont été versées pour ce type d’habitation. M. Medza croit que les polices devraient être offertes aux gens qui craignent plus les dommages associés au feu que le vol, par exemple, quand ils ont peu de biens de grande valeur. Mais aucun assureur ne veut offrir juste une assurance incendie.

« Le propriétaire occupant a automatiquement 200 000 $ sur son contenu, dit-il. Pour parler à beaucoup de banquiers, je peux vous dire que beaucoup de gens ayant une résidence estimée à 500 000 $ n’ont même pas 50 000 $ de biens en contenu. Mais ils ne peuvent pas s’assurer pour seulement 50 000 $, c’est 200 000 $ automatiquement. On devrait offrir des contrats avec des options pour couvrir séparément le bâtiment, le contenu, les améliorations locatives, les frais de subsistance, etc. Cette latitude n’existe pas, même si la technologie le permet. »

Fidéliser la clientèle

Pour M. Medza, l’un des plus grands défis auxquels l’industrie de l’assurance est confrontée est la fidélisation de la clientèle. Les gens magasinent beaucoup plus qu’avant leur couverture d’assurance et ils sont davantage sollicités par la concurrence.

« Autrefois, on gardait les mêmes clients pendant 20 ans. Ce n’est plus le cas. Pour ma propre assurance automobile, j’ai changé cinq fois d’assureur en 12 ans. »

Il pense que l’on doit encourager la fidélité de la clientèle par divers moyens. « Le client qui est là depuis cinq ans, sans jamais faire aucune réclamation, il faut le récompenser. Peut-être que ça n’intéresse plus les assureurs, à cause du volume qu’ils ont, de récompenser ainsi les bons clients. Ils s’attendent à un roulement de 10 à 15 % par année. Je trouve que le problème de fidélité est inquiétant. »

Si les sinistres découlant des changements climatiques augmentent en nombre et en gravité, M. Medza estime que l’industrie est mieux outillée qu’auparavant pour trouver des moyens de prévention et mieux protéger la clientèle. « Dans le cas des refoulements d’égout, ça dépend de l’expansion de la municipalité et de la capacité du réseau, la hauteur des fenêtres des sous-sols par rapport au niveau des rues, la présence de margelles, de moyens d’évacuation, de pompes, etc. Il y a des moyens de prévention, comme l’interdiction de construire un pied sous le niveau du sol. » On peut éviter bien des problèmes en évitant d’utiliser les fondations pour augmenter le rangement dans le sous-sol, conclut-il.

Déjà en 1995, on pouvait lire dans les pages du Journal de l’assurance l’expression des inquiétudes du BAC à l’égard de l’augmentation des sinistres associés aux changements climatiques. « Des choses ont été faites, mais ça n’avance pas vite », fait observer M. Medza.

Désormais, les zones inondables sont mieux cartographiées et le BAC a collaboré à l’établissement de règles plus claires pour les quartiers où le réseau d’égouts ne suffit plus en cas de forte pluie. « On a besoin de sol et de végétation pour être en mesure d’absorber l’eau. Quand ça déborde un peu, l’eau est canalisée vers les bassins de rétention. Mais quand on étend la construction dans les municipalités, on réduit ces zones tampons qui absorbent le surplus d’eau. »

« Il faut donc prévoir des bassins de rétention ou de déversement, poursuit-il, comme on l’a vu à Boucherville, pour le projet Harmonie. Ça permet de prévenir les inondations. Il y en aura encore, mais elles causeront moins de dégâts. Il faut aussi augmenter les dimensions des canalisations des égouts fluviaux, car le débit a été calculé en fonction d’une certaine population, et les villes sont de plus en plus denses. Il faut grossir le réseau. »

La consolidation dans l’industrie a permis aux entreprises et aux courtiers de se doter des moyens technologiques pour mieux adapter leur offre de produits. S’ils ne le font pas, ajoute M. Medza, la concurrence des assureurs directs sera encore plus forte.

Il ajoute que s’il y a un endroit où les courtiers pourraient augmenter leurs parts de marché, c’est en assurance habitation pour les condominiums. « Il y a encore beaucoup d’incompréhension sur le fonctionnement de l’administration des condos, et on le voit quand on parle aux copropriétaires, ils sont mal renseignés. Il y en a des courtiers spécialisés dans le condominium. C’est un marché en pleine progression et on est en train de changer la règlementation. Au bureau de la Chambre des notaires, ils ont mené une étude sur l’assurance et l’administration des copropriétés, parce que les gens ne se dotent pas de fonds de prévoyance. On le voit quand il y a des réparations majeures à faire », dit-il.