Il existe un moyen de vaincre les cycles qui secouent le marché de l’assurance de dommages selon Fabien Richenburger, président de Lombard Canada. Selon lui, les assureurs doivent cesser de penser en fonction des parts de marché et plutôt s’occuper de leur rentabilité. C’est d’ailleurs cette recette que tente d’appliquer M. Richenburger à la compagnie qu’il dirige depuis le début de 2010.M. Richenburger a migré de la Suisse vers le Canada en 1997 alors qu’il travaillait pour Zurich. C’est en 2006 qu’il a décidé de s’implanter pour de bon au Canada. Il dit ainsi avoir troqué son avancement professionnel pour une meilleure qualité de vie. L’occasion de diriger Lombard s’est ensuite présentée au début de l’année dernière.
En entrevue au Journal de l’assurance, il a dit ne pas avoir fait de gros changements lors de son arrivée en poste. Il dit avoir apporté tout simplement un complément aux forces déjà présentes chez Lombard. Il mise sur deux des grandes forces de l’entreprise pour la diriger : la relation qu’entretient l’assureur depuis 30 ans avec les courtiers et les capacités techniques de la compagnie pour aider ses clients en matière d’assurance.
2010 a mal débuté pour Lombard. Deux mois après son entrée en poste, M. Richenburger a vu sa compagnie souffrir d’une grosse perte liée à la pyrite au Québec. Néanmoins, l’assureur maintient son objectif de présenter un ratio combiné de 100 % à la fin de 2010. C’est d’ailleurs son objectif principal pour les trois prochaines années : présenter une rentabilité à son actionnaire unique Northbridge.
Lombard a présentement un volume de primes de 800 millions de dollars (M$), concentrés uniquement en assurance des entreprises et plus spécifiquement dans le marché intermédiaire (communément appelé mid-market). C’est moins qu’il y a cinq ans, alors que l’assureur avait un volume supérieur à un milliard de dollars. Ce volume plus élevé n’était toutefois pas rentable. L’assureur a ainsi pris la décision de couper 15 % de son volume dans des risques où la compagnie estimait que les tarifs n’étaient pas assez élevés, sans couper la relation avec un seul courtier.
Cinq objectifs
M. Richenburger s’est ainsi fixé cinq objectifs à atteindre à la tête de Lombard. Le premier est d’aider les courtiers à croitre. L’assureur veut aussi développer des produits utiles aux entreprises de taille moyenne. Il dit que sa compagnie a d’ailleurs obtenu de bonnes notes de ses clients en ce qui a trait à son service de réclamation.
« Nous avons aussi porté une attention particulière à la manière dont nous traitons nos affaires avec nos clients. Ainsi, lors d’une réclamation, nous traitons avec le client directement. On les supporte tout au long de la réclamation et nous réglons le tout rapidement et efficacement », explique-t-il.
Lombard a aussi pour objectif de retenir son talent clé. Côté financier, l’assureur a pour objectif de conserver un ratio combiné de 100 % année après année.
Le dernier objectif de M. Richenburger est de rendre disponibles à ses courtiers clés les produits des deux autres filiales d’assurance de Northbridge : Commonwealth et Markel. Commonwealth se spécialise dans les grands comptes en assurance des entreprises. Markel se spécialise dans le transport. Son marché est ouvert seulement aux grossistes dans le moment.
Un défi de taille se pose toutefois devant le PDG : les trois entreprises fonctionnent indépendamment l’une de l’autre et n’ont pas de système informatique intégré. De plus, regrouper les activités des trois filiales en une seule ne fait pas partie des plans, révèle-t-il. « Les trois compagnies ont une culture différente. Il est difficile de trouver le bon équilibre. Il y a des avantages à avoir une grosse compagnie, mais il y en a aussi à en avoir trois plus petites qui sont spécialisées dans leur marché. »
Commonwealth est établi à Vancouver. Au cours des deux dernières années, la compagnie a travaillé à percer le centre du Canada. « Nous visons maintenant à étendre nos services partout au pays », révèle M. Richenburger. Il est toutefois décidé que Commonwealth sera présente au Québec en 2011. L’assureur ne veut toutefois pas préciser quand se sera fait.
Au Québec, Lombard fait affaire avec 56 courtiers et a une entente de grossiste avec MarineExpert, qui donne accès à tous les courtiers du Québec à l’un de ses programmes. Ainsi, 20 % du chiffre d’affaires de l’assureur provient du Québec. Lombard fait aussi affaire avec 200 courtiers au Canada.
« Faire affaire avec un nombre restreint de courtiers nous sert très bien, affirme Richard Lapierre, vice-président, région du Québec, aussi présent à l’entrevue. On peut mieux uniformiser nos relations. C’est un élément clé de notre stratégie », dit-il.
Lombard veut ainsi être le partenaire des courtiers à succès, ajoute M. Richenburger. « Avoir une distribution restreinte nous permet de manufacturer plus facilement nos produits pour nos courtiers. On peut donc résoudre des situations problématiques en moins d’une journée. Nous n’avons pas besoin de demander la permission du siège social aux États-Unis ou en Europe. Les courtiers savent qu’ils peuvent nous faire confiance et qu’ils peuvent bâtir une relation d’affaires avec nous », dit le PDG de Lombard.
L’entreprise typique qu’assure Lombard a une prime qui avoisine de 17 000 $ à 20 000 $. « C’est unique comparé aux autres assureurs, qui ont une prime moyenne moins élevée. C’est aussi un indicateur qui montre que nous sommes capables de supporter de bonnes capacités », dit M. Lapierre.
Acheteur et pas à vendre
M. Richenburger ajoute que la possibilité de supporter des risques de bonne envergure est importante dans le moment, surtout dans le contexte actuel de consolidation. « On voit que les courtiers ont des inquiétudes. Nous voyons que certains assureurs sont ici pour le long terme, alors que pour d’autres, ce n’est pas le cas. On n’a qu’à regarder GCAN qui vient d’être acheté par RSA », dit-il.
Le PDG de Lombard a ainsi précisé que sa compagnie était présente à long terme dans le marché canadien. « Nous ne sommes pas à vendre, notre actionnaire Northbridge l’a bien soutenu. Sommes-nous acheteurs ? Oui. C’est une partie de notre stratégie. Nous voulons être le leader du marché intermédiaire en assurance aux entreprises. Toutefois, pour réaliser une acquisition, il faut que les chiffres fassent du sens. Nous ne prendrons pas de décision irrationnelle. Nous sommes une compagnie très diligente à cet effet », dit-il.
Combiné avec ses deux filiales sœur Commonwealth et Markel, Lombard a une part de marché de 10 % en assurance des entreprises au Canada. Toutefois, M. Richenburger précise qu’augmenter sa part de marché n’est pas un objectif. L’assureur préfère conserver un volume de qualité et afficher une rentabilité.
Quant au marché actuel, M. Richenburger qualifie qu’il est en mouvement. « La consolidation va se poursuivre. Il y a 20 ans, on trouvait un grand nombre d’assureurs de moyenne taille. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Autant les assureurs que les bureaux de courtage se consolident. Le marché est très compétitif », dit-il.
L’histoire de l’assurance en est une de cycles, ajoute-t-il. « Si nous pourvions avoir un marché plus stable, ce serait mieux pour nous et pour nos courtiers. On ne sait jamais quand les tarifs peuvent exploser de cinq ou dix points. Trois ou quatre points par année seraient suffisants. Toutefois, ce sont toujours des hausses et des baisses marquées qui se produisent. Pour arrêter les cycles d’assurance, il faudrait cesser de penser en fonction des parts de marché », dit-il.
M. Lapierre ajoute que le marché est très mou en ce moment. « Quant un assureur monte un prix, le client n’a qu’à aller voir une autre compagnie », dit-il.
Relation non exclusive
Lombard privilégie aussi d’avoir une relation non exclusive avec ses courtiers. « Nous respectons le besoin des courtiers d’être indépendant pour donner les meilleurs conseils à leurs clients. Habituellement, nous représentons entre 10 % et 25 % du portefeuille des courtiers avec qui nous faisons affaire », dit M. Richenburger.
Quant au marché québécois, M. Richenburger dit en retenir deux aspects. « Historiquement, c’est un marché qui a toujours été très rentable. Ça a donc attiré beaucoup d’intérêt. La compétition s’y accroit à chaque année. Il faut aussi reconnaitre que le Québec est son propre marché, ce qui n’est pas le cas des autres provinces. C’est particulièrement vrai en ce qui a trait à la culture des courtiers. En termes d’assurance, on peut dire que le Québec est sa propre nation », dit-il.
Selon M. Richenburger, la croissance de Lombard proviendra de sa relation avec les courtiers. « Le Québec générera une part non négligeable de notre croissance. Il faut toutefois porter attention à la volatilité. Ainsi, le Québec est moins volatile que l’Ontario. On n’a qu’à regarder le marché de l’automobile. Chez Lombard, nous avons une rentabilité au Québec et aussi une durabilité », dit-il.
Lombard ne sautera pas toutefois sur tout ce qui bouge comme risque s’il n’a pas les conditions gagnantes pour réaliser un profit de souscription. « Si le marché reste compétitif, il va falloir réduire notre niveau de tolérance envers certains éléments de nos segments. Il faudra donc être agressif là où on a un appétit. Il faudra avoir une discipline et une rigueur pour maintenir nos relations avec nos courtiers. Certains seront peut-être en désaccord, mais ils vont comprendre la justesse de la décision. Ce ne sera pas un concours de popularité. Il faudra démontrer un engagement ferme envers les activités des courtiers. C’est pourquoi on a moins de courtiers. C’est une façon différente d’approcher le marché », ajoute M. Lapierre.