Fanny Bouchard

De grands progrès ont été accomplis ces 20 dernières années en matière de santé et bien-être au travail au Québec, mais de nouvelles problématiques sont en émergence et commencent déjà à poser des défis aux assureurs et aux entreprises, selon Fanny Bouchard, directrice, santé au travail chez Robin Veilleux Assurances et rentes collectives. 

Madame Bouchard a émis ce point de vue lors d’un panel tenu dans le cadre du Sommet sur la santé durable présenté à Québec du 25 au 27 janvier dernier. Elle a précisé sa pensée lors d’une entrevue au Portail de l’assurance.

Kinésiologue de formation, elle en est venue à se spécialiser dans le domaine de l’assurance collective tôt dans sa carrière pour finalement joindre le cabinet de Robin Veilleux en 2009. Depuis, elle travaille auprès des entreprises, des assureurs et des assurés et se consacre principalement aux problèmes de présence au travail, d’invalidité et de bien-être des employés.

Avec le recul, elle réalise avec satisfaction que beaucoup d’avancées ont été faites et que le monde du travail a changé. Il y a 20 ans, on ne parlait pas de facteurs de risques psychosociaux, de harcèlement, de violence et autant de santé mentale. L’évolution des lois, des politiques, de la recherche et des mentalités sur ces questions a amené les organisations à se questionner sur leurs pratiques de gestion et l’environnement qu’elles mettent à la disposition de leurs travailleurs, se réjouit-elle.

Contribution positive des assureurs privés 

Lors du Sommet, elle a relevé la contribution positive des assureurs privés à ces gains. « Il y a plein de belles choses qui sont faites par des assureurs privés en matière de santé », a-t-elle relevé. « Il y a une gang au sein de chaque assureur qui est là pour implanter de bonnes pratiques au sein des organisations et auprès de leurs assurés ». Elle cite comme exemple le support et les outils qui sont apportés aux assurés au niveau de la consommation des médicaments. 

Un autre aspect a aussi beaucoup fait progresser la santé et le mieux-être au sein des entreprises : la pénurie de main-d’œuvre. Pour les employeurs, c’est un problème de plus en plus aigu, mais pour les conditions de travail et d’environnement de leurs employés, c’est positif, analyse-t-elle.

Clarifier les rôles et les responsabilités 

Durant ses mandats ou présentations en entreprise, elle entend souvent des gens se demander : « Jusqu’où suis-je responsable de la santé de mon travailleur ? ». La question est légitime, répond-elle, rappelant toutefois que l’employeur a une obligation légale d’assurer la santé et la sécurité de ses employés.

Mais une entreprise n’est pas le seul déterminant en matière de santé et de bien-être. Quel est le rôle du gouvernement, du système scolaire, des parents, de la société en cette matière ? « La santé et le mieux-être, tout le monde doit en faire », souligne-t-elle. En somme, ça ne doit pas reposer uniquement sur les épaules des entreprises et des assureurs. 

Accroissement des cas en santé mentale 

Il y a 15 ans ou 20 ans, quand on parlait de santé chez les travailleurs, il était surtout question de problèmes de nature physique. On prévenait des accidents, des chutes ou des lésions entraînant des blessures ou des maladies. Il était encore peu question d’épuisement professionnel ou de risques psychosociaux. 

Le portrait a changé depuis. Au fil des années, les cas santé mentale ont explosé, ce qui pose aujourd’hui d’énormes défis pour les assureurs. La pandémie de COVID, le télétravail et l’isolement social et professionnel qu’ils ont entraînés ont contribué à aggraver la situation au niveau mental chez certains. Il est de plus en plus question d’écoanxiété dans la société.

L’invalidité est devenue une solution chez des employés pour différents malaises, tels que des troubles d’adaptation légers ou le fait de se sentir malheureux dans leur travail. Ces gens ont besoin d’aide, souligne Fanny Bouchard, mais elle ne croit pas que l’assurance invalidité soit une porte de sortie pour un problème qui n’est peut-être pas médical.

Les entreprises font maintenant face à des problèmes de présence au travail, de longues périodes d’arrêt d’employés et de demandes d’invalidité pour des motifs de santé mentale. Or, chaque cas est unique. Le « one size fits all » ne marche pas dans le traitement des demandes. Il lui arrive d’intervenir auprès de l’entreprise, de l’assureur, de l’assuré ou même du médecin pour dénouer des cas problématiques. 

Lors de sa présentation publique, elle a soulevé l’importance d’enrayer les préjugés dans le monde des affaires, des préjugés entre les organisations et aussi à l’égard de certains groupes ou individus.

« On a parlé lors du Sommet des gens qui sont malades ou moins nantis. On pense que c’est parce qu’ils ont fait de mauvais choix ou qu’ils ne font pas attention à leur santé. Dans le monde des affaires, on ne comprend pas toujours. Il faut défaire ces préjugés », dit-elle.

Les conventions collectives contenant de gros avantages sociaux ne suffisent plus toujours à attirer des employés et à les retenir. « L’une des choses que l’on fait chez Robin Veilleux Assurances, c’est de redorer l’assurance collective et le sens qu’elle mérite d’avoir », ajoute-t-elle.

Les nouveaux défis en 2023 

Invitée à décrire les nouveaux défis et problématiques auxquels sont déjà confrontés les entreprises et les assureurs, Fanny Bouchard cite l’absentéisme, le retour au travail après les congés d’invalidité, les difficultés en santé mentale qui vont probablement augmenter, la démission silencieuse des employés, les effets négatifs du télétravail à la maison et des questions sensibles comme la conciliation travail-famille. « Chaque évolution amène son lot de problèmes », constate-t-elle.

Durant sa présentation au Sommet, elle a dit que sa mission n’était pas terminée. C’est le moins que l’on puisse dire.