Après plus de 25 ans de procédures juridiques, des compagnies de tabac canadiennes s’apprêtent à verser des indemnités importantes à des fumeurs et ex-fumeurs. Or, pour y avoir droit, une personne doit avoir fumé au moins 87 600 cigarettes et obtenu un diagnostic d’une maladie liée à sa consommation.
Cette action collective sans précédent à l’égard des cigarettiers a été lancée à l’origine au Québec à la fin des années 1990, avec le recours collectif « CQTS-Blais ».
En 2019, la Cour d’appel du Québec a ordonné aux compagnies JTI-Macdonald, Imperial Tobacco et Rothmans, Benson & Hedges (RBH) de verser près de 14 milliards de dollars (G$) à 100 000 victimes du tabagisme dans la province.
À la suite de ce jugement, ces compagnies se sont placées sous la Loi sur les arrangements avec les créanciersdes compagnies (LACC). Un juge ontarien leur a alors accordé la protection contre leurs créanciers. Une conclusion à ce long recours est survenue en 2025.
Le 6 mars dernier, le juge en chef Geoffrey B. Morawetz de la Cour supérieure de justice de l’Ontario a approuvé les plans d’arrangement intervenu avec les cigarettiers poursuivis, et ce, pour un montant total de 32,5 G$. De ce montant, la majorité sera versée aux provinces et territoires, mais une part sera remise en indemnités aux victimes directes du tabac, dont celles du recours collectif entamé au Québec il y a plus d’un quart de siècle.
Un arrangement canadien et un spécifique au Québec
L’entente prévoit deux arrangements distincts :
- le Plan d’administration des actions collectives au Québec (QCAP), lié au recours collectif CQTS-Blais ;
- et le Plan d’indemnisation des réclamations pancanadiennes (PCC) pour les résidents canadiens (y compris québécois).
Selon le site officiel des Réclamations canadiennes relatives au tabac, 4,119 milliards de dollars sont alloués au QCAP et 2,521 milliards de dollars au PCC. Les remises d’argent provenant du QCAP seront assurées par Proactio, une filiale de Raymond Chabot Grant Thornton, et pour le PCC, par Epiq.
Avoir fumé au moins 87 600 cigarettes
Les deux plans exigent que le fumeur ou l’ex-fumeur ait fumé au moins 87 600 cigarettes légales vendues au Canada entre le 1er janvier 1950 et le 20 novembre 1998. Cela équivaut, par exemple, à 20 cigarettes par jour durant 12 ans.
Pour y être admissibles, les victimes devront aussi avoir développé une maladie diagnostiquée liée au tabac.
- Cancer du poumon primaire
- Cancer épidermoïde primaire de la gorge (larynx, oropharynx ou hypopharynx)
- Emphysème ou MPOC (GOLD Grade III ou IV)
Les fumeurs devaient résider dans une province ou un territoire canadien au moment du diagnostic et y résider au moment de la réclamation ou du décès, le cas échéant. Les réclamants du PCC doivent avoir été diagnostiqués (ou leur proche, s’il s’agit d’une succession) entre le 8 mars 2015 et le 8 mars 2019. La victime devait être en vie le 8 mars 2019.
Les Québécois admissibles au QCAP devaient résider au Québec au moment du diagnostic, et y résider au moment de la réclamation. Ils doivent avoir été diagnostiqués d’une de ces maladies avant le 12 mars 2012. Pour les successions, la victime doit être décédée après le 20 novembre 1998.
Une seule réclamation d’indemnité peut être faite par individu.
Les périodes de soumissions des demandes d’indemnisation ont débuté en septembre dernier. Les deux plans ont des dates limites de réclamation différentes. Au Québec, elle est le 31 août 2026, et dans le reste du Canada, elle s’étire un an plus tard, le 3 septembre 2027.
Des indemnités de 14 400 $ à 100 000 $
Les indemnités remises aux victimes du tabagisme qui répondent aux critères du règlement varieront de 14 400 $ à 100 000 $ en fonction de la maladie développée, de l’époque et du plan auxquelles elles sont admissibles.
Dans l’ensemble, les sommes sont plus généreuses pour les personnes qui répondent aux critères d’admissibilité du QCAP que pour celles admissibles au PCC, comme le montre le tableau suivant.
Des dizaines de milliers de Québécois admissibles
À ce jour, environ 65 000 personnes sont inscrites au Québec seulement. Y sont admissibles non seulement des fumeurs et ex-fumeurs, mais aussi des héritiers et même les héritiers des héritiers de fumeurs et anciens fumeurs.
En vertu d’une entente inédite pour le QCAP, un mécanisme permettra aux gens de s’inscrire sans devoir fournir de numéros d’assurance maladie ou de dossier médical, même pour les personnes décédées. Proactio se chargera de compléter les dossiers en confirmant le diagnostic des victimes auprès des autorités concernées lorsque possible.
Cette prise en charge fera en sorte que la grande majorité des bénéficiaires québécois n’auront pas à effectuer de demandes individualisées auprès de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), du ministère de la Santé ou des établissements pour avoir accès à l’information médicale nécessaire à la réclamation.
(Avec la collaboration d'Amélie Cléroux.)