Après plusieurs mois passés à convaincre les autorités municipales de sa nécessité, le Bureau d’assurance du Canada a lancé son Outil d’évaluation du risque pour les municipalités (OÉRM en français, MRAT en anglais). Trois municipalités canadiennes y participent, mais aucune au Québec.L’OÉRM est un système de cartographie électronique qui peut montrer, à la maison près dans certains cas, quels sous-sols sont les plus exposés au risque d’inondation advenant une déficience des infrastructures municipales.

Trois villes, soit Coquitlam, Hamilton et Fredericton, ont été choisies pour participer à un projet pilote misant sur l’OÉRM. Des ingénieurs de Winnipeg, London, Bathurst, Moncton, Halifax et Saint-Jean de Terre-Neuve ont aussi collaboré à son élaboration, et leurs municipalités sont en lice pour faire partie des prochains à mettre l’outil en place.

Les assureurs ne pourront pas se servir de l’OÉRM (qui devait initialement être un outil de souscription) avant trois ans, et ce, même si l’industrie a contribué à son élaboration non seulement en transmettant des données, mais en y injectant des millions de dollars depuis déjà trois ans.

Pourquoi cette décision? Tout d’abord, le BAC affirme que cela permettra aux villes de prévenir leurs problèmes d’infrastructures. De plus, l’association exprime clairement qu’elle veut voir les villes s’adapter. Elle vise, précise-t-elle, à réduire le nombre de sous-sols inondés.

Pour ce faire, l’association souhaite que les ingénieurs municipaux se servent de l’OÉRM pour mieux cerner les problèmes d’infrastructures, établir l’ordre de priorité de leurs dépenses en immobilisations et prendre des décisions mieux éclairées. On espère ainsi réduire les dommages causés par les tempêtes et, parallèlement, le nombre de sinistres et les couts associés.

En pratique, la transmission de cet outil aux municipalités pourrait inciter d’autres intervenants à s’en servir. Au lancement de l’OÉRM, à la fin novembre, à Toronto, des gens intéressés par l’outil ont demandé au BAC la date de son déploiement à plus grande échelle.

« Cela fait partie des choses dont nous discutons actuellement, dit Don Forgeron, président et chef de la direction du BAC. Ce serait une avenue très couteuse. L’industrie a déjà investi des millions de dollars dans cet outil. Nous avons pu en démontrer le bon fonctionnement. Quant à savoir quelle sera la prochaine étape, nous en parlons en ce moment même, ajoute-t-il. Un certain nombre de choses doivent être mises en place pour qu’une municipalité puisse participer au programme. »

Troisième considération, l’OÉRM ne peut servir que s’il suscite la pleine participation des municipalités. Les assureurs ont donc besoin d’autorités municipales qui acceptent de tester la technologie, ce qui confirmera la méthodologie retenue et permettra de l’améliorer, en plus de valider la carte des risques obtenue.

Élaboré par Dillon Consulting et Tesera Systems à partir de données climatiques provenant de l’Institute for Catastrophic Loss Reduction, l’OÉRM combine la documentation relative aux infrastructures municipales (notamment la conception des réseaux d’égouts, le régime des eaux de surface, l’entretien, le développement urbain et diverses considérations comme l’altitude et la déclivité) à l’information météorologique et climatique et aux antécédents régionaux en matière de sinistres assurés.

La carte ainsi obtenue fait ressortir, en rouge ou en vert, les secteurs plus ou moins vulnérables d’une municipalité. Elle permet aussi d’identifier ceux qui risquent de le devenir si rien n’est fait. Ainsi, le risque d’inondation de sous-sols est faible dans un secteur coloré en vert.

Un exemple de carte produite par l'OERM

À l’étape de développement de l’OÉRM, plus de 580 indicateurs de risque ont été retenus, dont l’âge des égouts, la proximité avec un plan d’eau et la superficie de construction. Les renseignements climatiques sont représentés par des courbes d’intensité et de durée (soit un graphique exprimant la probabilité de précipitations) qui correspondent aux données retenues en planification d’infrastructures municipales.

Le BAC souligne que l’OÉRM est le premier outil en son genre. Il mentionne que les municipalités disposent actuellement de peu d’outils – sinon aucun – permettant d’évaluer la fragilité des infrastructures aux évènements météorologiques extrêmes. De manière peut-être plus directe, il pense que « la mise en place de cet outil pourrait bien inciter les municipalités à faire plus souvent la collecte et la mise à jour de leurs données, ce qui les rendrait plus précises. »

Cette longueur d’avance donnée à certaines municipalités fait plus qu’encourager les autres à bien organiser leurs données : elle pourrait aussi les inciter à partager davantage les renseignements dont elles disposent, voire susciter un certain enthousiasme envers la démarche.

Si la donne change (les tarifs en assurance habitation ont augmenté, mais les gens commencent à comprendre pourquoi, surtout après avoir vu les immenses dégâts causés par les orages), M. Forgeron ajoute que son association a d’autres projets en chantier. Il espère pouvoir en parler au cours des deux prochaines années afin d’aider les consommateurs et les autorités gouvernementales à mieux s’adapter.

« Il n’est pas du tout question de faire porter la responsabilité à autrui, dit M. Forgeron. On vise à mieux alimenter la réflexion pour que l’on puisse faire de bons choix. Les assureurs prennent des décisions concernant les sources des risques, tandis que les autorités municipales se prononcent sur les infrastructures dans lesquelles elles vont investir. Nous voyons tout simplement à transmettre de meilleurs renseignements aux intéressés, qui les guideront dans leur prise de décision. »

Pour l’avenir

M. Forgeron rappelle que toutes les sociétés membres ont appuyé la création de l’OÉRM. « L’industrie a convenu de mettre l’outil à la disposition des municipalités pour au moins trois ans, explique-t-il. Cela leur permettra de traiter leurs problèmes. Puis, à un moment donné, nous ferons le point pour voir s’il est temps que l’industrie accède aux données. »

Cette réévaluation se fera en collaboration avec les municipalités participantes afin de déterminer à quel moment les assureurs pourront, d’un commun accord, accéder à l’OÉRM pour en faire un outil de souscription. « Les entretiens entre le BAC et les municipalités laissent entendre qu’un délai d’au moins trois ans pourrait convenir », dit M. Forgeron.