Les assureurs de dommages sont présentement à la croisée des chemins. Ils doivent rajeunir leur infrastructure technologique pour gagner en efficacité et ainsi se démarquer de la concurrence. Les économies d’échelle sont aussi au rendez-vous pour ceux qui prennent le virage de l’intelligence d’affaires.BluePhœnix Solutions, firme technologique établie à Seattle, dans l’état de Washington aux États-Unis, a mené à bien cette transformation pour Desjardins Groupe d’assurances générales (DGAG). Le vice-président ingénierie de BluePhœnix, Florin Sunel, a guidé Desjardins dans le processus de modernisation de son architecture technologique et de sa base de données.

Avec des systèmes appropriés, souligne M. Sunel, l’assureur augmente ses ventes, en plus d’améliorer son service à la clientèle et son markéting. Il peut ainsi déterminer les habitudes d’achat et les comportements de la clientèle afin de lui faire des recommandations ciblées.

« Le système moderne aide à créer une tarification dynamique en localisant la région de résidence du client et les produits qui peuvent lui être offerts. Ce cadre analytique permet de comparer la tarification en temps réel avec les autres produits offerts par la concurrence », dit M. Sunel. L’utilisation la plus concrète de l’information fournie par de tels systèmes est l’arrivée des polices d’assurance automobile où la prime est déterminée par le comportement du conducteur, comme Ajusto (Desjardins) et IntelAuto (La Personnelle), souligne-t-il.

Selon M. Sunel, le principal obstacle qui retarde l’implantation des nouvelles technologies est ce qu’il appelle « le fardeau de l’héritage », un défi commun à plusieurs assureurs. « Ils ont accumulé un nombre incalculable de données dans des systèmes qui sont peu accessibles. Ceux-ci ne sont pas intégrés à des systèmes plus modernes ou dotés d’un outil d’aide à la décision. »

Des systèmes désuets qui sont difficiles à opérer

Ces systèmes désuets coutent cher à entretenir. Comme les ressources humaines se font de plus en plus rares dans les métiers reliés à la science et à la technologie, on peine à recruter des gens en mesure de les utiliser.

Pour le projet mené chez DGAG, BluePhœnix devait moderniser les vieux systèmes en veillant à ce que l’assureur ne perde pas l’information résultant d’années de collecte de données. « Nous produisons des logiciels qui traduisent les applications anciennes, comme le fait Google Traduction, pour convertir le code source sans confusion de données ni de langage. Tout fonctionne comme avant (l’interaction, le visuel, la présentation des données), mais sur une plateforme moderne. »

Ce produit a réduit le cout d’exploitation de DGAG de 4,5 millions de dollars (M$) par année, et la performance a été améliorée de 50 %, spécialement à l’étape du traitement en différé, conclut-il. Cette économie et la flexibilité du système modernisé ont contribué à aider DGAG à faire l’acquisition des actifs canadiens de State Farm. Le projet d’intégration est en cours de réalisation.

Les besoins de l’assureur

L’Industrielle Alliance, Assurance auto et habitation, a enclenché un processus similaire. L’assureur a complété, en mai dernier, la mise à jour de son ancien système, un AS-400, pour le remplacer par une nouvelle plateforme en Java. Pour ce faire, l’assureur a fait appel à la firme californienne Exigen Insurance Solutions.

Alexandre Lambert, responsable de l’intégration des processus d’affaires au système d’assurance, compare le tout au fait de déménager dans une maison flambant neuve. « Changer de système n’est pas une mince affaire. On ne peut pas tout faire d’un coup. On doit commencer sur des assises solides et le faire évoluer dans l’avenir », dit-il.

L’assureur souhaite faciliter, pour le client, l’accès à son propre dossier, par exemple pour suivre l’évolution de sa réclamation. Il désire obtenir un système plus flexible qui lui permettra de modifier certains champs ou de les adapter en fonction des nouvelles exigences des clients. Il veut aussi obtenir une meilleure présence sur la toile, car les clients sont de plus en plus nombreux à magasiner leurs produits d’assurance sur le Web. La plateforme doit être compatible avec les outils utilisés par les clients pour contacter l’assureur : tablette, ordinateur ou téléphone intelligent.

Les travaux ont commencé dès 2010, relate M. Lambert. Après avoir rencontré plusieurs fournisseurs, l’assureur a retenu la proposition d’Exigen, établie à San Francisco. Cette compagnie offre une plateforme de base que l’assureur peut adapter en fonction de ses propres besoins. Les fonctions principales reliées à l’indemnisation, à la souscription et à la perception des comptes ont été les premières à être implantées; les autres services seront graduellement intégrés.

En raison de sa formation d’expert en sinistres, M. Lambert s’intéresse particulièrement au volet de l’indemnisation. La nouvelle plateforme facilitera les relations entre les clients et les partenaires de l’assureur qui peuvent les aider : garagiste, carrossier, locateur de véhicule, hôtelier, etc. L’assureur prévoit qu’il sera plus rapidement opérationnel en cas de sinistre majeur. « On pourra rapidement savoir combien d’assurés nous comptons dans le secteur, et, au besoin, affecter rapidement une équipe mobile à cet endroit, pour le temps que ça prendra, afin de procéder aux réclamations. »

Les trois années écoulées à planifier l’implantation de la plateforme ont enseigné quelques leçons à l’Industrielle Alliance. « Il importe tout d’abord de travailler en équipe multidisciplinaire. Il faut aussi impliquer les collaborateurs dans la prise de décision. », affirme M. Lambert. Il recommande aussi de travailler davantage en amont, afin d’éviter les surplus non prévus, tant sur le plan des besoins que sur celui des délais et des couts. Il importe également, selon lui, de se doter de bons indicateurs quant à l’état d’avancement des travaux. Enfin, il suggère de ne pas trop « personnaliser » le système et de garder de la souplesse pour pouvoir le modifier en fonction de l’évolution des besoins.

Voici un exemple des possibilités nouvelles qui s’offrent : en croisant l’indice de recommandation de la clientèle (IRC, ou « net promoter score » en anglais) du service de l’indemnisation et les données sur le renouvèlement des polices, l’assureur a ainsi découvert que le client « détracteur » (note entre 1 et 6 sur 10) annule deux fois plus souvent sa police que le client dit « neutre » (note de 7-8). Le client classé « promoteur » (note de 9-10) renouvèle sa police 30 fois plus que le client neutre, conclut M. Lambert.