Des agents généraux de grand calibre partout an Canada réalisent des ventes soutenues malgré le ralentissement économique. L'intérêt des clients s'est toutefois déplacé de la vie universelle vers l'assurance temporaire et la vie entière.
Les ventes de plusieurs agents généraux étaient en croissance lors des entrevues réalisées par le Journal de l'assurance en septembre. Chez Force financière Excel, elles étaient en hausse d'un peu plus de 7 % depuis le début de l'année. Sûrement pas grâce au produit vedette qu'est la vie universelle. Depuis la crise, son étoile pâlit en raison de la chute des dépôts excédentaires.
Cette tendance se poursuit, observe quant à lui le président d'Excel, James McMahon. « Des concurrents me disent qu'ils vivent la même situation », confie-t-il.
Par contre, il y a recrudescence dans les ventes surtout en assurance temporaire, et aussi en assurance vie entière. « Les gens optent pour la temporaire où ils peuvent obtenir une protection à coût raisonnable en ces temps moins propices à l'épargne », explique-t-il.
En outre, la crise favorise l'éclosion de nouveaux débouchés pour les produits de prestations du vivant, ajoute M. McMahon. « On voit régulièrement passer des propositions de maladies graves et de soins de longue durée (SLD). Pour les SLD, c'est du jamais vu. Le produit commence à se vendre. »
Produit discret, la rente viagère est de plus en plus en demande en raison des nombreux clients qui cherchent une option sûre de décaissement à la retraite. « Les courtiers offrent à leurs clients une combinaison de fonds à garantie de retrait minimum et de rente viagère, pour ne pas mettre tous les œufs de leurs clients dans le même panier », dit M. McMahon.
Michel Kirouac note pour sa part une augmentation du nombre de propositions d'assurance soumises au Groupe Cloutier depuis le début de l'année, sauf celles d'assurance vie universelle. Le gros de cette hausse prend le chemin de la temporaire et des produits de vie entière, observe le directeur général et vice-président de l'agent général. « Ce que nous vendons le plus, ce sont des contrats avec des primes et des périodes de paiement garanties, par exemple 20 ans ou à 65 ans. Les gens sont fatigués des investissements à risque qui ne donne pas de rendement. Les ventes retournent à ce que nous devrions toujours vendre : de la sécurité », pense M. Kirouac.
Il remarque aussi une croissance fulgurante des ventes en produits de prestation du vivant « qui atteint 50% à 60% par an depuis quelques années ». Les produits d'assurance invalidité qui incluent une protection de maladies graves et une garantie de remboursement des primes font un tabac, souligne M. Kirouac. Le produit de l'heure est l'assurance invalidité dont la prime n'est pas garantie, parce que moins chère.
Il croit que le produit trouve preneur chez des travailleurs tels que les cols bleus et les travailleurs autonomes, qui ne s'étaient jamais assuré en assurance salaire non résiliable en raison du prix trop élevé. « À tel point que nous vendons quatre fois plus d'assurance invalidité à prime non garantie que de l'assurance non résiliable », ajoute M. Kirouac.
Produits moins payants
Même réalité à l'ouest de l'Outaouais. Les ventes sont restées stables, « mais il y a eu un changement dans la nature des affaires, un changement dans les produits vendus », affirme John Lutrin, vice-président exécutif et directeur du marketing chez Financière Hub et Capital Hub.
M. Lutrin note particulièrement l'augmentation des ventes d'assurance vie temporaire et entière. Pour leur part, les ventes d'assurance vie universelle à primes excédentaires ont chuté. Ce résultat reflète la ruée des clients vers les garanties offertes par l'assurance vie entière plutôt que l'incertitude de la vie universelle. Les clients sont attirés par le coût plus abordable de l'assurance temporaire.
Cependant, les produits qui se vendent le mieux actuellement ne sont pas ceux qui rapportent le plus aux agents généraux, fait valoir M. Lutrin. Le type de produit vendu affecte en effet la marge bénéficiaire de l'agent général. « En regardant à la surface du secteur d'activité, on ne note aucune différence tangible, mais en creusant un peu plus, on peut voir un effet de retombée. »
Rentabilité touchée
À ce jour, les ventes d'assurance vie universelle chez Hub ont diminué de 10 % alors que les ventes d'assurance temporaire ont augmenté de 15 %, estime M. Lutrin. Or, il faut parfois vendre jusqu'à cinq polices d'assurance temporaire pour égaler la commission d'une vente de police d'assurance vie universelle à primes excédentaires, indique-t-il. « La différence réside dans le montant plus élevé de la prime. »
De plus, le pourcentage de commissions tourne autour de 60 % pour la partie coût d'assurance de la prime d'assurance vie universelle, alors qu'il atteint rarement plus de 30 % à 40 % pour l'assurance temporaire.
Une hausse des ventes de 10 % pour la vie entière a permis de compenser la chute des primes d'assurance vie universelle, ajoute-t-il. « Ce qui a sauvé nos marges. » Le pourcentage de commission et la prime moyenne de ces produits sont généralement plus élevés.
M. Lutrin estime que la crise économique entraîne une chute de 5 à 10 % de ses revenus, incluant l'assurance et les produits d'investissement. L'effet sur les bénéfices est plus marqué : de 15 à 20 %. « Oui, nous l'avons ressenti la crise, mais c'est loin d'être dramatique. »
Pour pallier la baisse de rentabilité, M. Lutrin se réunit entre autres avec les conseillers et les encourage à maintenir leur niveau d'activités. La vente d'assurance temporaire a aussi ses bons côtés. Celle-ci peut par exemple se transformer en police permanente lorsque le client est à nouveau prêt à prendre un engagement financier plus grand. « Dès que les choses se placeront, au moins on aura quelque chose avec quoi travailler... Il s'agit de mettre encore plus d'efforts. »
M. Lutrin encourage aussi les conseillers à ne pas mettre de côté les autres protections, comme l'assurance contre les maladies graves et pour les soins de longue durée. Pour les conseillers en sécurité financière au Québec, la crise du marché a créé des possibilités, ajoute-t-il. Plus que jamais, les Canadiens sont conscients du risque et ils comprennent la valeur des garanties, explique-t-il.
John Hamilton observe aussi le changement de tendance dans les produits vendus. Le président du consolidateur pancanadien Financial Horizons Group signale que les propositions d'assurance vie soumises ont augmenté de 8 % cette année, a-t-il révélé lors de l'entrevue réalisée en septembre. Il a aussi confié que les ventes de polices d'assurance vie universelle à primes excédentaires ont chuté. « La combinaison de produits est différente. L'assurance vie entière commence à reprendre sa place. »
M. Hamilton se dit impressionné par le secteur de l'assurance vie. « Je suis toujours étonné. On pense que pendant une période où l'économie est faible, les gens n'achèteront pas d'assurance vie, mais ils le font. »
Ses ventes de fonds distincts se sont aussi maintenues, bien qu'elles aient chuté de 25 % au cours du premier trimestre de 2009. Elles ont en effet augmenté ces derniers mois et étaient en septembre à peu près égales à ce qu'elles étaient à la même période l'an passé. En raison de cette tendance à la hausse des derniers mois, M. Hamilton prévoit que la vente de fonds distincts sera meilleure cet automne.
Effets de la crise
Les difficultés économiques ont davantage affecté les produits d'investissement que l'assurance. En fait, les actifs dans ces produits ont diminué de 40 % lors de l'effondrement boursier. Cependant, ces actifs ont bien récupéré dans les récents mois, souligne M. Hamilton.
Rene Pereux, associé de Daystar Financial Group, signale une augmentation d'environ 20 % de ses ventes. Il n'est pas surpris de voir le secteur de l'assurance croître durant ces temps difficiles. « Pendant mes 34 années dans le domaine, j'ai observé que lorsque les temps sont difficiles, de nombreuses personnes se ruent vers la sécurité. »
Il y a environ un mois, Daystar a effectué une analyse et a déterminé que chaque année, les ventes d'assurance ont augmenté pour tous les produits, ajoute M. Pereux. « On compte même une augmentation des ventes de l'assurance vie universelle, bien qu'il y ait moins de primes excédentaires. »
Il a observé une incidence négative dans certains marchés des entreprises. Par exemple, certains gros dossiers d'assurance vie à primes partagées ont été mis sur la glace. « Mais en général, les gens achètent de l'assurance vie. »
Est-ce qu'une partie de l'expansion de Daystar est causée par une augmentation de la force de vente? M. Pereux fait valoir que l'entreprise n'a rien acheté dernièrement, mais que son personnel a augmenté grâce au recrutement. Il estime que Daystar a accru son réseau de conseillers de 10 % au cours de la dernière année.
Daystar a aussi vu ses ventes d'assurance croître en raison des nombreux conseillers avec le double permis qui ont centré leurs efforts sur la vente d'assurance vie plutôt que sur les fonds communs.
Après la reprise des marchés boursiers, M. Pereux n'est pas certain que ces conseillers vendront autant d'assurance, car les ventes d'investissement sont techniquement les plus faciles. « C'est la loi du moindre effort », dit-il.
Il espère, cependant, que les conseillers se rendront compte de l'immense possibilité qu'offre ce marché, particulièrement chez les gens de 30 à 50 ans. « Ces gens ne reçoivent pas d'appels. »
Pourquoi? Parce que l'âge moyen des conseillers est plus élevé que ce groupe d'âge. Les conseillers les plus âgés ne cherchent plus de clients, ils se contentent de servir leur clientèle déjà établie. Pendant ce temps, l'industrie ne recrute pas de nouveaux conseillers comme elle l'a déjà fait. « Il n'y a pas suffisamment de nouvelles personnes qui se présentent. »
M. Pereux mentionne qu'il s'agit d'un problème pour l'industrie. Il a discuté de la question avec des directeurs de compagnie d'assurance. « Je crois que les compagnies d'assurance vie feront le choix judicieux de créer un partenariat avec les agents généraux afin d'amener de nouveaux conseillers dans l'industrie. »