S'il y a un marché qui peut permettre à Aviva Canada de connaitre de la croissance, c'est le Québec, croit son nouveau PDG Maurice Tulloch. Entré en fonction au début de l'année, M. Tulloch compte maintenant tirer profit de ses récents efforts en assurance des entreprises ainsi qu'en marketing qui ont fait exploser la notoriété de sa marque.C'est ce qu'il a affirmé au Journal de l'assurance, lors d'une entrevue à Montréal.
Tout au long de l'entretien, M. Tulloch n'a pas tari d'éloges envers le marché québécois de l'assurance de dommages. Il le décrit comme un marché stable, qui produit de bons rendements pour sa compagnie, particulièrement dans le marché de l'assurance automobile, où les assureurs en arrachent dans les autres provinces.
« Quand je regarde le Québec, je vois un marché incroyablement stratégique pour nous », dit d'emblée Maurice Tulloch. Comptable de formation, le nouveau PDG a joint Aviva au début des années 1990 et a gravi les échelons de l'entreprise jusqu'à sa tête. « Quand je compare nos stratégies de croissance au Québec avec celles des autres provinces, c'est certainement au Québec que je veux observer la plus grande croissance. C'est un excellent marché, qui est stable, surtout dans le marché automobile. Cette situation est profitable pour l'industrie, mais aussi pour le consommateur. Le marché est bien servi, très compétitif et présente des rendements soutenus. »
Ce n'est pas d'hier qu'Aviva s'intéresse au marché québécois. Patricia St-Jean, première vice-présidente pour le Québec et les Maritimes, a réitéré l'objectif d'Aviva exprimé l'an dernier d'être plus présent à l'extérieur de Montréal. Pour ce faire, l'assureur a recruté de nouveaux courtiers et signé de nouvelles ententes avec des bannières, pour que les courtiers en région puissent avoir accès à ses services. « Nous devons toutefois continuer à pousser dans ce sens et c'est quelque chose qui prend du temps. Notre but est d'avoir un portefeuille équilibré », dit-elle.
Aviva Canada possède un volume de primes de 500 millions de dollars (M$) au Québec, sur un total de 3,4 milliards de dollars (G$) au Canada, ce qui lui donne le deuxième plus gros volume de primes au pays. Aviva est aussi l'assureur ayant le plus gros volume de primes en assurance aux entreprises au Canada, avec 1,4 G$, en grande partie souscrit auprès des petites entreprises.
En assurance des particuliers, l'assureur possède un volume de primes de 2 G$, dont 1,3 G$ en automobile, 400 M$ en habitation et 300 M$ en assurance spécialisée. Presque la moitié du volume d'Aviva est en Ontario, avec un total de 1,6 G$. Suit l'Ouest canadien avec 25 % et le reste est au Québec et dans les Maritimes.
M. Tulloch attribue la force actuelle de son entreprise à la croissance enregistrée dans le marché de l'assurance des entreprises au cours des dernières années. Beaucoup d'efforts avaient été investi dans ce marché, notamment au niveau de la souscription, où l'assureur a entre autres mis en place un centre de formation pour les employés.
Question brulante d’actualité, le pointage de crédit secoue l’industrie. Malgré tout, Maurice Tulloch croit que la volonté du consommateur devra être respecté.
« La question de crédit galvanise les gens. Il est utilisé à plusieurs endroits. Toutefois, quand il est question d’assurance, ça soulève l’émotion. Les régulateurs à travers le pays ont fait un beau travail. Ils ont déterminé ce qui était le mieux pour le consommateur. Je suis un adepte de règles simples entourant la conduite et l’utilisation du pointage de crédit. Ce devrait être une mesure volontaire. Vous ne pouvez pas utiliser cette information si le client ne vous en donne pas le droit », dit-il.
Toutefois, à son avis, il doit y avoir un code de conduite approprié mis en place, comme le code volontaire développé par le Bureau d’assurance du Canada. « Il faut aussi en venir au point de punir les inconduites à cet égard, avec d’importantes pénalités. Malheureusement, toute l’industrie subira un tort lorsqu’un consommateur vivra une mauvaise expérience avec un seul assureur. Les gens ne font pas nécessairement la distinction entre la compagnie A, la compagnie B et la compagnie C », fait-il remarquer.
M. Tulloch rappelle aussi qu’en bout de ligne, le souhait de tout assureur est que le client soit satisfait lors d’une réclamation. « C’est pourquoi nous faisons des sondages constants à cet effet chez Aviva Canada. Depuis trois ans, nous mesurons notre taux de satisfaction à partir du Net Promotor Score (NPS-Score de promotion de l’assureur). Nous demandons une question simple au client : recommanderiez-vous avec confiance Aviva à quelqu’un? Il doit répondre par oui ou par non, et les non sont pondérés plus fortement. Nous avons un score de 40, ce qui est bon », affirme-t-il.
Importants moyens marketing
Aviva a aussi déployé d'importants moyens en marketing au cours des derniers mois. « Jusqu'à tout récemment, Aviva était probablement la plus grande compagnie au monde... que les gens ne connaissaient pas. Tout ça a changé il y a trois ans et demi quand nous avons investi massivement dans notre marque », précise M. Tulloch.
Au Canada, à peine 5 % des gens connaissaient le nom, révèle M. Tulloch. « Un Canadien sur cinq nous connait maintenant et sait que nous sommes un assureur. Au Québec, notre reconnaissance est d'environ 18 %, comparé à environ 4 % il y a trois ans. »
L'assureur souligne avoir eu du succès au Québec avec sa campagne dans les médias papier. Dans le reste du Canada, la campagne télévisuelle s'est plus démarquée. M. Tulloch a d'ailleurs confirmé que sa compagnie réinvestira dans une nouvelle campagne grand public. Entre 4 M$ et 5 M$ y seront investis, dont le tiers au Québec.
Une campagne radio a d'ailleurs débuté au Québec le 12 avril dernier. Douze stations de radio ont été ciblées, dont huit à Montréal (quatre anglophones et quatre francophones) et quatre à Québec (toutes francophones).
Une autre initiative d'Aviva a connu un grand succès au cours de la dernière année, dépassant les attentes de l'assureur, soit le Fonds communautaire Aviva, par lequel l'entreprise a remis 500 000 $ à dix œuvres de charité. Le concept était de susciter à travers le Canada des propositions de projets communautaires qui amélioreraient la vie de la collectivité. L'assureur s'engageait à distribuer son fonds à dix d'entre eux. Aviva s'attendait à récolter 140 candidatures, il en a plutôt reçu 2 000. De plus, Aviva a reçu plus de 800 demandes médias, récoltant une importante couverture médiatique dans toutes les provinces canadiennes, dont 95 % s'est avérée positive.
« En mars 2009, dans le contexte de crise qui prévalait, nous nous sommes questionnés pour voir comment nous pouvions dépenser plus prudemment. De notre point de vue, il ne faisait pas de sens de dépenser dans une campagne marketing traditionnelle. On voulait se démarquer. C'est pourquoi nous avons décidé d'utiliser le Web, les courriels, les blogues et les médias sociaux tels Facebook et Twitter. Nous en sommes ainsi arrivés au Fonds communautaire Aviva. Au début, les gens se demandaient quelle était l'attrape. Pourquoi une compagnie d'assurance voulait-elle donner son argent? Néanmoins, le Fonds a ravi le cœur des Canadiens. Au bout du compte, plus de deux millions d'entre eux ont pris le temps d'aller voter sur notre site Web pour choisir les meilleures idées », révèle M. Tulloch.
L'entreprise répéte l'expérience cette année. Cette fois, 1 M$ sera en jeu. Pour cette deuxième édition, le PDG d'Aviva dit souhaiter voir une plus grande implication de ses employés et des courtiers avec qui il fait affaire. Pas que ceux-ci ne se sont pas engagés. M. Tulloch juge toutefois qu'il s'agit d'une belle occasion pour un courtier indépendant de choisir une œuvre de charité, de l'encourager, de la supporter et ainsi recevoir l'attention des médias et de sa communauté.
L'idée a d'ailleurs fait des petits. Le 16 avril dernier, Pepsi annonçait qu'elle financerait des « idées positives » et qu'elle allait donner 1M $ au Canada pour récompenser les meilleures. Une campagne semblable a cours aux États-Unis, mais avec un budget de 10 M$.
Maurice Tulloch est catégorique. La technologie sera un enjeu critique pour les cabinets de courtage au cours des prochaines années et c’est dès maintenant qu’il faut y voir, dit-il.
Il souligne qu’Aviva Canada a investi beaucoup d’argent en technologie. « Est-ce que j’aimerais que les assureurs aient tous le même portail? Absolument! Je suis toutefois persuadé qu’Aviva a l’une des meilleures plateformes pour les courtiers. Nous investissons significativement pour avoir un seul processus de travail et nous allons continuer d’investir dans de nouveaux systèmes », dit-il.
Le PDG d’Aviva ajoute qu’il sera vital pour le réseau de courtage d’avoir une nouvelle plateforme d’ici cinq à six ans. « Les jours où nous concevions quelque chose, le gardions pendant 20 ans et continuions à le faire vivre en le réparant avec des Band Aid est révolu. Il faut voir ce que nos partenaires demandent et ce que les consommateurs demandent. Ces derniers voudront faire de plus en plus de transactions en ligne, que ce soit pour une soumission ou une réclamation. Nous devrons ainsi voir comment nous pourrons être plus efficaces et comment nos courtiers pourront l’être », dit-il.
Résultats en baisse
Aviva a rendu publics ses résultats financiers pour 2009. Le bénéfice est en baisse depuis trois ans. En 2007, l'assureur avait affiché un bénéfice net de 364 M$. Il était passé à 233 M$ en 2008 pour s'établir à 69 M$ en 2009. M. Tulloch explique cette baisse par la situation du marché automobile en Ontario, qui représente le tiers des affaires d'Aviva au Canada. Il affirme que sa compagnie est maintenant mieux placée dans ce segment après y avoir apporté des correctifs. De plus, l'assureur maintient son objectif de présenter un ratio combiné de 96 à chaque fin de cycle d'assurance. À la fin de 2009, il était à 105.
« Aviva a eu une bonne année en 2009. Les chiffres ne montrent qu'un côté de l'histoire. Mondialement, nous sommes un assureur coté AA. Il n'y en a pas des tonnes sur le marché. De plus, si on regarde notre avoir des actionnaires en tant que groupe, nous disposons de 4,5 milliards de livres (M£). Les résultats financiers ne se rétablissent pas seulement en lançant une pièce de 5 cents dans les airs. Souvent, ils reflètent ce qui a été fait 18 mois plus tôt. Ils se sont améliorés au cours des douze derniers mois. C'est pourquoi je suis confiant pour 2010 et pour le futur », dit le PDG d'Aviva.
M. Tulloch rappelle qu'outre les efforts faits en assurance auto en Ontario, des efforts ont aussi été faits dans d'autres segments, tels l'assurance habitation et certains segments sous performants de l'assurance aux entreprises, où un nouvel outil de tarification a été introduit. Aviva a aussi revu la performance de certains des cabinets de courtage avec qui il traitait. L'assureur a ainsi rompu les liens avec cinquante d'entre eux à travers le Canada, dont une poignée au Québec. L'assureur rappelle toutefois qu'il fait affaire avec 1 800 courtiers à travers le pays.
Pour témoigner de sa force financière, M. Tulloch souligne aussi qu'Aviva Canada a versé plus d'un milliard de dollars sous formes de dividendes au siège social britannique au cours des cinq dernières années. « Il y a toujours une comparaison à faire avec nos pairs en ce qui a trait à notre rendement. Si on se compare avec les autres joueurs présents dans le marché de l'auto en Ontario, nous les avons surpassés. Même si les chiffres ne sont pas ce que je voudrais, il faut prendre en compte le fait qu'il y a des joueurs qui n'affichent pas une tarification adéquate et qui ont des ratios avoisinant 130 », dit-il.
Rumeurs amusantes
Que pense M. Tulloch des rumeurs rapportées un an plus tôt par un quotidien torontois affirmant qu'Aviva serait acheté par l'un de ses compétiteurs? Le PDG d'Aviva dit toujours trouver ce genre de rumeurs amusantes et dit qu'un banquier en investissement qui n'a pas eu de transaction sous la cravate depuis un certain temps a tout intérêt à lancer de telles choses.
Néanmoins, il considère que la consolidation du marché canadien de l'assurance de dommages va se poursuivre au cours des prochaines années. « Il y a des occasions qui vont se présenter. Si quelque chose se présente à nous, c'est sûr que nous la regarderons. Nous sommes engagés vis-à-vis du marché canadien pour le long terme et nous voulons y faire croitre nos affaires », dit-il.
Comment une telle transaction serait-elle financée? M. Tulloch répond qu'il faut voir ce que le siège social a fait récemment. « En Grande-Bretagne, lors de sa dernière transaction, Aviva a déboursé 5 G£ et est allé chercher 20 G£ sur les marchés pour financer une transaction de 25 G£. Nous comptons donc sur de bonnes transactions, une bonne gestion et sur le support des marchés boursiers », dit-il.
Des cibles sont-elles plus attrayantes que d'autres? « Nous continuerons à porter attention au marché de l'assurance aux entreprises, car c'est celui qui nous semble rapporter le plus sur un horizon de dix ans. Le Québec est aussi un marché très attrayant pour nous. Toutefois, nous évaluerons toutes les occasions qui se présenteront », précise M. Tulloch.