Les pharmacies communautaires sont considérées comme des services essentiels depuis le début du confinement. Pourtant, bien des patients ont évité de les fréquenter en raison de la pandémie de la COVID-19, optant pour leur service de livraison à domicile ou pour les services de pharmacie en ligne.

Les pharmacies en ligne, tels Pharmacie Sonia Boutin affiliée à Medzy, Picard & Desjardins ou encore POSO+ en ont aussi tiré profit. Le début de la pandémie a été chaotique, mais le recours à leurs services se sont accélérés par la suite, ont témoigné les propriétaires de ces entreprises au Portail de l’assurance.

Au début du confinement, Picard & Desjardins a vu son volume d’affaires chuter en raison des directives exhortant les pharmaciens à ne consentir que des renouvellements de prescription pour 30 jours, plutôt que 60 ou 90 jours, révèle Benoit Picard, pharmacien copropriétaire de cette pharmacie en ligne. Or, l’intérêt accru des consommateurs de médicaments pour cette forme d’approvisionnement sans déplacement en temps de distanciation sanitaire a amorti le choc de cette directive anti-pénurie, poursuit-il.

« Notre chiffre d’affaires a diminué comparativement à la normale à cause de l’impossibilité du service aux trois mois, mais l’intérêt des patients a augmenté. Depuis le début de la COVID-19, nous avons dû embaucher et acquérir du matériel en automatisation, pour fluidifier nos opérations », ajoute M. Picard.

La pharmacie en ligne se réduit à un lieu physique minimaliste, dit M. Picard, dont l’entreprise réside sur la rue Chabanel à Montréal. « Tout ce qu’il y a, c’est une réception et un laboratoire. Notre rôle : stocker, préparer et individualiser les médicaments. Nous sommes une douzaine d’employés. »

Pas de télétravail pour le personnel technique, sauf une pharmacienne qui a dû rester à la maison le temps de sa quarantaine. « La crise du coronavirus a quelque peu changé la nature de nos activités. Nous rencontrions les personnes en entreprise, une activité pratiquement à l’arrêt. Cela a diminué notre cadence, mais on peut faire notre travail sans trop de problèmes. »

Le travail fait auprès des entreprises avant le début de la pandémie aura contribué à promouvoir l’installation de casiers intelligents Medlock pour la distribution sans contact. « Ça a aussi favorisé les activités de pharmacie en ligne. Avant, les gens trouvaient pratique de ne pas se déplacer. Maintenant ils évitent de se déplacer. Il y a plus de livraison à domicile. »

« On arrive au bon moment ! »

Pharmacienne propriétaire de Pharmacie Sonia Boutin, Sonia Boutin explique que son établissement est affilié à la plateforme en ligne Medzy.ca, fondée en 2019. Elle affirme aussi avoir dû embaucher des ressources supplémentaires, étant à la tête d’un réseau de sept pharmacies communautaires principalement situées dans des résidences pour personnes âgées. « Medzy.ca arrive vraiment au bon moment », lance-t-elle.

Mme Boutin ajoute que la crise provoque la fermeture de l’espace physique de pharmacies communautaires qui doivent désormais fonctionner en mode livraison et téléphone. « Ça prouve que nous pouvons fonctionner autrement », dit-elle.

Elle donne aussi l’exemple de certaines pharmacies communautaires qu’elle possède. « Nous sommes dans la COVID-19. Dans les villes où nous sommes, nous desservons plusieurs résidences pour personnes âgées, dont un centre hospitalier de soins de longue durée (CHSLD) à Vaudreuil, où il y a 38 cas positifs de COVID-19 sur 49 », révèle Mme Boutin.

Malgré la crise qui se déroule dans les CHSLD, Mme Boutin souligne l’importance de se maintenir sur place, à proximité des clients. « À Vaudreuil, les clients peuvent visiter le pharmacien de 9 à 5. Nous desservons les clients, mais aussi beaucoup les unités de soins, car les résidences sont un peu comme de mini-hôpitaux », précise-t-elle.

Par ailleurs, au terme d’un mini-sondage de ses clientèles, elle a découvert que ses clients n’aiment pas aller en pharmacie. « Ça nous a surpris ! »

Par ordre d’importance, les irritants qu’ils soulèvent sont le temps d’attente; le manque de confidentialité; et la relation avec le pharmacien qui est davantage devenu une commodité. La pharmacie acquiert des clients de deux façons : en ligne et des assureurs, par l’entremise du courtier d’assurance collective.

Un engouement sans publicité

Avec ses collègues Keven Lacombe et Jean-François Laroche, Martin Gilbert est propriétaire de la pharmacie en ligne POSO+. Les associés constatent aussi l’attrait de la pharmacie en ligne.

« Il y a un engouement présentement. Nos activités en ligne sont en forte croissance : nous l’avons vécu au début de la pandémie et le vivons encore », révèle M. Gilbert.

Il croit aussi que cet élan vient du fait que la pharmacie communautaire est devenue plus difficilement accessible. « On laisse entrer les gens un à un pour qu’il n’y ait pas plus de quatre à six personnes à la fois dans la pharmacie. À la pharmacie en ligne, très peu de gens viennent nous voir. Personne ne nous interrompt et nous continuons d’opérer normalement. »

POSO+ n’a pas besoin de faire beaucoup de pub pour profiter de cet élan. Le référencement fait le boulot.

« En temps de pandémie, les gens voient encore plus le rôle que joue la pharmacie en ligne. Ils s’habituent à la livraison de médicaments. De plus en plus de nouveaux patients transfèrent leur dossier d’une pharmacie communautaire à une pharmacie en ligne. Plusieurs de nos clients en ont parlé à leurs proches, leurs amis, leurs collègues, en raison de la situation actuelle », observe M. Gilbert.

Région vs milieu urbain

Aussi propriétaire d’une pharmacie communautaire, M. Gilbert croit toutefois que chaque modèle a ses avantages. « Le service de livraison de la pharmacie en ligne est extrêmement rapide dans la région du Grand Montréal, observe le pharmacien. Dans la région de Rimouski, le patient qui a besoin d’antibiotiques pour traiter une sinusite sera plus rapidement servi par sa pharmacie communautaire. En région éloignée des grands centres, la proximité est importante. Le patient développe un lien avec son pharmacien. »

Le pharmacien ajoute que le service en ligne permet aussi aux patients qui prennent plus de deux médicaments par mois d’économiser. « Nos frais d’exploitation sont moins élevés en raison de la centralisation et d’espaces moins grands en termes de pieds carrés. Ce sont aussi des économies pour les gens des régimes d’assurance collective », dit-il.

M. Gilbert ajoute que les communications ne sont pas non plus faciles avec les patients, un volet qui n’a pas évolué dans les pharmacies communautaires. « Nous avons leur numéro de téléphone, mais pas toujours leur courriel. Nos logiciels ne sont pas conçus pour envoyer un message à chaque patient, et nous ne pouvons pas appeler 3 000 personnes », explique Martin Gilbert.

De leur côté, les communications de la pharmacie en ligne fonctionnent davantage en mode numérique. « Les clients de POSO+ sont habitués à nous joindre par texto, par courriel, par Messenger. Cela nous a facilité la tâche. Tous nos gens sont inscrits dans un système de rappel par texto, courriel ou téléphone, quelques jours avant le renouvellement de leur prescription », précise le pharmacien propriétaire.