La saison des feux de forêt continue de faire des ravages partout au Canada. On commence à deviner que les assureurs devront débourser de bonnes sommes en indemnités pour les pires sinistres, dont ceux qui touchent toujours le nord-ouest du Québec. 

La section de l’Atlantique du Bureau d’assurance du Canada (BAC) confirme que les feux qui ont frappé la Nouvelle-Écosse, dans la région voisine de Halifax, ont causé des dommages assurés d’au moins 165 millions de dollars (M$). L’estimation a été faite par Catastrophe Indices and Quantification (CatIQ)

Ce feu, qui a duré du 28 mai au 4 juin 2023, a exigé l’évacuation de 16 000 personnes, rappelle le Bureau. Quelque 200 propriétés, dont 150 résidences, ont été détruites ou lourdement endommagées par cet incendie. Des milliers d’autres ménages ou commerces assurés ont subi des pertes en raison des pannes de courant. 

Selon Amanda Dean, vice-présidente du Bureau, région de l’Atlantique, la saison des feux de 2023 « sert à rappeler la situation de vulnérabilité de nombreux Canadiens à l’égard des catastrophes naturelles et autres sinistres météorologiques ».

Dans le communiqué publié le 5 juillet, Mme Dean salue les efforts de tous les premiers répondants qui ont lutté contre l’incendie et qui ont contribué au succès de l’évacuation des habitants de Tantallon, de Hammonds Plains et des autres localités touchées. 

Dans son plus récent bulletin hebdomadaire des catastrophes naturelles, Aon confirme le caractère exceptionnel des feux en 2023 au Canada. En date du 4 juillet, quelque 3 319 feux avaient rasé 8,5 millions d'hectares (M ha) de forêt partout au Canada, dont environ 3,3 M ha au Québec seulement. 

Au Québec 

Selon les données de la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU), 68 feux étaient toujours en activité dans la zone de protection intensive au Québec en date du 5 juillet.

On a ainsi dénombré quelque 492 incendies en 2023, alors que la moyenne des 10 années précédentes à la même date est de 285 incendies. 

Les superficies affectées par le feu en 2023 sont exceptionnelles, à 1 455 144 hectares. En moyenne durant les 10 années précédentes, les superficies forestières brûlées étaient inférieures à 14 000 ha. 

Quelque 66 feux sont hors de contrôle dans la zone nordique où la SOPFEU n’intervient pas. Ces incendies créent des problèmes de qualité de l’air partout sur le continent nord-américain.

Le 5 juillet, les communautés cries et inuites du Nunavik et de la Baie-James étaient en état d’alerte en raison de la mauvaise qualité de l’air. Un record de température de 34,3 °C a été atteint à Kuujjuaq le 30 juin dernier de même que dans d’autres localités nordiques ailleurs au pays. 

À lui seul, le feu no 218 en Jamésie couvre plus d’un million d’hectares. Au total, ce sont plus de 2 millions d’hectares qui ont déjà été affectés par les feux dans cette région nordique. 

À Lebel-sur-Quévillon, les activités devaient reprendre le 6 juillet à l’usine de pâte kraft exploitée par Chantiers Chibougamau, après un mois d’interruption des activités. Le feu no 344, qui a menacé la municipalité durant plusieurs semaines et forcé son évacuation complète à deux reprises, a causé des dommages en forêt estimés à 481 096 ha par la SOPFEU. 

De l’aide d’urgence 

Le 5 juillet, le gouvernement du Québec a annoncé des mesures d’aide de 50 M$ pour les entreprises touchées par les feux de forêt. Le programme d’aide vise particulièrement les entreprises qui n’ont pas eu accès au territoire forestier durant quatre semaines consécutives, soit en raison des interdictions de circulation en forêt ou parce que le territoire et les infrastructures ont subi des dommages. 

Les mesures ciblent notamment les exploitants forestiers, les usines de transformation des produits du bois, les pourvoiries, les entreprises touristiques et les commerces de proximité. 

L’aide financière prendrea la forme d’un prêt ou d’une garantie de prêt. L’aide pourra atteindre un montant maximal de 50 000 $ si le prêt provient de l’enveloppe de 20 M$ accordée aux municipalités régionales de comté (MRC).

De son côté, pour les besoins de liquidité qui dépassent 50 000 $, l’aide proviendra de l’enveloppe de 30 M$ confiée à Investissement Québec. Dans ce cas, l’aide maximale pourra atteindre un million de dollars. 

La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) a salué l’annonce du gouvernement du Québec. Cependant, la FCEI exprime son inquiétude concernant l’impact de ces prêts d’urgence sur l’endettement total des PME touchées. 

En Colombie-Britannique 

Par ailleurs, l’organisme indépendant qui conseille le gouvernement de la Colombie-Britannique réclame un plan d’action urgent pour revoir la gestion du territoire forestier afin de mitiger les risques découlant des feux catastrophiques. 

Selon le rapport Forest and fire management in BC: toward landscape resilience, récemment publié par le British Columbia Forest Practices Board (CFB), les modes de prévention et de suppression des feux en cours dans la province depuis un siècle de même que les stratégies d’aménagement ont eu pour effet d’augmenter le volume de bois susceptible de se consumer lorsque les conditions de sécheresse sont présentes.

Cette évolution des pratiques d’aménagement forestier, jumelée à l’impact des changements climatiques, augmente le risque de feux importants, selon Keith Atkinson, président du conseil de l’organisme. Selon les propres données du ministère responsable des forêts en Colombie-Britannique, quelque 45 % des forêts du domaine public sont dans les catégories « élevée » ou « extrême » à l’égard de leur vulnérabilité aux feux. Cela représente un territoire équivalent à 39 millions d’hectares, ou 390 000 km2. 

Les coûts directs reliés à la lutte contre les feux atteignent désormais le milliard de dollars dans l’ouest du Canada, ajoute le CFB. « Nous n’avons plus les moyens de maintenir la situation actuelle », poursuit M. Atkinson dans le communiqué publié le 29 juin dernier. 

Le rapport propose diverses méthodes d’aménagement pour augmenter la capacité du milieu forestier à se protéger des feux. Des propositions de même nature ont été entendues au Québec ces dernières semaines en provenance des spécialistes de l’aménagement forestier.