La Fédération de l’industrie de la restauration après sinistre (FIRAS) compte faire un grand pas en avant en 2014. Elle souhaite rappeler aux Québécois la valeur ajoutée que ses membres leur apportent.

Le Journal de l’assurance a rencontré Daniel Pellerin et Nancy Raymond, respectivement président et administratrice de la FIRAS. Pour le nouveau président de la FIRAS, l’industrie de la restauration après sinistre joue un rôle très important dans la société québécoise. « En janvier, nous sommes venus en aide à des dizaines de milliers de personnes ayant subi un sinistre. On montre une valeur ajoutée aux assurés. C’est quelque chose que nous avons perdu de vue, au cours des dernières années. On doit revenir à cette base », dit-il.

Pour faire valoir cette valeur ajoutée, le nouveau conseil de la FIRAS a fait une grande séance de remue-méninges. Deux rencontres à la fin de 2013 ont permis d’identifier deux grands problèmes.

Le premier est que le produit mis de l’avant par la FIRAS est mal défini, affirme M. Pellerin. « Il y a un manque de compréhension de la part de nos membres, des assureurs et des bannières de restaurateurs relativement au rôle que l’on joue. Il y a une incompréhension de notre valeur ajoutée », dit-il.

Autre problème : la FIRAS ne dispose pas d’une permanence à temps plein. « Le président et les membres du conseil doivent donc prendre la parole plus souvent. Ça amène un manque de transparence. Il y a donc une moins bonne communication entre le conseil et les membres. La même chose se produit à l’externe, avec les gens et entreprises qui gravitent autour de nous », dit M. Pellerin.

La FIRAS s’est donc donné un thème pour 2014 : « Collaborons pour mieux communiquer ». « L’industrie évolue rapidement. En janvier, le climat a subi des variations de température qui ne sont arrivées que deux fois au cours du dernier siècle. Nous sommes pourtant appelés à subir cela de plus en plus souvent. Par ailleurs, le consommateur est de plus en plus exigeant. Il compare les prix. Il est toutefois plus vulnérable qu’avant, car la population vieillit et les gens n’ont plus de poêle à bois dans leur sous-sol, comme auparavant. Les constructions sont de plus en plus complexes, alors que les gens sont de moins en moins manuels. Comme les assureurs sont sous la pression des consommateurs, ils n’ont d’autre choix que d’offrir des produits moins chers. Les consommateurs sont donc moins assurés. C’est le paradoxe de notre industrie », dit M. Pellerin.

Autre défi pour la FIRAS : le cout grimpant de sa main-d’œuvre. « Pour être excellents, nous aurions tout avantage à nous spécialiser. Or, il faut du volume pour cela. En ce moment, nous demandons à nos employés de faire une variété de tâches. Il faut ainsi les former en interne. Auparavant, nous étions perçus comme des laveurs de tapis. Aujourd’hui, on doit embaucher des gens avec des DEC pour faire des rapports d’intervention. Il nous faudrait même avoir des ingénieurs, dans certains cas », dit M. Pellerin.

Mme Raymond souligne que les restaurateurs après sinistre ont de plus en plus de paperasse à remplir. « Nos gens n’ont toutefois pas tous les qualifications pour le faire. La main-d’œuvre coute de plus en plus cher pour répondre aux attentes du client. D’un autre côté, si on veut retenir nos gens, il faut les faire travailler. On les envoie donc sur des dégâts d’eau, des incendies, ramasser des débris ou remplir de la paperasse », dit-elle.

Trouver des gens excellents qui ont toutes ces qualités n’est pas évident, dit Mme Raymond. « Ça prend aussi des gens qui ont un bon sens de la logique et qui sont manuels. Les gens s’attendent aussi à avoir des horaires réguliers et 40 heures par semaine. Ce n’est pas ce que nous offrons. Il faut aussi être vif d’esprit et rassurant à la fois », ajoute-t-elle. « Nos gens font donc une tâche pendant un certain temps et y excellent. Quand ils retournent dans quelque chose qu’ils aiment moins, c’est moins bien fait, même s’ils devraient y exceller », mentionne M. Pellerin.

Le président de la FIRAS ajoute aussi que les restaurateurs doivent s’adapter au phénomène de la main-d’œuvre vieillissante. « Nous n’avons pas de formation particulière, bien que nous ayons un programme d’apprentissage en milieu de travail (PAMT) certifié par Emploi Québec. Nous ne sommes pas comme une boite d’ingénierie qui n’a qu’à aller à l’université pour faire du recrutement. Aussi, le cycle d’apprentissage pour former un bon restaurateur est très long », dit-il.

Mme Raymond ajoute que bien souvent, les entreprises en restauration après sinistre trouvent de très bons employés de chantier. Toutefois, ces personnes seront incapables de faire de la facturation. « Ils aiment être sur un sinistre. Toutefois, leurs dossiers de facturation trainent toujours. C’est difficile de trouver quelqu’un de multifonctionnel », dit-elle.

Elle donne en exemple un employé qui travaille pour l’un de ses affiliés. « C’est un excellent gestionnaire. Toutefois, il n’a jamais touché à un ordinateur de sa vie. On lui a donc pris une adjointe administrative plutôt que de partir à zéro avec lui en informatique. On doit d’ailleurs le faire de plus en plus. Ce n’est pas évident de trouver des directeurs généraux et des directeurs d’opération qui ont les compétences pour accomplir toutes les tâches », dit Mme Raymond.

Mieux définir son produit

Selon M. Pellerin, la FIRAS peut jouer un rôle éducatif et de dialogue à l’égard des industries de la restauration après sinistre et de l’assurance. « Nous avons un produit mal défini. C’est pourquoi nous avons donné un mandat à la firme Ryan Affaires publiques. On vient d’ailleurs de recevoir leurs recommandations. On a donc mis de l’argent sur la table pour régler ce problème », dit-il.

La FIRAS embauchera aussi un directeur général. L’affichage a d’ailleurs été fait au cours des dernières semaines dans FlashFinance.ca, une publication sœur du Journal de l’assurance. « Nous avions déjà été approchés par quelques candidats intéressants auparavant. On viendra ainsi modifier la structure de notre permanence pour se donner les moyens de nos ambitions », dit M. Pellerin.

Le conseil d’administration de la FIRAS souhaite ainsi positionner l’organisation comme un lieu d’échange privilégié pour le progrès de l’industrie de la restauration après sinistre. « Sans l’implication des acteurs qui gravitent autour, il ne peut y avoir de progrès. Les restaurateurs travaillent présentement en silos, et on se met des bâtons dans les roues », dit-il.

Mme Raymond ajoute que si les restaurateurs réussissent à se parler, cela produira un effet sur les relations avec les assureurs. « La restauration après sinistre ne fait pas partie de l’assurance à proprement dit, alors que pourtant, la plupart des dégâts ne sont pas couverts par les assureurs, ou sont autoassurés », complète M. Pellerin.

Il estime que le potentiel d’effectifs à la FIRAS est d’environ 200 entreprises. Or, la FIRAS compte présentement 75 membres. « Ceux-ci couvrent 95 % des sinistres qui surviennent au Québec, dit M. Pellerin. La différence entre les bannières et la FIRAS est que nous ne sommes pas là pour faire la promotion de l’avantage concurrentiel de telle ou telle entreprise, mais bien pour le bien commun de l’industrie. »

Il ajoute que la FIRAS ne veut pas faire d’affronts aux assureurs. « On veut collaborer avec eux. Il y a méfiance de part et d’autre. Si les bannières des restaurateurs n’embarquent pas, la FIRAS est vouée à l’échec. Quelques courageuses nous rejoignent, mais il y a encore de la résistance de la part de certaines », dit M. Pellerin.

Le conseil d’administration de la FIRAS convient d’ailleurs qu’il doit tout faire pour essayer d’éviter ceux qui s’improvisent restaurateurs après sinistre. « La vraie menace, c’est le cabochon! Le modèle du plombier ressemble à ce que l’on veut faire dans notre industrie. Quand vient le temps pour lui de réparer un tuyau, il fait attention, car il veut protéger le sceau du plombier. C’est la valeur qu’on veut avoir », dit le président de la FIRAS.

M. Pellerin convient que la FIRAS devra montrer les dents de temps à autre. « On va prendre position contre les mauvaises pratiques, que ce soit la surfacturation, le mauvais service à la clientèle, les techniques douteuses ou encore les processus non respectés. On ne peut tolérer cela », dit-il.

« En tant qu’entrepreneurs, nous avons une conscience professionnelle, ajoute Mme Raymond. On se doit de protéger nos employés, mais aussi les résidents chez qui on travaille. Comme les assureurs veulent de plus en plus contrôler leurs couts, certains restaurateurs ont tourné les coins ronds », dit-elle.

Pour M. Pellerin, le manque de formation et d’accréditation dans l’industrie de la restauration après sinistre est le nerf de la guerre. « Il faut que ça change rapidement. Il n’y a qu’au Québec où l’on n’exige pas de certification », dit-il. « Les plombiers et les électriciens ont tous des certifications. Ça amène une paix d’esprit pour le consommateur », dit Mme Raymond.

La FIRAS doit s’assurer qu’elle amène une valeur ajoutée, dit son président. « On est là depuis le début pour relever les standards. On a fait d’énormes progrès en ce sens. On doit maintenant aller un cran plus loin, soit en changeant les perceptions de l’industrie », dit-il.

Chevauchement expert-restaurateur

La FIRAS a aussi identifié un autre problème qui nuit à son bon fonctionnement. Des tâches autrefois dévolues à l’expert en sinistres ou à l’évaluateur agréé relèvent maintenant du restaurateur après sinistre. « On n’a qu’à prendre le rapport d’intervention : la ligne est très mince entre ce que l’Autorité des marchés financiers exige de l’expert en sinistres par rapport à ce que le restaurateur fait », dit M. Pellerin. « Certains assureurs demandent même à des experts en sinistre de produire des devis pour évaluer les couts », ajoute Mme Raymond.

L’industrie de la restauration après sinistre devrait-elle être mieux encadrée? « J’aimerais beaucoup qu’elle se rapporte à la FIRAS, dit Mme Raymond. C’est d’ailleurs l’un des mandats qu’on s’est donnés. »

M. Pellerin affirme que certains assureurs sont contents de voir la FIRAS prendre le chemin de l’autorèglementation. « Quand un de mes concurrents passe à La Facture, les gens se méfient de moi le lendemain. Ce serait bien beau de dire que nous aurions besoin d’un ordre professionnel, mais nous ne sommes pas des gens qui ont un baccalauréat », dit-il.

Le président de la FIRAS ajoute qu’il faudra bien que quelqu’un supervise les normes que la FIRAS veut voir établies. « Sinon, à quoi ça sert d’avoir une norme? Nous en avons mis en place une série. Tant que les donneurs d’ouvrage n’emboiteront pas le pas, ça va rester lettre morte. Notre rôle lors d’un sinistre doit être au centre de toutes les professions, que ce soit le courtier, l’assureur ou l’actuaire. Si on n’améliore pas notre image de marque, on aura d’ailleurs toujours de la difficulté à attirer de la main-d’œuvre », dit M. Pellerin.

 


 

La Table de concertation avec les assureurs toujours à l’ordre du jour

La Fédération de l’industrie de la restauration après-sinistre (FIRAS) poursuit ses travaux pour mettre en place une table de concertation avec les assureurs. C’est Mario Caetano, ancien président de la FIRAS, qui les mène.

La FIRAS souhaite ainsi rencontrer le conseil d’administration de la section québécoise de l’Association canadienne des directeurs de sinistre d’assurance (ACDSA). « On voudrait échanger avec eux pour qu’on ait tous le même langage. On attend une réponse sous peu et on voit une ouverture », dit Nancy Raymond, administratrice de la FIRAS, qui participe aussi aux travaux d’élaboration de la table de concertation avec les assureurs.

Pour la FIRAS, cette tâche n’est pas impossible. Les deux administrateurs prennent en exemple les carrossiers et les vitriers automobiles. « C’est l’exemple d’une belle intégration : ils partagent la même plateforme que les assureurs. Il est vrai que leur produit est plus simple et s’automatise bien. Pourquoi ne pas partir de cet exemple? Les assureurs se sont assis avec eux et ont signé des ententes. L’assuré est d’ailleurs hypersatisfait », affirment les représentants de la FIRAS.