La pandémie de COVID-19 a causé un sursaut de mortalité des assurés titulaires de polices d’assurance vie individuelle au Canada en 2020. Or, ce sursaut avait fait place à une accalmie en 2021.
La mortalité s’est accentuée en 2023, révèle le rapport Expérience en assurance vie individuelle au Canada pour l’année d’assurance 2022-2023, publié en juin 2025 par l’Institut canadien des actuaires (ICA). Il jette un regard sur les statistiques de la mortalité survenue chez les titulaires de polices d'assurance vie individuelle (ce que les actuaires appellent « l'expérience de mortalité »). L’expérience de la période 2022-2023 démontre d’ailleurs une deuxième hausse consécutive du taux de mortalité.
Publié en 2024, le rapport précédent de l’ICA avait aussi révélé une hausse de la mortalité, selon le segment d’expérience précédent couvrant les années 2021 à 2022, comme l’a rapporté l’édition d’octobre 2024 du Insurance Journal.
Le rapport de 2025 sur le segment d’expérience de 2022 à 2023 est le 74e d’une série de l’Institut canadien des actuaires. Neuf assureurs y ont contribué en fournissant des données. « Cette étude couvre environ 70 % de l’assurance vie individuelle au Canada », révèle le sommaire du rapport.
L’ICA précise dans le sommaire que les données fournies par les assureurs couvrent la période d’un an à compter de l’anniversaire de la police survenu en 2022. L’âge de l’assuré considéré dans l’étude est celui le plus proche de l’anniversaire de la police.
Tendance rompue…
L’étude derrière le rapport se penche sur le ratio de la mortalité réelle par rapport à la mortalité attendue, ce qu’elle appelle ratio réel/prévu (R/P). « Le ratio réel/prévu (R/P) global selon le montant portant sur la plus récente année d’assurance s’écarte à nouveau de la tendance à la baisse qui était attendue avant la pandémie », peut-on lire.
Il s’agit selon l’ICA de l’observation la plus importante de l’étude. « Il est probable que la surmortalité attribuable à la COVID-19 soit le principal facteur de l’augmentation du ratio R/P, mais d’autres facteurs pourraient également entrer en jeu », soulève le rapport de l’ICA.
« La mortalité a diminué régulièrement d'année en année depuis que je l'observe », indique en entrevue avec le Portail de l’assurance R.C.W. (Bob) Howard, un consultant indépendant en actuariat et le membre de l’ICA qui a préparé le rapport. « Parfois, la mortalité sera légèrement supérieure une année, puis elle diminue l’année suivante, poursuit-il. La tendance [à la baisse] a été assez constante pendant de nombreuses années, mais il semble qu’elle se soit rompue. »
M. Howard contribue régulièrement aux travaux sur la mortalité de l’ICA, dont ceux qui ont mené à la nouvelle table de mortalité ICA2014, publiée en 2022. Il exerce la profession d’actuaire depuis plus de 40 ans. M. Howard a été président de l’ICA de 2009 à 2010. Il a aussi exercé sa profession au sein d’assureurs, dont Sun Life.
Dans le graphique qui suit, les courbes représentent l’évolution du ratio de la mortalité réelle par rapport à la mortalité attendue. Les lignes pointillées représentent la tendance qui avait cours avant la pandémie de COVID-19.
C’est selon Bob Howard le graphique « le plus significatif du rapport ». « Ce graphique laisse penser qu'il y a eu une interruption de la tendance à la baisse. La question est maintenant de savoir si les courbes pourraient à nouveau s'orienter vers le bas. Verrons-nous un retour à la tendance à la baisse, mais à un niveau plus élevé, ou reviendrons-nous au niveau où nous en aurions été sans la pandémie ? Nous ne le savons pas encore », dit l’actuaire.
… Et interrogations
Nous nous sommes demandé si l'aide médicale à mourir pouvait avoir un effet
– Bob Howard
Revenant sur le graphique, Bob Howard qualifie de « très large » l’écart de plus de 10 % observé en 2023, entre les courbes continues sur la mortalité réelle et celles pointillées sur la mortalité attendue. Il hésite à spéculer sur les causes du sursaut sur une si brève période. Selon lui, la pandémie de COVID-19 en explique environ la moitié. Mais la maladie s’est depuis estompée, grâce à l’efficacité des vaccins.
« Même si les décès liés à la COVID-19 cessaient complètement, il est impossible de combler cet écart de plus de 10 % entre la mortalité réelle et la tendance », affirme M. Howard. Il rappelle qu’au cours de la dernière année, « les demandes d'indemnisation liées à la COVID-19 ne représentaient qu'un peu plus de 2 % des demandes », en faisant référence au tableau suivant qui porte sur l’analyse selon la cause du décès.
À titre de comparaison, la proportion des polices dont elle a été la cause de décès est deux fois plus élevée dans l’analyse du rapport de l’ICA qui inclut les pires années de la COVID-19. Il atteint 4,1 % pour l’analyse de 2019 à 2023.
« L'âge pourrait être un autre facteur, mais ce n'est pas tout. Juste avant que le rapport soit publié, nous nous sommes demandé si l'aide médicale à mourir pouvait avoir un effet, car elle permet de mourir tôt. C'est un sujet que nous étudierons l'an prochain, en 2026, mais je ne pense pas que ces deux éléments soient suffisants [pour expliquer la hausse]. Il y a probablement autre chose, et il nous faudra du temps pour comprendre précisément ce qui se passe », explique-t-il.