Les nouvelles règles sur la fiscalité des polices d’assurance vie feront monter le prix de la vie universelle à cout d’assurance nivelé jusqu’à 10 %. Le coupable : l’impôt sur le revenu de placement des compagnies d’assurance.

L’impôt sur le revenu de placement des assureurs (IRP) augmentera en 2017. Généralement, les assureurs assument cet impôt et refilent ensuite la facture au client, dans les frais ou le prix des produits. L’IRP ne s’appliquait jusqu’à maintenant qu’à la valeur de rachat nette d’une police.

Dès le 1er janvier 2017, il s’appliquera à tout le fonds d’accumulation de la police d’assurance vie individuelle, a expliqué le planificateur financier Gilles Chevalier, président d’Engel – Chevalier, Protection du patrimoine. « Le prix du cout nivelé d’assurance vie universelle augmentera en raison de l’application étendue de l’impôt sur le revenu de placement des assureurs », dit-il.

Le taux de l’IRP s’établit à 15 % du revenu net des placements de l’assureur, explique Financière Sun Life, dans une lettre de son équipe fiscale destinée aux conseillers. « L’impôt sur le revenu de placements a pour effet de réduire le taux de croissance intrinsèque du contrat et nécessite un rajustement approprié des primes des contrats à prime et à capital fixes », peut-on lire.

La vice-présidente adjointe au développement des affaires et solutions d’assurance individuelle de Canada-Vie, Great-West et London Life, Saundra Edwards, a révélé que cette hausse oscillera probablement entre 5 % et 10 %. « Ces hausses toucheront les produits de vie universelle à cout nivelé payable à vie et ceux payables pendant une période limitée. La hausse variera selon l’âge de l’assuré et le type de produit », dit-elle.

Vice-président exécutif et actuaire de PPI, John McKay croit aussi que les assureurs voudront refiler leur facture d’impôt sur le placement à leurs titulaires de polices, particulièrement en ce qui touche les vies universelles à cout d’assurance nivelé. « De plus, étant donné le très bas niveau des taux d’intérêt, les assureurs pourraient décider de profiter de cette retarification pour hausser le prix un peu plus, et ainsi compenser l’impact des taux », dit-il.

Saundra Edwards n’écarte pas la possibilité que la persistance à la baisse des taux d’intérêt à long terme vienne jouer sur les prix. « La tarification de tout nouveau produit devra refléter l’environnement des taux d’intérêt », dit-elle.

Nouveaux produits

En 1982, de nouvelles règles fiscales ont donné naissance à la vie universelle. En 2017, de nouvelles règles fiscales transformeront les produits existants, croit M. Chevalier. « Pour bénéficier des mêmes possibilités dans leur compte de dividendes en capital après 2016, les gens devront acheter plus d’assurance. Nous verrons apparaitre des clauses d’achat automatique d’assurance supplémentaire, pour créer plus de place à la capitalisation au sein des polices », prévoit-il.

Les stratégies de levier deviendront selon lui moins intéressantes, car le potentiel d’accumulation dans la police mise en garantie sera moins élevé, ajoute M. Chevalier. En revanche, les clients surprimés qui mettront une police en garantie d’un prêt en 2017 pourront déduire la partie excédentaire de la prime normale.

John McKay croit aussi que plusieurs caractéristiques changeront, dont le niveau des primes maximales et des valeurs de rachat garanties, ainsi que les taux utilisés pour acheter de l’assurance libérée dans les polices avec participations. « Avec les restrictions qu’imposent les nouvelles règles sur le fonds d’accumulation des vies universelles à cout nivelé, les assureurs développeront probablement de nouvelles options de couverture pour permettre plus d’accumulation à long terme. Les produits avec participations offrent déjà de tels mécanismes », souligne M. McKay.

Évolution rapide

La situation évolue rapidement. Alors que les nouvelles règles étaient connues depuis deux ans, des produits sont apparus, qui doivent maintenant être changés de nouveau. « Des produits devront être modifiés. Lancé en mai 2014, le produit VU Manuvie est déjà prêt à recevoir des modifications mineures, qui rendront l’arrimage aux nouvelles règles plus facile », a expliqué le vice-président adjoint en actuariat-conseil de Manuvie, Pierre-Olivier Sarolea.

Certaines modifications aux produits devront encore attendre, dont les logiciels d’illustration chers aux vies universelles. « En ce moment, nous tenons compte des frais de rachat pour calculer le dépôt maximum. Nous ne pourrons plus en tenir compte à partir de 2017 », souligne Diane Hamel, vice-présidente adjointe régionale, service fiscalité, retraite et planification successorale pour la région du Québec, pour Manuvie. « Nous croyons que notre logiciel d’illustration sera prêt avant le 1er janvier 2017.

Parmi les changements, il y en a un qui entraine au moins une situation avantageuse, soit celui qui affecte le test dit du 250 %. « Le test du 250 % sera plus permissif en vertu des nouvelles règles, soutient M. Sarolea. Il faudra échouer un test additionnel avant d’échouer celui du 250 %. Il y aura certaines différences dans l’application du test de 250 % selon qu’il s’agit d’une police pré ou post-2017, mais les changements à ce test seront bénéfiques tant pour les anciennes que les nouvelles polices. »

M. Sarolea rappelle que ce test s’effectue à partir du 10e anniversaire d’une police universelle. Le test vise à s’assurer que le fonds d’accumulation ne soit pas supérieur de plus de 250 % à ce qu’il était trois ans auparavant.

Par contre, la prime maximale qu’on peut verser la première année sera moins généreuse, dit-il. Le maximum du dépôt est fixé selon la police type exemptée, laquelle changera au 1er janvier 2017, rappelle le vice-président adjoint à l’actuariat. L’étalon actuel, appelé police mixte, est une dotation payable pendant 20 ans, et qui expire à 85 ans. La future police mixte sera plutôt payable pendant huit ans et expirera à 80 ans, explique M. Sarolea.

« De plus, comme on ne pourra plus tenir compte des frais de rachat dans le calcul du dépôt maximum, celui-ci sera réduit dans certains cas, pour certains produits. Par exemple, les produits avec frais de rachat élevés dans les premières années seront désavantagés. Avec les changements de 2017, les produits qu’on peut payer en un an, on n’en verra plus sur le marché », prévoit M. Sarolea.

Pour sa part, Diane Hamel croit que les polices multivies tomberont dans l’oubli, même si elles ne sont déjà pas « un gros vendeur ». Par exemple, ces polices permettent à un titulaire de s’assurer pour 5 M$ et d’assurer son père pour 100 000 $. La valeur totale des comptes est payable à chaque décès. Si le père meurt en premier. Le fonds sera par exemple de 500 000 $ en raison de la couverture élevée du fils. Il sera versé avec le capital-décès de 100 000 $ du père, soit 600 000 $ en franchise d’impôt.

« À partir de 2017, le montant que l’on peut retirer en franchise d’impôt sera limité selon le montant maximal qui aurait pu être déposé dans la police, en vertu de la couverture d’assurance du premier assuré à décéder. Dans l’exemple présent, 100 000 $ et non 5 M$. Les 500 000 $ excédents deviendront donc imposable. C’est sûr que nous ne voudrons pas créer une telle situation dans les produits du futur. »