Dans le domaine de la santé mentale et de la dépression, les médecins procèdent beaucoup à des essais et erreurs. Ils prescrivent des médicaments et s’ils ne donnent pas les résultats attendus, ils tentent autre chose. Il existe toutefois un test pharmacogénétique qui, à défaut de déterminer le traitement optimal pour les patients, permet d’éliminer la médication la moins appropriée et donc la moins efficace pour eux.
Des études ont démontré deux patients dépressifs sur trois ne seront pas en rémission après le premier traitement, 38 % des patients ne répondront pas bien aux antidépresseurs et chez 25 % d’entre eux, les effets secondaires sévères vont les empêcher de fonctionner. Les chances de succès diminuent après chaque stratégie de traitement, ce qui montre selon des spécialistes les limites de la méthode essai-erreur actuelle.
Pourtant, même si les résultats ne sont pas optimaux, les médicaments restent utiles, dit Antoine Bégin, de BiogeniQ, une jeune entreprise spécialisée dans la génétique qui fait maintenant partie du groupe Biron. Il est prouvé que les antidépresseurs fonctionnent, mais pas nécessairement pour tout le monde, a-t-il indiqué lors du congrès de formation Segic présenté récemment à Québec.
Il faut souvent du temps pour trouver le traitement approprié pour la bonne personne, attendre deux à quatre semaines avant que le médecin confirme s’il fonctionne bien ou non. Si ça ne fonctionne pas, on fait alors faire une purge, une transition d’une semaine pour changer un antidépresseur ou un autre. Ces longs délais ont des couts, à la fois pour la santé psychologique de l’employé et pour l’employeur.
Métabolisme lent et métabolisme rapide
BiogeniQ dispose d’une technologie, un test pharmacogénétique, qui permet de savoir si des patients répondent mal à certains médicaments. Pour l’instant, ce test est limité au domaine de la santé mentale. « Quand on fait un test pharmacogénétique, on ne fait pas un test pour les maladies ou pour le cancer, a insisté Antoine Bégin. On n’a pas cette information. »
Le prélèvement n’est pas invasif. Il se fait par la salive dans un tube. On prend les cellules à l’intérieur des joues et les globules blancs provenant de la salive. Les gènes ont un impact sur le métabolisme. Chez certains individus, le métabolisme est ultra rapide pour certains médicaments. Il dégrade la médication de manière tellement rapide qu’elle ne semble pas agir ou qu’il faut à ces patients des doses très élevées pour obtenir l’effet recherché. Quand ces personnes absorbent une telle molécule, c’est comme si elles prenaient un verre d’eau, illustre le directeur des ventes de BiogeniQ.
Chez d’autres, leur métabolisme dégrade tellement lentement la médication qu’il peut entrainer de graves problèmes en matière de toxicité. Quand ces patients prennent un médicament pour la santé mentale, l’effet de la première dose est correct. Mais dès qu’ils prennent la deuxième, la concentration s’accumule et ils ressentent beaucoup d’effets secondaires parce qu’ils ont trop de concentration du médicament dans le sang. Eux vont dire qu’ils ont besoin d’une très petite dose ou qu’ils sont allergiques aux antidépresseurs.
Le rôle de la pharmacogénétique
Le rôle de la pharmacogénétique sert à identifier les médicaments qui seront métabolisés trop rapidement ou trop lentement et ceux qui ont moins de risques de ne pas fonctionner.
Grâce à ce test, le patient pourra savoir si tel médicament a moins de chances qu’il fonctionne bien.
Toutefois, cette technologie ne permet pas encore de déterminer quel médicament conviendrait le mieux au patient, a tenu à préciser Antoine Bégin. Ce que le test révèle, c’est quel antidépresseur lui convient moins. « Dans dix ans, a-t-il dit, on pourra vous dire quel sera le bon médicament approprié pour une personne, mais pour l’instant, le test est comme un filtre : on est capable d’éliminer ceux qui ont le moins de chances de fonctionner. »
Pour les deux patients sur trois pour qui le premier médicament n’opère pas, l’impact de ce test peut néanmoins être très significatif dans l’adhésion au traitement. Des études en santé mentale sur l’utilisation de ce test chez des employés ont démontré que lorsque leur médication était adaptée à leur ADN, ils avaient deux fois plus de chances d’être en rémission après deux mois que ceux qui ne l’avaient pas fait. On a aussi observé une augmentation de l’observance.
« Ce que l’on a vu en pharmacogénétique, a indiqué Antoine Bégin, c’est que lorsqu’un patient recevait une médication qui est taillée à son ADN, il était plus enclin à la prendre, car le médicament n’était pas prescrit à l’aveugle, mais adapté pour lui. »
La durée moyenne d’invalidité court terme pour cause de santé mentale se situe à quatre mois. Chez des clients de BiogeniQ, on a constaté que le recours à ce test d’ADN avait entrainé une réduction moyenne du temps d’invalidité de deux semaines. Le test a aussi été passé chez des gens qui n’étaient pas encore en congé d’invalidité, mais qui prenaient de la médication et qui éprouvaient des effets secondaires. On a observé chez eux une réduction des symptômes et même une augmentation de la productivité de 20 %, ce qui est très positif pour un employeur.
Les médecins face aux tests pharmacogénétiques
Comment les médecins réagissent-ils face à ces tests pharmacogénétiques ? Mettent-ils les résultats à la poubelle sans s’en préoccuper en émettant leur ordonnance ? Dans l’ensemble, ils y semblent très réceptifs, s’est vu confirmer Antoine Bégin en interrogeant des patients et des médecins eux-mêmes. 80 % avaient une attitude favorable, 10 % étaient neutres et 10 % y étaient défavorables. Après l’envoi des résultats des tests, se réjouit-il, dans 51 % des ordonnances, le médecin avait changé le dosage ou le médicament.
En raison du potentiel des tests pharmacogénétiques pour sauver des couts, BiogeniQ a d’autres projets en douleur chronique, en cardiologie et en TDAH.
« Ce test, de conclure Antoine Bégin, peut avoir un très bel impact dans une entreprise, mais le potentiel est décuplé quand il est intégré dans une approche d’accompagnement, de suivi. »