Portée par la popularité croissante des produits à souscription simplifiée, la proposition est passée d’une simple copie numérisée en PDF à un des rouages de plateformes capables de mimer l’intelligence d’un tarificateur chevronné.
Luis Romero, PDG d’Equisoft, rappelle que des études démontrent que la proposition électronique permet à l’assureur de réaliser des économies, qu’il pourra d’autant optimiser si le formulaire est intelligent et qu’il guide le conseiller de question en question. Le formulaire contiendra moins d’erreurs et l’assureur aura moins à demander des précisions.
Equisoft propose à ses clients un formulaire intelligent dans lequel s’ajoutent de façon dynamique des questions, voire d’autres formulaires, grâce à un ensemble de règles logiques. « Si le client répond avoir déjà fait des sports extrêmes, le formulaire de sports dangereux apparait. Le conseiller a moins de questions à poser. Il n’a qu’à suivre les champs qui se présentent à lui. De là un gain d’efficacité. Nous avons réalisé une telle proposition à partir d’un formulaire papier de 43 pages. Une telle proposition peut cacher facilement 3 000 règles d’affaires propres à l’assureur », soutient M. Romero.
Les joueurs en présence
Le fournisseur de technologie dit compter parmi ses concurrents Telus et iPipeline, un joueur américain qui tente de percer au Canada. « Nous voyons aussi beaucoup de développement sur mesure effectué par les assureurs », dit M. Romero.
Artisan de la plateforme transactionnelle de fonds d’investissement Fundserv et fondateur de la firme Planeffico, Michel Fragasso estime qu’il en coutait 300 $ à une compagnie pour émettre une police d’assurance vie selon le processus traditionnel. Des couts qui n’ont sûrement pas baissé aujourd’hui, suggère-t-il. « Avec un processus numérique où tous les joueurs seraient interconnectés, conseiller, agent général et assureur, ces couts pourraient passer à 150 $ », dit-il.
La plupart des joueurs offrent une quelconque forme de proposition électronique. Les solutions offertes varient d’un assureur à l’autre et ne permettent pas l’échange d’information entre assureurs.
Les joueurs qui n’y sont pas déjà préparent leur offensive, dont Financière Foresters et UV Mutuelle. BMO Assurance vie vient tout juste de lancer la sienne, a révélé Daniel Walsh, vice-président au développement des affaires. Le lancement survient après un lancement en douce auprès des agents généraux. « La phase 1 se fait avec une proposition pour les produits d’assurance temporaire et de maladies graves. Nous lancerons la phase 2 pour la vie entière et la vie universelle en 2018. »
La proposition permettra la signature électronique tactile, sur tablette ou téléphone intelligent. « Elle favorisera l’efficacité des cabinets qui traitent un fort volume de transactions en évitant la double saisie papier numérique », dit M. Walsh.
Pourquoi avoir attendu si longtemps ? « Le fait de ne pas être les premiers nous a permis de mieux comprendre et de lancer une solution mieux adaptée aux besoins des conseillers. Nous avons rehaussé les fonctionnalités et avons rendu la proposition plus intuitive, pour qu’il soit facile au conseiller d’y naviguer. »
UV Mutuelle est en pleine réflexion stratégique à ce sujet. L’assureur ne pourra en dévoiler les détails que lors du dépôt de son plan stratégique au début de décembre.
« UV Mutuelle s’apprête à prendre un virage marquant. Nous l’avons préparé entre autres en nommant il y a quelques mois Jean-Mathieu Sigouin, qui sera maître d’œuvre de tout notre volet technologique. Nous avons prévu des journées de travail les 13 septembre et 6 octobre », a révélé a déclaré son PDG Christian Mercier.
RBC Assurances a lancé une proposition électronique au printemps 2017. Directrice principale, vie et prestation du vivant de RBC Assurances, Maria Winslow a précisé que le processus électronique se limite pour le moment à la vente des produits d’assurance temporaire jusqu’à un montant de 500 000 $.
« Nous l’étendrons progressivement aux produits d’assurance invalidité, puis d’assurance maladies graves. Nous ne vendons pas d’assurance vie universelle sur proposition électronique. Nous le ferons éventuellement. Nous augmenterons la limite du montant d’assurance permis lorsque nous serons plus à l’aise avec le processus. »
Outre la rapidité, les consommateurs apprécient de pouvoir faire affaire partout, y compris dans le confort du foyer. « Si vous êtes un jeune parent, vous voudrez peut-être faire affaire à votre façon. Peut-être ne voulez-vous pas qu’un conseiller aille dans votre cuisine. Une proposition électronique répond parfaitement à ce besoin et rend le processus plus confortable pour le client », dit Mme Winslow.
Convaincre les conseillers
Vice-président régional, réseau carrière de Financière Sun Life Canada, Stéphane Beaumier souligne que la proposition électronique est devenue sans cesse plus intelligente. Au point où l’assureur veut éliminer le papier grâce à elle. « Notre proposition électronique ne repose pas sur un PDF. Elle est intégrée à notre logiciel. »
L’assureur offre aussi un service optionnel d’entrevue téléphonique, assuré par la firme Hooper Holmes. « Nous suggérons au conseiller de recourir à ce service d’entrevue téléphonique pour recueillir les informations médicales du client. Nous préférons qu’ils choisissent cette option. Nous voudrions éventuellement passer à une souscription médicale entièrement par entrevue téléphonique », dit M. Beaumier.
À l’heure actuelle, seuls 35 % des conseillers y recourent. « C’est bon, car nous n’offrons ce service que depuis deux ou trois ans. C’est une question d’adaptation, comme dans tout changement. Nous devons démontrer aux conseillers la valeur ajoutée de ce service. Avec la proposition électronique combinée à l’entrevue téléphonique, les risques de conformité sont amenuisés, ainsi que les risques de fausses déclarations », soutient M. Beaumier.
Luis Romero souligne que Sun Life fait figure de référence dans le marché pour l’interconnexion de sa proposition avec les outils de projections de ses produits d’assurance. Cette interconnexion favorise le taux de pénétration de la proposition, ainsi que l’environnement propre au réseau carrière.
Dans le courtage, les conseillers hésitent cependant à adopter les projections connectées, dit M. Romero. Le PDG d’Equisoft se demande toutefois si les assureurs toléreront le tout bien longtemps. « Oseront-ils dire aux conseillers : revenez-en et connectez-vous?»
Les conseillers gagneraient pourtant à utiliser la proposition électronique devant leurs clients, d’autant plus s’ils se servent des outils de tarification et de souscription que l’assureur y connecte, estime M. Romero. « Dans un processus de sélection sans examens ni tests, le conseiller peut avoir une réponse et une rémunération immédiates. Un de nos clients paie électroniquement sa rémunération au conseiller le même jour que lui parvient une proposition d’assurance acceptable. »
L’expérience client s’en trouve aussi rehaussée, insiste M. Romero. « Si la proposition initiale du client est rejetée, le conseiller le sait alors qu’il est encore devant le client pour lui proposer tout de suite le produit d’une autre compagnie. Il ne perd pas son client. Avec le processus papier, il doit retourner voir son client pour lui annoncer le refus, ce qui n’est jamais agréable. Il est alors encore plus dur de le convaincre pour un deuxième produit. »