Face aux dirigeants de PME, les conseillers ont le défi de savoir aborder ce qui concerne la relève. Ils doivent aussi répondre à leurs objections, reconnaitre ce qu’ils attendent d’un collaborateur et éviter un langage qui les irrite. Ce défi est d’autant plus complexe que chaque dirigeant ne communique pas de la même façon. La compréhension des profils permet au conseiller de mieux cibler les dirigeants, d’économiser du temps et d’éviter la frustration. Les voici diviser en quatre profils : le « réticent », le « résistant », le «  déchiré » et le « surpris ».

Le dirigeant « réticent »

Le « réticent » prend plaisir à analyser et pose plusieurs questions parce qu’il ne veut pas commettre d’erreurs. N’abordez surtout pas une solution d’assurance vie trop rapidement.

On le qualifie de « réticent » parce que, plus que les autres, il hésite avant de débuter. Il peut vous sembler négatif par toutes ses questions alors qu’il veut seulement être rassuré.

Il n’aime pas être bousculé. Il recherche d’abord un collaborateur patient qui lui fera comprendre le processus en profondeur. Répondez de façon précise à chacune de ses nombreuses questions.

Pour se faire, les conseillers auraient intérêt à se former une équipe qui couvrirait les 3 volets d’une relève d’entreprise familiale : la sécurité financière, la continuité de l’entreprise et l’harmonie familiale. Plus vous nourrissez la réflexion du « réticent » par des articles et d’autres documents, plus il est heureux.

De plus, surveiller le langage utilisé est plus important qu’on serait porté à le croire. Comme conseiller, votre propre profil vous amène à utiliser des mots qui vous sont naturel. Le problème, c’est que souvent, ces mêmes mots éloignent inconsciemment un autre type de personne.

Voici deux pièges à éviter avec le « réticent ». Ne lui dites d’abord pas que le processus de relève sera facile. Pour lui un simple détail peut compliquer le tout. Prétendre sans fondement que ce sera facile signale au « réticent » que vous risquez de manquer des détails importants au cours du processus. Puis, n’abordez pas dès le départ, ce qui concerne ses enfants. Attendez d’avoir fait vos preuves avant d’entrer dans sa vie personnelle.

Le dirigeant « résistant »

Le « résistant » porte cette étiquette parce qu’il ne veut pas lâcher prise. Il cherche souvent à imposer sa décision, ce qui lui donne la réputation de manquer de tact. Pour le « résistant », c’est le résultat final qui compte et non le processus.

Attendez-vous à ce qu’il veuille prendre le contrôle de chaque étape du projet même si ultimement, il va déléguer le tout. Il doit sentir que c’est lui qui donne les ordres. Il recherche des gens compétents qui foncent et qui savent mener à terme un projet. La réputation et les grands penseurs ne l’impressionnent pas.

Vu qu’il aime décider, deux aspects sont à retenir. D’abord, présentez-lui des alternatives pour qu’il puisse choisir lui-même. Ensuite, assurez-vous qu’il ait son mot à dire dans le déroulement du processus.

Avec le « résistant » les détails importent peu. Lorsque vous lui décrivez les étapes, attardez-vous aux bénéfices qu’il récoltera et non sur la façon qu’elles seront exécutées.

Plusieurs approches mettent l’accent sur les enfants de la relève et écartent involontairement le dirigeant. Avec le « résistant », c’est une erreur à ne pas faire, car il veut être au centre des décisions et surtout, ce n’est pas un processus qui lui dictera le moment de quitter l’entreprise.

Le dirigeant « déchiré »

Le « déchiré » c’est le spécialiste des relations humaines. Il recherche constamment le consensus. Il veut faire plaisir et ne jamais blesser. Bref, pour lui c’est l’harmonie avant tout. Toutefois, le prix peut être élevé. Il peut camoufler des problèmes et même le fond de sa pensée parce qu’il est persuadé que ses talents de diplomate vont régler les problèmes épineux.

Si votre approche met l’accent sur les aspects relationnels vous tomberez dans les bonnes grâces de ce dirigeant et il s’ouvrira à vous, car il cherche une relation d’affaire fondée sur la confiance plutôt que sur la compétence. Vous mériterez sa confiance en remplissant vos promesses, en étant intègre, en donnant avant de recevoir. Si la confiance est trahie, même une seule fois, n’espérez pas obtenir un pardon facile.

Apportez-lui des pistes de solutions plutôt que des directives. C’est à partir de ces pistes qu’il trouvera la solution en tenant compte des aspects humains qui vous échappent.

La hantise du « déchiré », c’est de choisir un président ou de jouer à l’arbitre entre deux enfants. C’est de là que vient son surnom. Ne le forcez pas à choisir entre deux individus. Si vous le sentez déchiré, prenez le temps de comprendre ce qu’il vit et revenez-lui avec des idées. Il se sentira supporté, ce qu’il appréciera beaucoup.

Ne banalisez pas un comportement par un commentaire tel : « Ce n’est pas grave. Votre fils va s’en remettre. » Pour le « déchiré », ce serait un manque de sensibilité car ce que son fils ressent est loin d’être banal.

Le dirigeant « surpris »

Le « surpris » c’est le plus coloré des quatre profils. On le reconnait par sa voix qui fluctue, par ses nombreux gestes, par sa joie de vivre. Son esprit créatif sert pour ses nombreux projets en cours et ses rêves de grandeur.

Prenez le temps de faire des liens entre ses projets et la relève et il vous accordera tout le temps voulu. Lorsqu’il sera convaincu, il utilisera son charme pour vendre le projet de relève aux personnes concernées.

Il souhaite que son projet de relève ait une composante particulière, voire unique. Ne soyez donc pas surpris qu’il veuille sortir des sentiers battus. Contrairement au « réticent », le « surpris » se sent à l’aise avec l’imprévu, pourvu qu’il y retrouve du plaisir.

Le « surpris » comptera beaucoup sur vous pour s’occuper des détails. D’ailleurs il est souvent le premier des quatre profils à avoir débuté une réflexion sur la relève. Malheureusement, il arrête en cours de route lorsqu’il se rend compte de la complexité, de là le surnom de « surpris ».

Le « surpris » supporte mal des phrases qui commencent par : « Il faut que… ». Le sens du devoir ne l’anime pas. Si vous insistez pour que le processus soit suivi avec rigidité quant à l’échéancier, quant à la séquence des étapes ou quant à la façon qu’une étape se déroulera, la discussion risque de se terminer rapidement.

Évitez un langage compliqué car le « surpris » recherche des mots et des concepts simples pour que ça soit facile pour lui d’en parler aux autres. Ne tentez pas de paraitre savant, car vous l’éloignerez de vous.
Osez !

Si vous êtes incertain du profil du client, tentez votre chance. Si la réaction n’est pas favorable, tentez un autre profil. Le dirigeant oubliera vos premiers essais. Il sera ravi que vous le compreniez maintenant.

Louis Dumont et Roger Tanguay