Malgré les changements rapides qui ont cours en matière de règlementation, l’Association canadienne des compagnies d’assurance de personnes (ACCAP) souhaite se poser en partenaire des régulateurs pour justement anticiper les ajustements qui surviendront au fil du temps.

 En visite à Montréal, Stephen Frank, président et chef de la direction de l’ACCAP depuis juillet dernier, a souligné que la situation actuelle en matière de règlementation était presque sans précédent. « Un nouveau régime de capitalisation entrera en vigueur l’an prochain. Celui-ci représente un changement fondamental par rapport aux décennies précédentes. »

En même temps, dit M. Frank, l’industrie peine à mettre en place un nouveau régime comptable. « Nous déployons tous les efforts nécessaires pour y parvenir. L’un et l’autre de ces changements représentent à eux seuls une transformation importante pour l’industrie. Les deux surviennent pourtant en même temps. »

Sans compter que le Canada est en plein questionnement quant à son modèle de distribution d’assurance vie, fait valoir M. Frank. « Quelles mesures incitatives pourrions-nous offrir aux agents et aux conseillers ? Comment les superviser ? Quel niveau de divulgation est approprié ? Quelle forme lui donner ? Ces considérations touchent directement notre mode de distribution et notre façon de soutenir nos compagnies membres. »

Il y a aussi des discussions sur l’utilisation appropriée de divers renseignements liés au processus de souscription, sur les nouveautés sur le plan fiscal et autres, rappelle M. Frank. « Quand on s’arrête au contexte règlementaire, on voit qu’énormément de choses nous arrivent en même temps. Quand on se demande où cela pourrait nous mener dans cinq ans, il est assez clair que l’industrie sera différente. »

Faire face à un marché en mutation

En plus des changements apportés à la règlementation, le secteur de l’assurance fait aussi face à un marché en mutation lié à l’émergence de la technologie financière. Ce qui entraine une évolution des attentes des consommateurs quant à leurs interactions avec les assureurs. Il faut aussi ajouter à cela l’impact des bas taux d’intérêt, tant au Canada qu’ailleurs dans le monde.

« Ça bouge du côté des marchés et du côté de la règlementation. Nous sommes au beau milieu de tout cela et nous nous demandons ce que nous pouvons faire pour aider nos membres à non seulement réagir, mais contribuer à définir ce qui s’en vient. Que faire pour être proactifs ? »

M. Frank souligne que l’ACCAP s’est penchée sérieusement sur ces questions au cours des derniers mois. Elle a établi les priorités auxquelles elle entend affecter ses ressources au cours des prochaines années.

« Il va de soi que nous devons maitriser l’ensemble des éléments liés au mode de distribution de notre produit », comme la nécessité de surveiller davantage les circuits de distribution, dit M. Frank lorsqu’on lui demande ce qui le préoccupe le plus. Il ajoute que cette priorité comprend aussi les questions liées à la rémunération des agents et courtiers, en particulier les mesures incitatives, et la divulgation d’information.

Selon M. Frank, l’industrie doit ici se remettre en question. « Nous devons nous regarder aller et nous demander si nous faisons vraiment tout ce qui est nécessaire et s’il y a quelque chose que nous pourrions améliorer. » Certaines des nouvelles lignes directrices et façons de faire retenues par l’industrie constituent en fait la réponse de cette dernière aux problèmes en question, dit-il.

« Cela fait partie de l’effort entrepris pour tenter d’orienter le débat, de faire partie de la solution, d’être proactif et de ne pas simplement attendre que les organismes de règlementation mettent le doigt sur les problèmes. Avec les organismes de règlementation au Canada, nous ne voulons pas d’une relation où nous nous contentons de dire que tout est beau et de réagir lorsqu’il arrive quelque chose. À cet égard, nous essayons d’agir comme un partenaire et de nous assurer de traiter nos clients en toute équité. »

Pour ce qui est de la surveillance, M. Frank explique qu’il est actuellement « très difficile pour un assureur d’avoir une parfaite vue d’ensemble des conseillers qui vendent leur produit ». La chose est pourtant indispensable, puisque les assureurs assument la responsabilité de la distribution de leurs produits. « Si l’assureur doit attester de la probité de ses agents — c’est-à-dire attester que mes agents font tout ce qu’il faut — on doit à tout le moins savoir ce qu’ils font. »

La multiplication des exigences règlementaires ravive le désir de l’industrie d’être plus proactive, fait remarquer M. Frank. Dans ce contexte en mutation, l’accent est mis sur le traitement équitable des clients.

« Nous devons incontestablement satisfaire à des attentes plus élevées. Ce n’est plus comme il y a 20 ans : nous ne pouvons pas nous contenter de confirmer que nous avons coché une série de cases sur un formulaire. Les organismes de règlementation s’attendent à voir certains comportements. »

La rémunération des conseillers est un enjeu crucial, ajoute M. Frank. « Nous devons absolument bien faire les choses. Incontestablement, nous devons bien comprendre les mesures incitatives que nous préconisons pour payer les gens. »

Commissions intégrées

Le modèle de rémunération actuel fait en sorte qu’une personne à revenu modeste peut être conseillée et que cela en vaut la peine pour le conseiller de prendre le temps de parler à quelqu’un qui a 5 000 $ ou 10 000 $ à investir, dit-il. « Dans d’autres territoires, on peut voir qu’ils font fausse route. Nous devons bien faire les choses et nous voulons participer à cette discussion, à ce dialogue. »

Il rappelle que la décision du Royaume-Uni et de l’Australie d’interdire les commissions intégrées a eu des conséquences inattendues. « On constate généralement qu’il y a eu un recul de l’envergure des conseils accessibles aux personnes à revenu modeste. Nul ne conteste cette réalité. Chose certaine, c’est ce qu’ont expérimenté nos membres qui œuvrent dans ces territoires. On ne veut pas vivre cela au Canada. »

Si les discussions en matière de règlementation sont déjà avancées dans le secteur des valeurs mobilières, elles en sont à leurs balbutiements du côté de l’assurance. La question de la divulgation d’information liée aux fonds distincts est toutefois actuellement à l’étude par le Conseil canadien des responsables de la règlementation d’assurance (CCRRA).

À ce stade-ci des discussions, l’ACCAP estime qu’il faut continuer d’offrir flexibilité et choix au consommateur en matière de rémunération, dit M. Frank. « On ne souhaite pas voir la porte se fermer sur quelque avenue que ce soit. »