L’industrie de l’assurance collective est confrontée à plusieurs défis, constate Isabelle Hudon. Chacun d’eux comporte un paradoxe sur lequel les assureurs doivent réfléchir afin de poser le diagnostic approprié, souligne la présidente de la Financière Sun Life au Québec.Mme Hudon a prononcé la conférence d’ouverture au 16e colloque de Solareh. En la présentant la conférencière, la présidente de Solareh, Marie-Thérèse Dugré, soulignait que la Financière Sun Life était devenue récemment cliente de son entreprise spécialisée en santé et mieux-être en milieu de travail.

Tout en soulignant sa fierté d’établir un nouveau partenariat avec une entreprise du Québec, en plus dirigée par une femme, Mme Hudon a précisé que le choix du fournisseur avait été fait à la suite d’une analyse rigoureuse de l’offre des concurrents, la plupart étant établis à Toronto. « Si ma présence permet une plus grande ouverture concernant le talent qui réside au Québec, tant mieux », dit-elle.

Changements nombreux et rapides

Le milieu de l’assurance collective vit une période de changements nombreux et rapides. Des éléments importants de l’offre de service traditionnelle sont aujourd’hui remis en question alors que de nombreuses innovations font aussi leur apparition sur le marché. « L’assurance collective subit l’influence directe de deux tendances lourdes qui, mises ensemble, ont pour effet de changer radicalement nos approches et même nos produits », dit-elle.

La première de ces tendances est l’émergence des technologies de l’information. Leur développement permet un degré d’interaction avec l’utilisateur du régime jamais vu auparavant. Les participants peuvent désormais communiquer avec leur assureur sous diverses plateformes, tant pour s’informer que pour acheminer leurs réclamations.

« Ces technologies permettent aussi d’éduquer, de sensibiliser, de moduler en temps réel le type de couverture auquel le participant souscrit. Elles permettent de suivre l’utilisation personnelle d’un régime collectif. Chaque participant a accès à des outils qui lui permettent de répondre en détail à ses questions et à ses besoins de manière individuelle », poursuit-elle.

De ce constat découle la deuxième tendance lourde observée par Mme Hudon. Si ces nouveaux outils permettent plus d’interaction entre l’adhérent et son gestionnaire de régime, ils créent aussi des attentes plus élevées. Les clients pensent, à bon droit, que leur régime pourra être adapté, ajusté et façonné en fonction de leurs caractéristiques et de leurs besoins personnels.

« La personnalisation est une chose plus que possible. Ces attentes à la hausse mettent aussi de la pression sur nos fournisseurs. Nous avons l’obligation d’innover si nous voulons demeurer pertinents sur le marché », dit-elle.

Complexité et personnalisation

La présidente de Sun Life au Québec énumère quatre défis à relever par l’industrie. Chacun d’eux s’exprime sous la forme d’un paradoxe.

Premièrement, les clients des assureurs, tant les participants que les preneurs de régimes, ont des attentes croissantes quant à la personnalisation des produits offerts en assurance collective. Les employeurs veulent aussi offrir des régimes qui les distinguent de leurs concurrents.

Cette diversité comporte son lot de complexité, mais on ne pourra y échapper, dit-elle. Les assureurs tenteront de simplifier et de vulgariser l’information sur les produits, mais ceux-ci resteront toujours des produits financiers sophistiqués.

« Il faudra apprendre à gérer la complexité, mais aussi à multiplier les moyens par lesquels les employés peuvent être accompagnés au bon moment et de la bonne manière, et tout cela dans le but de naviguer à travers cet univers complexe et de trouver les options qui correspondent à leurs attentes », dit Mme Hudon.

Le deuxième défi à relever, poursuit-elle, sera de trouver la bonne approche pour faire du cadre collectif l’endroit idéal où le participant pourra donner un sens à sa vie financière personnelle. Au tournant des années 2000, le thème de la gestion de la diversité en milieu de travail était particulièrement en vogue, rappelle-t-elle. Depuis, le marché du travail compte un plus grand nombre de femmes et d’employés issus des différentes communautés culturelles, et des travailleurs de différentes strates d’âge se côtoient.

Cette diversité de la main-d’œuvre s’applique aussi aux attentes et aux besoins financiers des participants. « Finie l’époque où les trois quarts des employés étaient des hommes blancs, catholiques, nés au tournant de la Seconde Guerre mondiale. » Les régimes uniformisés en vigueur depuis les années 1970 ne correspondent plus aux besoins actuels. Or, si les régimes deviennent plus diversifiés, les employeurs sont toujours préoccupés par leur cout.

L’entreprise qui investit dans de tels avantages sociaux s’attend à des retombées positives, tant en matière de recrutement et de rétention de personnel que dans la performance de l’organisation. « Le régime collectif doit faire sentir son impact sur la vie personnelle de l’employé », dit-elle. Les travailleurs veulent pouvoir choisir.

Élargir le spectre des besoins

« La nécessité de joindre les employés au plan personnel implique aussi d’élargir le spectre des besoins auxquels le régime collectif peut apporter une réponse. Ainsi, il ne suffit pas de pouvoir moduler les niveaux de couverture d’assurance vie ou d’assurance santé. Le régime devrait pouvoir faciliter l’accès à des solutions qui touchent d’autres sphères de la vie financière et du bienêtre des employés », suggère Mme Hudon.

Dans un sondage mené par la FSL auprès des participants aux régimes collectifs, ces derniers demandent un meilleur accès à des produits complémentaires, comme l’assurance voyage ou l’assurance pour les animaux domestiques. Ils demandent aussi le traitement préférentiel chez des partenaires commerciaux. Enfin, ils veulent avoir plus accès aux conseils professionnels, tant sur des questions financières que sur des questions de bienêtre.

Ces nouveaux produits n’augmentent pas le cout du régime pour l’employeur, car l’employé est généralement prêt à financer sa consommation personnelle. Le cout pour l’employeur se limite souvent à la mise en place du panier de produits et de services. Mais ces nouveaux produits peuvent aussi être reliés au régime collectif, dit-elle. « Un bel exemple de cela est l’un des produits de Solareh qui permet à des spécialistes de cette dernière en matière de prévention de la santé mentale de se déplacer en milieu de travail afin de former les gestionnaires de personnel à prévenir l’éclosion des cas d’épuisement professionnel. »

Littératie et contrôle des couts

Mme Hudon souligne que la fin des régimes paternalistes, dans lesquels tout était décidé à l’avance pour tout le monde, est une bonne chose. Mais est-ce réaliste dans le contexte où la littératie financière de la population fait souvent défaut? Cette préoccupation est récurrente chez tous les gestionnaires de régime collectif, note-t-elle.
Un manque dommageable

En matière d’épargne pour la retraite, les mauvaises décisions dictées par des connaissances insuffisantes peuvent avoir un impact à long terme. Selon elle, le manque de littératie financière est tout aussi dommageable dans le domaine des garanties collectives. Il reste beaucoup à faire en ce domaine, poursuit Mme Hudon.

Concevoir des régimes plus complexes à offrir aux employés ne doit pas décourager les employeurs qui craignent la hausse des primes. Pour relever ce quatrième défi, tout comme celui soulevé par la littératie financière, les assureurs comptent sur l’appui de leur réseau de distribution.

La présidente au Québec de Sun Life cite en exemple la campagne menée pour un produit d’assurance vie optionnelle chez un employeur de la région de Drummondville. La garantie d’assurance vie prévue au régime était de base, et ce, pour tous les participants. Le courtier impliqué dans le dossier a pu rencontrer les participants pour leur expliquer les avantages du produit facultatif.

« Ce petit morceau de littératie financière a d’ailleurs eu un impact remarquable. Le tiers des employés a finalement choisi d’y adhérer », relate-t-elle. Le tout a pu être réalisé en respectant les capacités financières de l’entreprise.

Ce besoin de personnaliser les régimes exigera plus de flexibilité de la part des partenaires de distribution, poursuit Mme Hudon, et ils sont déjà outillés pour y arriver. « La diversité qui caractérise la main-d’œuvre est tout aussi présente parmi les conseillers et les courtiers avec qui nous travaillons. »

Les moyens proposés pour combler les attentes des participants devront être variés, et Sun Life y travaille avec ses partenaires. « C’est un programme ambitieux, mais je n’ai aucun doute que ce sera passionnant et que nous pourrons relever ensemble ces défis », conclut-elle.