Le marché hautement réglementé de l’assurance au Canada fait mieux que les autres secteurs financiers à travers le monde en ce temps de crise. C’est la conclusion à laquelle en sont venus trois hauts dirigeants de l’industrie lors du Congrès de l’assurance et de l’investissement 2008.Selon Jean-François Blais, président et chef de la direction d’AXA Canada, en temps de crise, le marché manque rapidement de liquidités. Ainsi, la première priorité des institutions financières est de passer en revue leurs actifs et d’évaluer leurs propres liquidités. Les entreprises canadiennes, qui sont soumises à une réglementation stricte, ont très bien réussi à cet égard selon lui.
« Une chose que tout le monde a appris est que la réglementation canadienne est celle qui a mieux tenu la route et a mieux supporté la crise mondialement. Je suis fier de dire que les institutions canadiennes étaient capables de subvenir à leurs propres besoins et qu’elles ont été prudentes dans leur gestion. La plupart des entreprises ont des ratios de solvabilité qui sont très forts », a-t-il dit.
M. Blais a souligné qu’AXA Canada a le même ratio de solvabilité qu’avant la crise du crédit. Sa société est restée loin du papier commercial, parce qu’elle a reçu seulement une recommandation d’une agence de notation de crédit en faveur de ce type de produit. AXA Canada a pour politique d’obtenir au moins deux recommandations favorables avant d’investir dans quoi que ce soit.
Nick Pszeniczny, vice-président exécutif de la Great-West Life, de Canada-Vie et de London Life a mentionné que son entreprise avait dégagé un bénéfice net de 2,3 milliards de dollars depuis le début de l’année au terme du troisième trimestre. « C’est d’une grande importance dans le marché d’aujourd’hui », a-t-il commenté.
M. Pszeniczny ajoute que l’institution est suffisamment capitalisée à en juger par le ratio du « montant minimum permanent requis pour le capital et l’excédent » qui est supérieur à 200 %. « Notre société est certainement bien capitalisée et a dû inscrire des charges de seulement 100 millions de dollars. Dans l’ensemble, la crise a eu un effet minimal sur l’entreprise. Ces résultats sont le produit de notre stratégie d’investissement prudente. Toutefois, avec la Bourse de Toronto qui continue de sous-performer, il y a des incidences sur l’ensemble de notre actif. Nous devons continuer à suivre des stratégies prudentes », a-t-il dit.
En ce qui concerne l’industrie en général, M. Pszeniczny a convenu que le l’industrie canadienne paraît bien par rapport à d’autres parties du monde. Ailleurs, certains gouvernements mettent en place des plans de sauvetage pour venir en aide à plusieurs institutions financières. « L’industrie de l’assurance de personnes canadienne reste très forte en dépit de l’incertitude économique à laquelle nous sommes tous confrontés aujourd’hui », a-t-il dit.
Pierre-Yves Julien, président et chef de la direction de Croix Bleue Medavie et président de l’Association des compagnies canadiennes d’assurance de personnes (ACCAP), dit que la crise a eu très peu d’impact sur son entreprise jusqu’à maintenant, puisque la plupart de ses actifs sont investis de manière très conservatrice. Toutefois, il dit que les employeurs canadiens auront des problèmes de liquidités et que ça pourrait affecter les activités de sa compagnie. « Nous espérons que la crise de liquidité ne se transformera pas en une crise économique », a-t-il ajouté.
S’exprimant au nom de l’ACCAP, M. Julien a dit que vu les exigences réglementaires, le degré de capitalisation des assureurs canadiens est très bon, ce qui les met en bonne position sur le marché international.
Risques, rendements et bancassurance
La question des risques et des rendements a aussi été abordée lors du panel. Selon Jean-François Blais, la crise devrait conduire l’industrie financière mondiale à réévaluer son approche de gestion des risques. Il a ajouté qu’à l’échelle internationale, les sociétés financières ont assoupli leurs normes face aux risques.
« Les grandes entreprises de Wall Street qui ont disparu n’avaient jamais affiché une perte trimestrielle. À l’avenir, les entreprises devront considérer la gestion de leurs risques par rapport à leurs rendements. Elles devront aussi tenir compte de la disponibilité de liquidités. Pour moi, il s’agit d’une nouvelle réalité », a-t-il précisé.
En ce qui a trait à la percée de la bancassurance au Canada, Pierre-Yves Julien a dit que cette éventualité était improbable vu le succès actuel du modèle canadien des services financiers au cours de la crise actuelle. «Les événements de 2008 pourraient renforcer la séparation entre les institutions financières », a-t-il spécifié.
Le président de l’ACCAP a ajouté qu’il ne pensait pas que la crise actuelle amènera plus de réglementation, puisque le système en place a bien réagi à la crise. Pour sa part, Jean-François Blais croit qu’il doit y avoir plus de réglementation des produits dérivés, mais pas de l’industrie d’assurance, qui est déjà assez réglementée à son avis.
Fonds distincts
Interrogés sur leur capacité à respecter leurs obligations financières en matière de garanties de fonds distincts, les trois hauts dirigeants ont dit qu’ils ne voyaient pas de problème. M. Blais s’est dit heureux de voir que les agences de notation demandent beaucoup de questions sur les mécanismes utilisés pour « garantir ces garanties ». « Certains assureurs seront peut-être moins capable de fournir ces garanties sans programmes de couverture, mais cette question devra être étudiée assureur par assureur », a-t-il ajouté.
M. Pszeniczny a affirmé que son institution maintient un niveau de garantie des fonds distincts d’environ 75-75 et que, grâce à ses réserves, sa compagnie a la capacité de répondre à ses engagements. Néanmoins, il a dit qu’il fallait s’interroger à propos des nouveaux produits de garantie de retrait minimum appellés en anglais guaranteed minimum withdrawal benefit products.
« Comme on voit de plus en plus de ces produits investir le marché, les compagnies d’assurance devront mieux calculer leur tarification. La tarification des produits, les échelles de commissions et la mise en place de réserves sont faites pour compenser les risques et les garanties offertes par ces produits. C’est quelque chose de nécessaire et ce le sera de plus en plus dans le futur », dit-il.
Défis pour les conseillers
Quelle sera l’impact de la crise sur les conseillers financiers? La conformité devient un enjeu important, a répondu M. Pszeniczny. « De saines pratiques commerciales, y compris une excellente tenue de dossiers et de gestion de la documentation sont d’une importance cruciale, en particulier dans le contexte actuel. Les moments difficiles pourraient inciter les clients qui ont perdu de l’argent à poursuivre leurs conseillers. Pour se défendre, une tenue de dossiers précise est un plus », dit-il.
Un autre grand sujet de préoccupation pour les conseillers est la planification de la relève, a souligné M. Pszeniczny. « Soixante-dix pour cent des conseillers financiers canadiens approchent de la retraite. Le recrutement est donc une question importante pour eux. Ils devraient penser à leur succession », dit-il. M. Pszeniczny a aussi suggéré que les conseillers invitent quelqu’un dans leur pratique pour maintenir la continuité et amener du sang neuf dans leur entreprise.
Enfin, M. Pszeniczny a parlé de la nouvelle liste nationale des numéros exclus. « Cette nouvelle règle sera particulièrement difficile pour les jeunes conseillers qui débutent. Nous devons trouver le moyen de travailler à partir de références », a-t-il dit.