Où est la crise ? Pas du côté de l'assurance collective. Les revenus tirés de ce secteur ont crû en 2008 et les plus récents résultats de 2009 montrent un rythme soutenu. C'est plutôt avec des pratiques de gestion plus rigoureuses et l'émergence de nouvelles tendances que le secteur de l'assurance collective réagit à la récession.Les assureurs ont tiré de leurs activités en assurance collective des revenus de primes de 29,1 milliards $ en 2008 au Canada. Les données tirées du Group Universe Report 2008 récemment publié par Fraser Group indiquent ainsi une croissance de 7% des revenus des assureurs en provenance de l'assurance collective par rapport à 2007.

Les résultats du troisième trimestre 2009, présentés par les assureurs quelques jours avant la fermeture du présent dossier, montrent que les ventes de ce secteur sont soutenues.

La compétition coupe-gorge, les négociations serrées, les clients qui magasinent pour faire baisser les prix caractérisent aussi le marché actuel, disent les assureurs. Ce qui donne parfois lieu à des résultats volatils. Les résultats des deux derniers trimestres de Financière Manuvie donnent une bonne idée de ces montagnes russes. Au troisième trimestre, Manuvie révèle une hausse de 12 % de ses ventes dans le secteur de l'assurance collective par rapport au même trimestre en 2008. Par contre, ses ventes en collectif avaient chuté de 94,6% au 2e trimestre 2009 par rapport au même trimestre en 2008, passant de 914,0M$ à 49,0M$.

« Nos résultats trimestriels [en assurance collective] peuvent varier largement d'un trimestre à l'autre selon les volumes d'affaires qu'entraînent des contrats spécifiques, et nous ne dévoilons habituellement pas quels sont ces volumes et ces contrats, pour des motifs de concurrence », explique à cet égard Tom Nunn, vice-président adjoint, ressources humaines et communication chez Manuvie.

À l'Industrielle Alliance, on se félicite de n'avoir connu ni gains ni perte en assurance collective au troisième trimestre 2009, comparativement au même trimestre un an plus tôt. Au troisième trimestre 2009, l'assureur a tiré environ 100 000$ de plus de ses activités en assurance collective qu'au même trimestre en 2008, soit des revenus de 247,9M$. Les primes d'assurance collective de l'Industrielle Alliance ont connu au 2e trimestre une croissance de 2,8% par rapport au même trimestre en 2008. L'assureur notait à cet égard que les ventes ont repris pour les régimes d'employés, grâce à la signature d'une panoplie de petits groupes.

Great-West Life (incluant ses filiales Canada-Vie et London Life) vit pour sa part une croissance modeste mais soutenue depuis le début de l'année. Ses revenus de primes en assurance collective ont crû de 2,8% au troisième trimestre 2009 par rapport à la même période en 2008, pour passer de 1,605 milliards(G)$ à 1,659G$. Au deuxième trimestre 2009, les revenus de primes en collectif de l'assureur avaient connu une hausse de 2,9% par rapport au même trimestre en 2008.

Chez Financière Sun Life Canada (FSL Canada), les primes d'assurance collective ont augmenté de 7,6% au troisième trimestre de 2009 comparativement au même trimestre en 2008, pour atteindre 1,723G$. Sun Life avait le vent dans les voiles au deuxième trimestre 2009, alors que l'assureur a produit des ventes d'assurance collective de 1,8 milliard$ pour une croissance de 14,5% par rapport au même trimestre en 2008.

Les résultats du troisième trimestre de 2009 n'étaient pas disponibles au moment de mettre sous presse pour Desjardins Sécurité financière (DSF) et Standard Life. Nous avons cependant pu obtenir ceux du deuxième trimestre 2009.

DSF a réalisé un volume de vente en assurance collective de 552,3M$ au 2e trimestre de 2009, pour une croissance de 3,3% par rapport à 2008.

Standard Life a réalisé un volume de vente en assurance collective de 159,0M$ au 2e trimestre de 2009, pour une croissance de 5,3% par rapport à 2008.

Une crise qui se cache ?

La récession pourrait avoir sur l'assurance collective un impact encore mal connu vu le peu de données disponibles sur d'autres facteurs de nature à influencer cette branche d'affaires.

« Les seules données financières définitives que nous avons arrêtent au 31 décembre 2008. Les autres données ne sont pas officielles. Ce que nous savons pour 2009, c'est que les choses ne sont pas désastreuses, mais elles ne sont pas merveilleuses non plus », a confié au Journal de l'assurance Ken Fraser, président du Groupe Fraser.

Appelé à donner une conférence devant les membres de l'Institut canadien des actuaires (ICA) à Ottawa les 19 et 20 novembre, il en a révélé quelques bribes. « Il y a un lien entre récession et invalidité de longue durée (ILD) mais il n'est pas si évident que les gens le croient », a-t-il confié. Source importante de revenu et casse-tête pour les actuaires en raison des réserves importantes qu'elle commande, l'invalidité de longue durée est un étalon de mesure de la rentabilité en assurance collective.

Des corrélations pourraient d'ailleurs se cacher derrière l'insuffisance des données actuelles. « Les données financières dont je dispose ne montrent pas de corrélation entre l'économie et les résultats financiers en invalidité de longue durée. Toutefois, elles ne remontent pas plus loin qu'en 1991 et cette récession est la pire depuis les années 30, rappelle M. Fraser. Des chiffres plus précis révèleraient peut-être des corrélations que nous n'observons pas actuellement. Par exemple, si j'analyse seulement le marché du Québec, ou de l'Ontario, ou le secteur de la construction, l'âge et l'occupation des employés d'un régime spécifique, etc.  »

Selon M. Fraser, ces variables peuvent inter-agir au point d'amplifier ou d'annuler l'effet d'une récession sur les résultats des assureurs en assurance invalidité de longue durée.

Effet des mises à pied

Par ailleurs, la ronde de mises à pied entreprise pendant la récession prive les assureurs de revenus de primes. Autre effet pervers des mises à pied : comme ce sont souvent les derniers arrivés dans une entreprise (les plus jeunes) qui subissent des mises à pied temporaires, leur départ détériore le risque au sein du groupe.

De plus, si la récession accule des entreprises à la faillite, c'est aussi d'autres revenus en moins. « C'est pourquoi, note-il, on voit les assureurs faire davantage de sélection des risques axée sur la situation financière des entreprises. »

M. Fraser observe d'ailleurs des pratiques de sélection des risques et de gestion des réclamations plus rigoureuses chez les assureurs en temps de crise. Ces pratiques peuvent contribuer à adoucir les effets de la crise sur les résultats en assurance collective.

Sévérité accrue

Pour sa part, la hausse des médicaments aura moins joué les trouble-fête que par les années passées. À 6%, elle est moindre que celle des années précédentes, observe Johanne Brosseau, conseillère principale en gestion de la santé au Groupe-conseil Aon. « La courbe de croissance des couts de médicaments au sein des régimes d'assurance collective commence à s'aplanir. »

Les assureurs disent faire preuve d'une sévérité accrue en temps de crise en ce qui a trait à la sélection des risques. Parmi d'autres, SSQ Vie évalue plus attentivement la situation financière des clients depuis le début de la récession, « tant au renouvellement que pour les nouveaux dossiers», a affirmé Carl Laflamme, vice-président ventes et marketing, développement national.

« Si nous sommes en présence d'une entreprise qui effectue des mises à pied où qui vit une situation difficile, notre attitude ne sera pas la même. Nous poserons davantage de questions lors du processus de soumission », précise M. Laflamme.

SSQ Vie est peu touché par la fermeture d'entreprises clientes. L'assureur est par contre plus touché par les mises à pied, sans toutefois trop s'inquiéter. « S'il y a reprise, ces entreprises réembaucheront. » L'assureur dit d'ailleurs se diriger vers une année record. « Le fait d'avoir mis la main sur le groupe des employés de la Ville de Montréal en début d'année a beaucoup aidé », a confié M. Laflamme.

Pour sa part, Sun Life dit avoir toujours été très sélectif. N'empêche que l'assureur en rajoute. « Depuis novembre 2008, nous vérifions le crédit du client pour chacune des soumission reçues », révèle Josée Dixon, vice-présidente régionale, expansion commerciale, Est du Canada pour les garanties collectives.

Les circonstances actuelles rendent les assureurs plus méfiants, explique Mme Dixon. « Pourquoi tel groupe va au marché ? La vérification est plus approfondie mais le principe reste le même : fixer la bonne tarification et nous assurer que nous bâtissons une relation avec le client qui n'est pas seulement à court terme. Le client non plus ne souhaite pas se retrouver avec une hausse soudaine de 20%. »

Mme Dixon croit aussi que la situation actuelle amène une certaine stabilité dans le design des régimes. « Les clients préfèrent ne pas apporter de changements à leur régime à moins que cela ne soit nécessaire. En situation économique difficile, ces changements peuvent amener des conflits et de l'insécurité chez les employés. »

Sun Life se dit moins affecté cette année par les mises à pied qui sont à la baisse par rapport à 2008. Mme Dixon croit aussi que ces mises à pied sont temporaires. « L'année 2010 amènera un jour meilleur », prévoit-elle.

La hausse des couts des médicaments ralentit

Pour sa part, la hausse des médicaments aura moins joué les trouble-fête que par les années passées.

À 6%, elle est moindre que celle des années précédentes, observe Johanne Brosseau, conseillère principale en gestion de la santé au Groupe-conseil Aon.

« La courbe de croissance des couts de médicaments au sein des régimes d'assurance collective commence à s'aplanir. »

Selon Mme Brosseau, des versions génériques ont pris le relais de médicaments couteux. Par contre, les facteurs de hausse sont toujours là.

« La substitution thérapeutique demeure un problème. Par exemple, les médicaments qui auront bientôt une version générique, comme le Lipitor (cholestérol) dans six mois, sont souvent remplacés par un autre médicament breveté », déplore Mme Brosseau.

Dans cet exemple, elle songe au Crestor, un médicament breveté pour encore plusieurs années. Le Crestor coute plus de 50 $ par mois alors que le générique du Lipitor en coutera 25 $.

L'exemple des statines destinées à combattre le cholestérol n'est pas fortuit. Ces médicaments représentent, selon Mme Brosseau, 20 % des couts en médicaments des régimes collectifs.

Johanne Brosseau exhorte les promoteurs de régimes à sensibiliser les participants au fait que la substitution thérapeutique n'est pas toujours souhaitable. L'assuré doit refuser de passer à un autre médicament s'il se sent bien avec le générique d'un médicament qu'il utilise déjà depuis un certain temps.

Mme Brosseau croit que les régimes changeront sous la pression de la crise, où les entreprises regardent chaque économie potentielle à la loupe.

L'employeur affectera les couvertures qui ne sont pas de l'assurance pure vers les comptes de gestion de santé (une somme forfaitaire est offerte à l'employé pour les lunettes ou le chiro, par exemple).

Il gèlera ses couts en mettant les employés à contribution pour les hausses futures. Les outils de prévention gagneront encore plus d'adeptes.

La gestion de l'invalidité se fera plus précoce et intensive. Les employeurs impartiront à une tierce partie l'administration des avantages sociaux.

« Le besoin de contrôler les couts est exacerbé par la crise qui force les entreprises à regarder où vont leur bénéfices. Elles n'ont plus d'argent neuf à investir. Ce qu'on a vu dans les régimes de retraites, avec l'arrivée des régimes à cotisations déterminées, se produira aussi en assurance collective.

« Les employés seront mis davantage à contribution, ou alors certains bénéfices de leur assurance collective prendront la forme d'une hausse salariale, par exemple avec une somme forfaitaire dans un compte de gestion de santé », soutient Mme Brosseau.

L'absentéisme est contenu et les régimes restent en place

Les deux tiers des entreprises canadiennes disent ne pas avoir subi d'augmentation de l'invalidité de longue durée au sein de leurs régimes. La majorité n'a pas non plus subi de hausse des absences occasionnelles. Celles qui ont coupé dans les avantages sociaux entendent même rétablir leur programme en 2010. Par contre, le stress laissera ses traces au sein des employés, même après le passage de la crise.

C'est ce qui ressort d'un sondage intitulé L'effet de la crise économique sur les programmes de RH, Édition canadienne. Ce sondage de la firme d'actuariat Watson Wyatt a été mené au début de juin 2009, auprès de 92 organisations canadiennes actives dans des secteurs variés.

Selon les données de Watson Wyatt, 67% des répondants ne notent aucune hausse des invalidités à long terme, 53% ne notent aucune hausse de l'invalidité de longue durée et 51% ne notent aucune hausse des absences occasionnelles.

Cela laisse tout de même de forte proportion où des hausses ont été enregistrées pour l'une ou l'autre de ces composantes.

Pourtant, les entreprises canadiennes n'ont pas sabré dans leur assurance collective. Elles ont plutôt opté pour les restrictions au chapitre des déplacements (45%), le gel des embauches (38%), les mises à pied (27%), le gel des salaires (26%) et la réduction des programmes de formation (19%).

De plus, 62% des organisations participantes canadiennes disent ne pas avoir effectué de restructuration à l'échelle de l'entreprise et n'ont pas l'intention de le faire. Un écart notable avec les États-Unis. Aussi sondés dans le cadre de ce sondage, seuls 43 % des répondants américains disent ne pas avoir effectué de restructuration.

Chez les Canadiens, la plupart des entreprises qui ont apporté des changements à leurs programmes de ressources humaines ont d'ailleurs l'intention de rétablir ces programmes dans les 12 prochains mois. En outre, près de la moitié des entreprises canadiennes prévoit que leurs résultats commenceront à s'améliorer d'ici la fin de 2009 et en 2010.

Enfin, 57 % des entreprises participantes s'attendent à une augmentation du niveau de stress de leurs employés par suite de la crise économique et 55 % d'entre elles prévoient que leurs employés travailleront au-delà de l'âge auquel ils souhaitaient prendre leur retraite.

Baisse du taux de chômage

Le taux de chômage a diminué de 0,3 point de pourcentage pour s'établir à 8,4 %, a révélé le 9 octobre dernier un communiqué de l'Enquête sur la population active de Statistique Canada. Selon l'organisme, cette baisse mensuelle est la première observée depuis le début du mouvement de repli du marché du travail à l'automne 2008.

« La hausse de 92 000 postes du travail à temps plein en septembre, la plus forte inscrite depuis mai 2006, a été partiellement effacée par le recul de 61 000 postes du travail à temps partiel. La croissance de l'emploi à temps plein s'est surtout manifestée chez les jeunes et chez les femmes de 25 ans et plus, et en Ontario », rapporte Statistique Canada.

L'organisme fédéral ajoute que les gagnants de cette hausse sont les secteurs de la construction, de la fabrication et des services d'enseignement. Ces secteurs ont en effet connu des hausses de l'emploi en septembre. Les secteurs du transport et de l'entreposage ont plutôt affiché une baisse durant cette période.