Géant canadien en assurance de dommages, AXA Assurances vient de donner une commande ferme à sa division vie: doubler ses affaires d’assurance vie et tripler ses profits au Canada. Pour y arriver, l’assureur s’ouvrira à tous les réseaux : des agents généraux aux producteurs personnels, en passant par les comptes nationaux ainsi qu’un réseau interne.Depuis l’éveil de l’ours annoncé par Jean-François Blais (voir Journal de l’assurance, septembre 2006), la croissance organique est devenue une obsession pour le géant français. À l’échelle mondiale, les activités d’assurance vie et de services financiers représentent un poids important dans les affaires du Groupe AXA.

Or, le poids de ce secteur au Canada n’est pas à la hauteur des attentes d’AXA, a reconnu en entrevue exclusive avec le Journal de l’assurance Robert Landry, vice-président exécutif, assurance vie et services financiers, chez AXA Assurances.

À l’échelle mondiale, les affaires d’assurance vie, épargne et retraite tiennent une place importante au sein des activités d’AXA, indique un communiqué du 1er février dernier. Converties en dollars canadiens, elles ont atteint 9,53G$CA au 31 décembre 2006 alors que les affaires d’assurance de dommages ont compté pour 30,28G$CA. Au Canada, les affaires de dommages ont atteint un peu plus de 1,62G$CA à pareille date. Celles de vie, épargne et retraite traînent toutefois la patte, à144,27M$CA.

Pour suivre le rythme imprimé par AXA dans le monde, AXA doit prendre un virage important. Robert Landry a donc reçu une double commande de la haute direction : doubler les affaires d’assurance vie d’ici 2012 et amener AXA dans le secteur de l’épargne au Canada.

« Réaliser cette commande, c’est comme amener une PME au niveau d’une grande entreprise. Il faut refaire les fondations », explique M. Landry. Pour illustrer cette comparaison, il rappelle que la branche dommages d’AXA Assurances a produit en 2006 près de 130 M$ de profits alors que la branche vie a contribué pour seulement 5 M$.

La pierre principale de la nouvelle fondation d’AXA Assurances, secteur vie, c’est ce que Robert Landry appelle la multidistribution. « On s’ouvre à tous les réseaux de distribution. C’est une première pour AXA », annonce-t-il.

La première manifestation de cette multidistribution a été une profonde transformation de son réseau le plus important à ce jour : les directeurs régionaux. Amorcée en 2005, elle s’est poursuivie durant les six premiers mois de 2006.

Un des premiers gestes de Robert Landry a été de réduire le nombre des directeurs régionaux. De 13 directeurs régionaux, le réseau passe à sept. AXA les nomme désormais « directeurs généraux ».

Ces directeurs concentrent en majorité leurs affaires chez AXA. Ils peuvent traiter avec d’autres fournisseurs, mais cette proportion des affaires atteint rarement plus de 5%. Ces directeurs ne sont pas des MGA (master general agent) mais demeurent des entreprises indépendantes.

Déstabilisés par cette restructuration, les directeurs se sont inquiétés de leur avenir. AXA Assurances a employé des mois à les rassurer, leur indiquant être résolu à poursuivre ses affaires avec eux. Mais l’assureur ne leur a pas caché son intention d’élargir les modes de distribution pour atteindre ses objectifs de croissance.

« Nous avons renforcé ce réseau en concentrant nos affaires avec un plus petit nombre de directeurs. Nous sommes intervenus pour les solidifier, avec des solutions d’affaires et de financement. Mais nous avons aussi changé nos rapports avec eux. Avant, nous étions en relation d’exclusivité mutuelle. Maintenant, nous multiplions nos réseaux. Et ils sont tous en compétition. »

Robert Landry qualifie ce virage de majeur et inédit pour AXA Assurances.

Des MGA signent!

Cet élargissement se concrétise en ce moment même! En effet, au moment de mettre sous presse, la porte-parole d’AXA Assurances, Suzie Pellerin, annonçait que l’assureur a signé une entente de distribution avec Force financière Excel. Un autre MGA (agent général maître) est en voie de signer à son tour ce printemps. Un troisième s’ajoutera vers la fin de l’été ou le début de l’automne.

AXA Assurances a dans sa mire des agents généraux maîtres de grande envergure, et qui exploitent des marchés complémentaires à ceux que dessert déjà l’assureur. « Nous voulons des agents généraux bien établis. Des agents qui ont des affinités avec notre culture de développement, et qui apportent un complément à notre distribution actuelle en termes de marché cible, de segments de clientèle et de territoire. »

Par exemple, le réseau de distribution vie d’AXA Assurances n’est pas présent en Outaouais ni dans le marché anglophone de l’Ouest de Montréal, précise M. Landry.

AXA se lance aussi sur le sentier des comptes nationaux. Elle entend signer au moins une entente majeure dans ce réseau pendant l’année en cours, révèle Robert Landry.

En outre, M. Landry ouvre la voie à des ententes avec tous les niveaux de distribution intermédiaires entre agent général maître (MGA) et producteur personnel de haut niveau ou PPGA dans le jargon de l’industrie. AXA traitera ainsi avec des agents généraux (GA), de moins grande envergure que les MGA (ils n’ont souvent que deux ou trois contrats avec des fournisseurs), et les agents généraux associés (AGA), qui ne traitent pas directement avec les fournisseurs mais passent plutôt par un agent général pour le faire.

L’Ontario n’échappe pas non plus aux transformations. Principale province où AXA est active en assurance vie en dehors du Québec, l’Ontario ne générait que des ventes en vie entière. AXA a mené une initiative majeure pour diversifier l’équilibre.

« En arrivant en Ontario, nous avons beaucoup appris », signale Robert Landry. Nous sommes arrivés avec un produit de vie entière très compétitif au moment où nous bâtissions notre réseau en Ontario.

Ce réseau s’est donc concentré dans ce produit. Or, sa rentabilité s’est vue fragilisée par la baisse des taux d’intérêts à long terme. Pour diversifier son réseau de distribution, AXA se devait de se faire connaître des conseillers financiers. L’assureur a donc lancé en 2006 une campagne où il achetait toute nouvelle proposition d’assurance contre versement de 50$. M. Landry révèle avoir recruté ainsi 300 nouveaux conseillers.

De juin à décembre 2006, l’impact de la campagne de vente hors Québec s’est fait sentir, l’assureur émettant 70% plus de contrats d’assurance, comparativement à la même période en 2005.

« Nous voulions diversifier nos affaires. À la suite de ces initiatives, nous avons vu les ventes de vie universelle, d’accident maladie et de maladies graves croître en Ontario. » Pour leur part, les ventes de temporaires demeurent excellentes en Ontario comme partout au pays.

AXA mettra probablement fin à sa campagne audacieuse, exclusive en Ontario, au cours de mars ou avril. Depuis la fin de 2005, AXA compte en Ontario sur le travail d’un vice-président du développement des affaires, Richard Pyper. Il a développé son réseau en y ajoutant des GA et AGA. AXA compte 45 distributeurs en Ontario, soit des MGA, des GA et quelques AGA.

Malgré le poids prononcé de son portefeuille d’assurance vie et de services financiers au Québec, et dans une moindre mesure en Ontario, AXA Assurances accentuera ses efforts dans le reste du Canada lorsqu’il aura signé une première entente avec un compte national (80% des affaires d’assurance vie individuelle proviennent du Québec, les 20% restants se répartissant principalement en Ontario).

Ce renforcement des activités dans l’Est et l’Ouest du Canada devrait débuter en 2008, révèle Robert Landry.
Par ailleurs, AXA a conclu une entente avec un premier MGA dans les provinces maritimes l’automne dernier. L’assureur a d’ailleurs un directeur général actif dans ce territoire, soit Jean-Pierre St-Onge.

De plus, l’acquisition de La Citadelle conclue tôt en 2006 a aussi donné un coup de pouce à l’assurance de personnes partout au Canada. Elle a apporté plus de 40 M$ de primes en assurance collective à AXA, un secteur où elle n’était pas présente. L’assureur prévoit que La Citadelle contribuera à hauteur de 55% à ses nouvelles affaires en assurances de personnes en 2007.

Par ailleurs, ce portefeuille d’assurance collective est mieux équilibré à l’échelle canadienne que sa contrepartie individuelle. En effet, près de 40% des primes en vigueur en collectif se concentre en Ontario et autour de 30% au Québec. Le reste se répartissant également entre l’Ouest canadien et les Maritimes.

Réseaux en concurrence

Mais Robert Landry ne s’arrête pas à multiplier les réseaux. Il encouragera la concurrence à l’intérieur de chacun d’eux, et même entre eux. « Les directeurs généraux seront bientôt en concurrence avec les MGA », dit-il.

Par contre, pas de cannibalisme d’un réseau à l’autre. C’est l’essence de la multidistribution, explique M. Landry. « Nos réseaux sont complémentaires », précise-t-il.

Pour ce qui est d’encourager la concurrence, un pas a déjà été fait : les directeurs généraux n’ont plus de territoires exclusifs, révèle Robert Landry.

Toujours pour stimuler la croissance au sein de ses réseaux, AXA Assurances révise dès maintenant sa grille de rémunération. Celle-ci devient plus exigeante et assure une plus grande uniformité d’un réseau à l’autre à travers le Canada, avec le but avoué de rehausser les objectifs de vente. Cette nouvelle grille fera aussi en sorte de rehausser la fidélité avec ses distributeurs.

« Pour qu’AXA atteigne ses objectifs, il faut que ses producteurs atteignent les leurs aussi. »

Conséquemment, la rémunération par volume est revue et sera supérieure quand des volumes très élevés sont atteints. « La grille deviendra plus exigeante dans les critères de qualification en termes de volume selon chaque réseau », explique le vice-président exécutif, assurance vie. Les exigences pèseront surtout sur certains producteurs qui n’atteignent pas les niveaux requis. Il sera même possible de voir des terminaisons de contrat sous un certain seuil de production. « Mais cela se fera graduellement car nous les aiderons à atteindre les objectifs de vente. »

Pour cela, AXA Assurances misera sur les services et les incitatifs à la vente.

Robert Landry se défend bien d’exiger trop de ses conseillers. Le Congrès-étude annuel, qui se tiendra en République dominicaine au mois d’avril, exige une production annuelle de 25 000$ en termes de commissions de première année, indique-t-il.

« Nous nous faisons plus exigeants mais plus accessibles. Nos trois préoccupations envers les courtiers sont d’accélérer notre service, simplifier nos procédures et nous rapprocher d’eux », souligne M. Landry en faisant entre autres allusion à la proposition simplifiée et au service Fast-Track du nouveau programme Podium (Voir encadré Les affaires de certains courtiers traitées en priorité).

En 2006, AXA a aussi lancé une proposition simplifiée qui a compté pour 15 à 20% des nouvelles affaires soumises. Accessible par internet, elle s’accompagne d’un service où le souscripteur de la compagnie appelle le client pour remplir le questionnaire médical. « À l’interne, nous traitons maintenant les nouvelles affaires en une semaine. Notre objectif est de ramener ce délai à 48 heures », révèle Robert Landry.

Y aura-t-il d’autres acquisitions d’agents généraux comme ce fut le cas avec l’Agence G. Gadoua? « Non, nous ne sommes pas du tout dans un programme d’acquisition », tranche M. Landry.

Amener l’épargne au Canada

Ne cherchez pas les fonds distincts d’AXA Assurances. L’assureur est un des rares au Canada à ne pas en avoir. Tout cela changera bientôt alors qu’AXA entreprendra cette année une vaste opération pour investir le secteur de l’épargne au Canada.

AXA ciblera le marché de l’épargne à la retraite sans toutefois se lancer dans une course au développement de produits. « Nous miserons sur notre expertise internationale dans le marché de la gestion et du décaissement de l’épargne retraite. Nous l’importerons sous forme de capacité, de services, de technologie et même de produits. »

Par exemple, la compagnie est parvenue à accumuler une expérience de haut niveau en retraite et services financiers grâce à un imposant sondage mondial annuel : Le Baromètre AXA.

Robert Landry entend faire tourner ce nouveau positionnement autour de produits tels que les rentes et les fonds distincts.

« Nous avons des équipes qui scrutent à temps plein ce que notre groupe fait partout dans le monde. Nous avons une très bonne idée de ce que nous retiendrons pour le Canada », révèle Robert Landry qui demeure muet sur ses choix et le moment où ils seront implantés au pays.

La percée dans le marché de l’épargne franchira toutefois une première étape. M. Landry annonce d’importants remaniements à la vie universelle d’AXA, dans la perspective de son nouveau positionnement épargne. « Nous relancerons notre vie universelle pour qu’elle cible à la fois les familles et les investisseurs. » La première relance aura lieu en avril, et la deuxième en septembre, confie-t-il. À l’automne, c’est la gamme des fonds offerts au sein du produit qui sera étendue.

La version vie universelle destinée aux familles comportera un coût d’assurance plus accessible. La version destinée aux investisseurs comprendra quant à elle des options d’investissement plus sophistiquées, liées à des produits d’AXA ou à ceux de compagnies de fonds communs.

L’assureur s’interroge aussi sur comment profiler ses produits d’assurance maladies graves pour répondre à des défis tels que l’augmentation des coûts des soins de santé et l’évolution de la détection des maladies.

AXA se penchera aussi sur les besoins de soins de longue durée, un secteur qu’il considère sous-exploité.