Dans un rapport intitulé Paver la voie, le Sénat avertit le gouvernement qu’il doit s’assurer que le pays tire profit de l’arrivée des voitures autonomes. L’économie pourrait en souffrir, poursuit le Sénat, ce qui inclut l’assurance.

Ce rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications indique que, dans l’état actuel des législations, le gouvernement canadien n’est pas prêt à affronter l’évolution fulgurante des transports. Particulièrement lors de la délicate phase où les voitures pleinement autonomes cohabiteront avec celles qui ne le sont pas.

Le rapport fait 16 recommandations. L’une vise spécifiquement l’industrie de l’assurance. Le Sénat demande à ce que Transports Canada surveille l’incidence des technologies des véhicules automatisés et des véhicules branchés sur l’assurance automobile, les infrastructures et les transports en commun au Canada. Pour produire son rapport, le Sénat a notamment fait témoigner des représentants du Bureau d’assurance du Canada et de l’Institut d’assurance du Canada.

Le Journal de l’assurance s’est entretenu avec le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu sur cet enjeu. Il est aussi membre du comité sénatorial qui a produit le rapport à la demande du ministère des Transports du Canada.

Ne pas être en retard

M. Boisvenu a souligné au Journal de l’assurance que le principal objectif du Sénat dans la production de ce rapport était de faire en sorte que le Canada ne soit pas en retard pour mettre en place un cadre de règlementation des voitures autonomes. Même si l’automobile est de juridiction provinciale, le Sénat peut se pencher sur la question, puisque le gouvernement fédéral devra fournir un cadre de base. M. Boisvenu souligne que le Sénat s’est récemment penché sur la question des délais des tribunaux. Or, la justice relève des provinces, ce qui n’a pas empêché le Sénat d’étudier la question.

« Notre règlementation devra s’adapter au véhicule autonome. La coordination entre le fédéral et les provinces n’existe pas. C’est préoccupant. D’autant plus que ces véhicules n’auront pas de frontières », a confié le sénateur Boisvenu.

Pour le Sénat, il est clair que l’avènement de la voiture autonome donnera un nouveau statut à la conduite automobile, mais aussi au véhicule. L’assurance en sera directement touchée, dit le sénateur Boisvenu. « C’est une révolution sociale de l’utilisation de l’automobile dans tout son sens. »

40 ans avant la disparition de la conduite humaine

Pour le Sénat, l’horizon de déploiement de la voiture autonome se fera sur 40 ans, à partir de maintenant, révèle M. Boisvenu. Pourquoi 40 ans ? C’est le temps qu’il faudra pour faire disparaitre tous les véhicules non automatisés des routes canadiennes. Le Sénat estime que la phase de cohabitation se fera sur une longue période, probablement de 10 à 15 ans.

« C’est comparable au moment où le cheval a laissé la place à la voiture sur nos routes. Il faut aussi prendre en compte que le milieu urbain est plus adapté à la voiture automatisée que le milieu rural. Elle se déploiera plus vite dans les villes. Dans les milieux ruraux, l’infrastructure technologique est moins présente. »

Cette phase de cohabitation amènera aussi son lot de complexités, fait valoir M. Boisvenu. « Si un accident implique une voiture autonome et un véhicule conduit par un humain, la recherche quant à la responsabilité sera plus complexe. »

Des emplois à risque

Le rapport estime par ailleurs que 1,1 million d’emplois sont à risque au Canada avec l’arrivée de la voiture autonome. Parmi ceux-ci, on y retrouve ceux d’agents d’assurance automobile et de représentants en assurance automobile.

Le sénateur Boisvenu précise toutefois qu’avoir des emplois à risque ne se traduira pas nécessairement par des pertes d’emplois nettes. C’est plutôt qu’un déplacement d’emplois se fera. Une importante création d’emplois pourrait même en découler. Pour cela, le Canada ne doit pas être en perte de vitesse pour adapter le cadre nécessaire à la circulation des voitures autonomes.

Les suites

Maintenant que le Sénat a déposé son rapport, deux options sont possibles. La première : le gouvernement réagit au rapport et y donne suite. La seconde : il le tablette.

Il va sans dire que le Sénat souhaite que la première option soit retenue. « Il y a une urgence de collaborer. Que ça passe par des directives du gouvernement ou par des projets de loi. Il ne faut pas oublier que les voitures branchées entrent dans la vie privée des gens. »