La principale menace à laquelle devra faire face l’industrie de l’assurance est le changement climatique. Cette menace touche autant l’assurance de dommages que l’assurance de personnes. Autre crainte : les deux secteurs devront s’adapter au changement démographique qui se profile.C’est ce qui ressort d’une étude réalisée par la firme Ernst & Young, en collaboration avec Oxford Analytica. Ernst & Young a ainsi dressé une liste des dix principales menaces auxquelles devront faire face les assureurs après avoir interrogé une vingtaine de dirigeants de l’industrie à travers le monde.

Selon Ernst & Young, le changement climatique figure en tête de liste parce que le réchauffement planétaire modifie le climat et augmente la probabilité des sinistres liés aux inondations, aux ouragans et aux autres phénomènes naturels.

« Je ne suis pas sûr que l’industrie soit prête à faire face aux changements climatiques, a averti Tom Kornya, associé chez Ernst & Young, en entrevue au Journal de l’assurance. Il y a cinq ans, ce risque n’aurait même pas été sur la liste. »

M. Kornya ajoute qu’il n’y a pas que le secteur de l’assurance de dommages qui sera touché par les changements climatiques, l’assurance vie devra aussi y faire face tôt ou tard.

« En assurance de dommages, le changement climatique se traduira par des tempêtes de vent et des inondations. En assurance vie, les conséquences seront graduelles. Avec les températures qui risquent de changer, les assureurs vie feront face à de nouveaux problèmes au niveau de la santé et de la mortalité. Il pourrait donc y avoir différents types de pertes. »

« La sélection des risques de ces produits est en plein développement et personne n’a encore mesuré ce que causeront les changements climatiques. La réussite de l’industrie passera par le développement de produits novateurs, qui devront faire face à de grandes incertitudes, telles la vitesse de frappe et la sévérité des changements climatiques », dit-il.

Le deuxième risque auquel doit faire face l’industrie est le changement démographique, avec l’arrivée des baby-boomers à la retraite, ce qui entraîne de nouveaux besoins. Les assureurs pourraient être soumis à de vives pressions, puisqu’ils seront appelés à remplacer les gouvernements.

« C’est un risque pour les assureurs, mais aussi une opportunité formidable, croit Tom Kornya. Il y aura une grande demande pour les produits de retraite. Les baby-boomers chercheront des produits à faible coût qui génèrent des revenus. Par contre, le débat du rôle du gouvernement dans les régimes de pensions n’est pas très avancé. Les assureurs seront appelés à prendre cette place et c’est un nouveau risque auquel ils ne sont pas habitués. »

En plus de la pression générée par ce nouveau rôle, les assureurs devront aussi faire face à celle de leurs concurrents. « Les banques, les sociétés de fonds communs et toutes les institutions financières vont lutter pour obtenir le même dollar. Il y a un risque là-aussi. Les compagnies d’assurance devront demeurer novatrices avec leurs produits pour garder l’avantage », indique M. Kornya.

Les assureurs devront aussi négocier la hausse des coûts liés aux événements catastrophiques, qui pourrait influer sur le résultat net et le capital des assureurs. La montée des marchés émergents pourrait aussi être une lame à double tranchant. Bien que ces marchés représentent une occasion d’affaires pour les joueurs établis, de nouveaux acteurs issus de ces marchés pourraient investir l’industrie et prendre leur place.

Réglementation et technologie

Ernst & Young croit que les nouvelles réglementations et un resserrement de la surveillance pourraient entraîner des changements sur les pratiques de tarification. De plus, les pressions croissantes des marchés des valeurs mobilières pourraient avoir de graves répercussions si elles ne font pas l’objet d’une étroite surveillance.

Internet est un autre risque auquel les assureurs doivent faire face. Les compagnies ayant un accès multicanaux aux ventes et aux informations pourraient bénéficier d’un avantage concurrentiel. Ernst&Young ajoute qu’un manque d’intégration se dessine entre la technologie, les activités d’exploitation et la stratégie.

« L’environnement dans lequel les assureurs pratiquent change constamment et rapidement, dit Tom Kornya. On retrouve des consommateurs qui recherchent des produits simples à faible coût et d’autres qui veulent des produits plus complexes qui coûtent aussi plus cher. Une compagnie qui n’aura pas un accès multicanaux pourrait tomber en arrière-plan si elle n’utilise pas Internet, les médias et le téléphone. »

Les deux dernières menaces inscrites sur la liste des dix principaux risques d’ Ernst & Young sont les incertitudes juridiques et la possibilité de perturbations géopolitiques ou macroéconomiques. Dans le premier cas, la responsabilité et la réforme en matière de délits pourraient donner lieu à des pertes financières. Pour le deuxième, la firme mentionne que la menace d’une grave crise financière attribuable aux produits dérivés et aux fonds de couverture pourrait être dommageable pour l’industrie.

Cinq autres risques

Ernst & Young ajoute cinq risques qui pourraient s’ajouter d’ici cinq ans. Le premier est la trop grande confiance accordée aux modèles de gestion de risques, qui ont une validité qui s’effrite avec le temps. Le deuxième risque concerne la réputation de l’industrie. Ernst & Young souligne qu’un scandale du type Enron n’est pas impossible. C’est pourquoi l’industrie doit se doter d’une bonne gouvernance et de bons contrôles internes, puisque la surveillance du public envers l’industrie est appelée à croître dans les prochaines années.

L’industrie ne doit pas perdre la guerre du talent selon la firme. « Plus l’environnement devient complexe, plus les assureurs ont de la difficulté à recruter du personnel ayant de bonnes compétences. Dans plusieurs marchés, les assureurs ont du personnel ayant de faibles connaissances techniques et de faibles capacités de gestion », indique Ernst & Young dans son rapport.

L’entrée des assureurs dans de nouveaux marchés pourrait aussi entraîner un autre défi au niveau de la réglementation. « Comment respecteront-ils la réglementation s’ils sont présents dans 30 ou 40 marchés qui n’ont pas tous les mêmes règles? », demande Ernst & Young.

À cette question, la possibilité de devoir faire face à de nouveaux risques s’ajoute. « De nouveaux risques que les assureurs n’ont pas prévus ou n’ont pas tarifés adéquatement vont émerger. C’est inévitable. Il pourrait s’agir de risques affectant la santé humaine, causés par une pandémie, ou encore affectant les portefeuilles immobiliers des assureurs », indique le rapport.

Tom Kornya croit que les assureurs sont néanmoins bien placés pour faire face à tous ces risques, autant au Canada que sur le reste de la planète.

« L’industrie canadienne doit affronter les mêmes risques que l’industrie mondiale. Elle pourra aussi profiter des mêmes opportunités. L’industrie canadienne a toujours été forte et compétitive. De plus, de nombreux joueurs canadiens fonctionnent très bien à l’échelle mondiale, ce qui est déjà un avantage pour elle », conclut-il.