Le courtier d’assurance qui concentre ses affaires auprès d’un assureur et qui ne va pas au marché pour trouver la meilleure protection pour son client risque de se trouver en conflit d’intérêts.

Dans son mémoire produit dans le cadre de la consultation entourant la règle des 20 % d’actionnariat qu’un assureur peut posséder dans un cabinet de courtage, le Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ) a soulevé plusieurs articles de déontologie et de loi rappelant que la volonté d’impartialité du courtier était au cœur de la législation. À la lumière de ces articles, si un courtier en situation de concentration auprès d’un assureur et qui ne magasinerait pas la protection de son client dans le marché serait-il à risque de se retrouver dans une situation de conflit d’intérêts.

Me André Bois, de la firme d’avocats Tremblay Bois Migneault Lemay, est catégorique. Les articles de déontologie qui encadrent la pratique en assurance de dommages au Québec stipulent que le courtier a le devoir de prioriser le meilleur intérêt du client, pas celui de l’assureur qui a une position dominante dans son cabinet. « Il peut y avoir un problème s’il ne magasine pas », dit celui qui a été le conseiller juridique du RCCAQ pendant de nombreuses années, en plus de participer à l’écriture de plusieurs lois en assurance au fil des ans au Québec.

Rapport de 2005

Me Bois rappelle à cet effet les travaux menés en 2005 par l’Autorité des marchés financiers, qui avait accouché d’un rapport faisant la lumière sur les liens qu’entretenaient des assureurs avec des cabinets de courtage. Des assureurs avaient dû verser des amendes en lien avec des manquements.

Il rappelle que l’Autorité était même allée jusqu’à exiger de voir les contrats de travail de dirigeants de cabinets pour s’assurer que ceux-ci travaillaient avant tout dans le meilleur intérêt du client et s’assurer que ce dirigeant ne soit pas vulnérable à des pressions.

« Il y a un problème si le courtier ne magasine pas. De la façon que le marché a évolué, un client qui a subi plusieurs accidents en automobile pourrait aujourd’hui trouver des conditions plus avantageuses qu’à l’époque. Il pourrait même aller chercher des protections additionnelles. Si son courtier ne teste pas le marché, il ne le saura pas. Le Code civil est clair à cet effet, dans une situation de double mandat, l’intérêt du client doit primer avant tout. »

Conflit de loyauté

Me Bois va aussi plus loin dans son raisonnement. S’il n’est pas en conflit d’intérêts, le courtier qui ne magasine pas peut alors se retrouver en conflit de loyauté. La Cour Suprême a d’ailleurs distingué la différence entre les deux dans le passé. Le conflit d’intérêts peut survenir lorsqu’un représentant travaille pour des personnes ayant des intérêts opposés. Il se trouve en conflit s’il ne priorise pas l’intérêt du client. Quant au conflit de loyauté, le représentant y est à risque s’il est conscient de poser un geste pour ne pas nuire à sa relation qui a une influence sur lui.

« Tout cela me préoccupe ! », dit Me Bois. Et son raisonnement ne se limite pas au courtage en assurance de dommages. Il donne en exemple le cas d’un conseiller en assurance vie qui se trouve dans une relation d’agent exclusif pour un assureur. S’il voit que son client aurait besoin d’une protection en maladies graves, mais que son assureur ne l’offre pas, il devra sortir du marché pour l’offrir. S’il le fait alors que son assureur lui interdit, il se trouve à risque d’être en conflit de loyauté. »

ChAD et RCCAQ se prononcent

Du côté de la Chambre de l’assurance de dommages, on rappelle que tant les agents que les courtiers sont soumis au même code de déontologie et ont les mêmes obligations. « Tous les représentants en assurance de dommages doivent divulguer à leurs clients les liens d’affaires qui unissent le cabinet aux assureurs, dont ils offrent les produits, agir en conseiller consciencieux et respecter les règles concernant les conflits d’intérêts. En pratique, les intérêts du client doivent primer. Les agents et les courtiers doivent offrir un produit qui correspond réellement aux besoins du client. S’ils ne peuvent le faire, ils doivent l’en informer », dit Joëlle Calce-Lafrenière, directrice du service des communications.

Au RCCAQ, on souligne que la consultation a permis de souligner la volonté du législateur d’encadrer la profession de courtier de manière à assurer l’impartialité de ce dernier. « Si des questions d’influence ou de conflit d’intérêts en lien avec la concentration d’un cabinet empêchaient ce dernier de répondre à ses obligations vis-à-vis des consommateurs, il reviendrait aux autorités réglementaires d’y apporter toute l’attention nécessaire et d’appliquer les mesures appropriées pour corriger la situation », dit Typhaine Letertre, chargée de projet, communications, au RCCAQ.