Pour bien servir la clientèle des grands risques industriels et commerciaux, le courtier doit être bien entouré, tant au cabinet que dans son réseau de professionnels qui connaissent le secteur d’activité à couvrir. Voilà le nerf de la guerre pour pénétrer ce marché.[caption id="attachment_11471" align="aligncenter" width="600"]Crédit photo: Réjean Meloche Crédit photo: Réjean Meloche[/caption]

Daniel Binette, de BFL Canada, précise que le défi du renouvèlement des ressources humaines est le plus grand souci des cabinets spécialisés dans les risques commerciaux. Souvent, les nouveaux producteurs ou souscripteurs sont des anciens ayant longtemps travaillé dans le domaine des affaires où ils ont gardé leurs relations, souligne Jean-François Beaulieu, de Hub International Québec.

Charles Proulx, du cabinet GPL, ajoute qu’il faut former le personnel que l’on recrute. « Ça prend des années pour bien connaitre cet environnement particulier. » C’est pourquoi il est tentant de recruter un ancien de l’industrie et de le former sur les techniques de l’assurance.

Selon François Jean, président de Forum Risques & Assurances, l’industrie travaille fort pour recruter de nouveaux professionnels, mais le défi à relever est grand tant pour les cabinets que les assureurs. Pour les petits risques commerciaux, des produits très normalisés sont déjà conçus et l’assureur peut les livrer rapidement. Du côté des grands risques, l’approche est faite davantage sous l’angle de la recherche de solutions.

Charles Proulx juge lui aussi que les ressources humaines sont « le nerf de la guerre. Les grands comptes ne s’obtiennent pas après une seule rencontre. Plus ton équipe a de la profondeur, plus les clients se sentent en confiance. Ça prend souvent un an ou plus de discussions avant que le client nous accorde son compte. Dans les grands risques, ça arrive quand le client est certain que nous avons les bonnes ressources pour bien le servir ».

Charles Proulx et Daniel Binette notent que la formation de l’équipe exige autant de têtes grises que de jeunes. Il faut un bon dosage de professionnels de divers horizons : comptables, avocats, spécialistes de la gestion de risques, etc. Le vétéran sert de mentor et profite de la jeunesse de son collègue pour se mettre à jour sur les préoccupations nouvelles comme le risque cybernétique.

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Daniel Binette croit que le cabinet doit constamment renouveler sa clientèle afin de bien suivre l’évolution de l’économie. « Chaque courtier doit relever le défi de trouver de nouvelles niches. Nous sommes présents depuis une décennie dans le sport et le cinéma, mais on n’en faisait pas, avant. » Il vaut mieux cibler des secteurs qui ne sont pas déjà servis par un autre courtier. Si un concurrent est déjà reconnu dans son domaine, il faut investir de grands efforts pour lui prendre des clients, dit-il.

 

Selon Jean-François Beaulieu, le courtier doit collaborer avec l’assureur pour développer des produits qui s’arriment parfaitement aux besoins des clients. « Généralement, les assureurs sont bons pour créer des garanties. Ils connaissent leur domaine, ils émettent un libellé très précis qui offre des conditions non présentes dans les polices des autres compagnies. C’est le cas de la garantie erreur et omissions, qui était peu offerte, avant. Maintenant, tous les assureurs qui sont à l’aise de le faire peuvent l’offrir. »

Pour certains comptes gouvernementaux, comme Hydro-Québec, il peut arriver que le client utilise les services de plus d’un courtier, mais c’est l’exception, souligne Charles Proulx. Daniel Binette souligne que les grands risques peuvent être divisés en plusieurs assureurs, et que c’est le rôle du courtier de fournir l’ensemble de la couverture requise pour le client.

Selon Charles Proulx, les clients habitués à se tourner vers les grandes entreprises de consultants comme AON ou Marsh seraient souvent mieux servis par un cabinet plus petit. « Nous avons un volet entrepreneurial. Loin de moi l’idée de les critiquer, mais pour accompagner des entrepreneurs, nous avons des atouts à faire valoir. Nous avons la créativité requise pour les appuyer, et quand nous pouvons les rencontrer, nous gagnons des comptes. »

Pour des cabinets de courtage établis au Québec, faire concurrence à ces grandes entreprises de consultants pour appuyer l’expansion des entrepreneurs à l’étranger n’est pas une mince tâche. Les cabinets de plus petite taille doivent donc se démarquer de ces géants en vendant leur expertise pointue dans des secteurs particuliers, souligne Daniel Binette. « Il y a de gros clients qu’on n’approche pas, comme Bombardier, car ils requièrent une expertise de classe mondiale. La dernière chose que tu veux comme courtier est de te casser la gueule avec un grand compte. Tu choisis ceux pour lesquels tu es certain de pouvoir faire du bon travail », dit-il.

François Jean souligne que de nombreux courtiers américains ignorent ou font semblant de ne pas connaitre la législation canadienne et québécoise en matière de certification des courtiers. Les filiales canadiennes d’entreprises américaines doivent être servies par un courtier certifié au Québec, rappelle-t-il.

Tant son cabinet que celui de Jean-François Beaulieu ont gagné de la clientèle grâce à cette exigence du législateur. La taxe d’accise de 10 % du montant de la prime à verser au gouvernement fédéral pour les polices émises à l’étranger est un puissant incitatif à recourir aux services d’un courtier certifié au Canada.

Les courtiers présents à la table ronde ont aussi souligné que les assureurs ont tendance à imiter la concurrence et à couper les primes quand le marché est mou. François Jean parle du « caractère bipolaire » de l’industrie de l’assurance.

« Si un assureur détient une bonne part du marché dans un secteur donné, et que le volume d’affaires est important, on voit apparaitre des concurrents qui se mettent à réduire les primes. » Par la suite, quand les marges sont réduites et que les assureurs perdent de l’argent, ils s’en vont tous en même temps, et les clients du secteur n’arrivent plus à s’assurer à un tarif adéquat, dit-il.

Glen Bates, de RSA Assurances, rappelle que les assureurs doivent gérer leurs capitaux avec discipline, en se concentrant dans les segments d’affaires qu’ils connaissent bien et en les rentabilisant par une meilleure segmentation du risque. « Quand on se lance dans un domaine où on a moins d’expertise et qu’on baisse les prix pour percer le marché, ce n’est pas une bonne utilisation du capital de la part de l’assureur. »

Dans le secteur financier, il y a énormément d’argent et de larges capacités chez les réassureurs, juge Charles Proulx. Pour les grands risques, cet environnement favorise les clients en matière de tarification. « Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il y a de l’argent à faire dans le marché des grands risques. C’est souvent très rentable dans les bonnes niches, pourvu que l’assureur connaisse bien son domaine », dit-il.