Un an après avoir cerné cinq grandes préoccupations prioritaires à défendre, l’association des agents généraux au Québec a fait peu de progrès. Au contraire, des agents généraux affirment que le fardeau des coûts et de la responsabilité des conseillers s’est alourdi sur leurs épaules. Un portrait qui menace leur rentabilité.Pendant son mandat à la présidence de l’Association des cabinets gestionnaires de services financiers (ACGSF) l’an dernier, Michel Kirouac a donné cinq pistes pour l’avancement des agents généraux.

La première, l’étude des contrats d’agent signés avec les assureurs, demeure une préoccupation criante (voir l’édition de mai du Journal de l’assurance).

La deuxième, les règles de conformité, est plus que jamais d’actualité. En vigueur le 23 juin, les nouvelles mesures de sécurité contre le blanchiment viennent encore accentuer cet enjeu.

La troisième piste consiste à étudier les pratiques commerciales des compagnies qui exploitent simultanément plus d’un type de réseau de distribution.

La quatrième piste concerne l’arrimage de l’émission des permis avec celle des polices d’assurance responsabilité auprès de l’Autorité des marchés financiers.

La cinquième piste touche l’amélioration des communications aux membres de l’ACGSF, seul enjeu où l’association a adopté des mesures concrètes, dont la rédaction de procès-verbaux.

« L’héritage de Michel est bien lourd à porter », confie Philippe Corriveau, président depuis octobre 2007. Directeur administration et finances chez Groupe financier BBA, M. Corriveau reconnaît ces enjeux. Plutôt que tout prendre à bras-le-corps, il préfère cependant procéder par étapes.

Ainsi, l’ACGSF veut se donner les moyens de ses ambitions en augmentant son membership. «  Nous avons 14 membres sur un potentiel de 40. Nous cherchons donc des moyens d’inciter plus d’agents généraux à joindre nos rangs. »

Son principal cheval de bataille est toutefois de voir à une meilleure uniformité chez les contrats d’agents.

Ces contrats diffèrent d’une compagnie à l’autre, déplore M. Corriveau. Les sources du Journal de l’assurance dans le réseau indépendant dénoncent que la responsabilité de l’agent général envers les agissements de ses conseillers est mal définie par ces contrats. L’agent général se retrouve souvent seul avec le poids de la conformité, la responsabilité de la rémunération et bien d’autres fardeaux. Un poids qui menace la rentabilité des agents généraux.

Or, dans ce dossier, l’ACGSF est à la remorque de CAILBA, l’association canadienne des agents généraux.

« Nous voulons collaborer avec eux car ils sont plus avancés que nous dans ce dossier », explique M. Corriveau. L’ACGSF croit qu’une collaboration avec CAILBA donnera plus de poids à ses actions. L’objectif de M. Corriveau : une plus grande uniformité des contrats d’agent.

Pendant son mandat, M. Corriveau souhaite uniformiser la façon dont les agents généraux assureront la conformité des activités de leurs conseillers. Ce sujet devait être à l’agenda de l’assemblée générale annuelle tenue le 12 juin.

Autre sujet à l’ordre du jour : le peu de flexibilité de plusieurs compagnies quant à leurs exigences de volume.

Un fardeau croissant

La tâche de l’ACGSF sera en effet lourde car les enjeux prennent de l’ampleur, renchérit Michel Kirouac, vice-président et directeur général du Groupe Cloutier.

C’est que les agents généraux voient leur rentabilité menacée parce qu’ils en font toujours plus pour moins. « Les fournisseurs nous délèguent de plus en plus de tâches et de responsabilités, mais ne nous paient pas davantage », lance M. Kirouac.

Des assureurs n’expédient plus certains documents aux conseillers. Ceux-ci obtiendront leur état de compte ou leur relevé de police sur le site Internet de l’agent général. Les moins rompus aux nouvelles technologies veulent qu’on l’imprime pour eux, observe M. Kirouac. Un surcroît de travail important, admet-il. « Chez Groupe Cloutier, nous avons 400 000 polices en vigueur. »

Les assureurs se délestent aussi à l’égard des transactions de fonds distincts, poursuit M. Kirouac. Les assureurs payaient l’agent général et le conseiller séparément. Plus maintenant. C’est l’agent général qui reçoit tout. Il lui revient ensuite de payer le conseiller. Des erreurs peuvent survenir. L’assureur assumait ces erreurs. Plus maintenant, dit M. Kirouac. « Il y a des mois où les erreurs en notre défaveur peuvent atteindre quelques milliers de dollars. »

Avec plus de conformité, plus de responsabilité à l’égard des transactions et plus de coûts de logiciels et d’administration, comment va s’en sortir le petit cabinet, s’interroge Michel Kirouac.

Les exigences de volume viennent couronner le tout. « Si les petits voient le nombre de leur fournisseurs diminuer, ils ont un problème de volume. Pour maintenir leur rentabilité, ils doivent augmenter leur production avec ceux qui restent. D’où la concentration. Elle pose un problème au conseiller qui veut plus de fournisseurs. C’est un cercle vicieux », dit M. Kirouac.

Les plus gros agents généraux croient ainsi que la rentabilité passera par le volume d’affaire. Selon le président de Force Financière Excel, James McMahon, la taille permet de mieux répartir les coûts.

L’avenir du MGA rentable passe aussi par la saine gestion, rappelle-t-il. Ce qui signifie réinvestir dans les services et la formation, croit M. McMahon. « Car l’agent général ne doit pas redevenir une boîte aux lettres comme c’était le cas il y a vingt ans. »

Excel compte 127 employés et a payé des commissions à plus de 1 400 conseillers en 2007. Pour éviter de devenir une boîte aux lettres, l’agent général a investi dans des initiatives de services et de formation. Une de celles-ci, l’Académie Excel, a attiré 52 nouveaux conseillers et produit 12 diplômés en mai. Les diplômés de ce programme sont ensuite jumelés avec des seniors dans un programme de mentorat. Excel a aussi lancé récemment une trousse de conformité en collaboration avec une firme externe.

La réponse des petits

Y a-t-il un espoir hors de ces investissements importants?

Oui, disent les petits agents généraux. Comme les petits assureurs, plusieurs d’entre eux disent se démarquer par la spécialisation et un service plus personnalisé. Certains prennent même les exigences de volume avec un grain de sel.

Président de Multi Courtage, Guy Duhaime a vu Manuvie résilier son contrat en 2007 parce qu’il ne satisfaisait pas ses exigences de volume. Aujourd’hui, il dit ne pas s’en porter plus mal. « Après tout, Multi Courtage a toujours 24 000 polices en vigueur avec Manuvie », rappelle-t-il. Des polices qui remontent à son contrat d’agent avec La Maritime.

Les exigences de volume ne lui font pas peur. « Il y aura toujours des assureurs prêts à faire affaire avec de plus petits agents généraux. Plusieurs assureurs respectent les plus petits parce qu’ils sont rentables pour eux en termes de qualité et de conservation des affaires. De son côté, le conseiller aura un service plus personnalisé dans une boîte qui traite avec un nombre restreint de conseillers », pense M. Duhaime.

Pour sa part, Yvon Pilon a mis sur pied son agent général en 2000, à l’époque des fusions médiatisées comme celle de Courvie Dubeau. Peu lui prédisaient alors du succès, dit-il. Le Groupe Pilon (LGP) a depuis évolué discrètement. Plutôt qu’être tout pour tout le monde, explique M. Pilon, LGP s’est spécialisé dans les marchés de l’invalidité, l’accident maladie et les maladies graves. Pour le reste, il y a les alliances. C’est d’ailleurs par une alliance avec Multi Courtage qu’il souscrit ses affaires en fonds communs.

Le Groupe Pilon a un contrat de distribution directe avec sept fournisseurs. M. Pilon dit maintenir un minimum de volume de un million$ en primes pour chacun d’eux (AXA Assurances, Empire Vie, La Capitale, Penncorp, La Survivance, L’Excellence et l’Industrielle Alliance). Il dit passer par Groupe financier BBA pour d’autres fournisseurs, tels Manuvie et Transamerica Vie Canada. 600 conseillers transigent auprès de lui, dont plus d’une centaine à 100 %, ajoute M. Pilon.

Après huit ans de discrétion, M. Pilon veut faire du bruit, a-t-il confié au Journal de l’assurance depuis ses nouveaux bureaux qu’il inaugurait le 21 mai dernier. Il se dit prêt à prendre son envol, mais à partir de l’interne et non par acquisitions. « Je ne veux pas grossir pour grossir et me retrouver endetté à 80 % », lance-t-il.

En plus d’un bureau à Montréal, Yvon Pilon en occupe un autre à Bathurst, au Nouveau-Brunswick, et envisage l’ouverture d’un autre à Moncton. Il souscrit aussi des affaires à l’Île-du-Prince-Édouard et en Nouvelle-Écosse. Il vient d’embaucher Danielle Brault, une transfuge du secteur des transports, pour diriger le développement de ses affaires.

M. Pilon prévoit aussi recruter 25 nouveaux vendeurs d’ici septembre, mais pas n’importe qui. « D’où viens-tu ? Depuis combien de temps es-tu dans la profession ? Quel est ton taux de conservation? Si tu as déjà fait six agents généraux, je ne suis pas intéressé. Je ne suis pas affamé », explique t-il.

Que pense-t-il des exigences de volume ? « Les trop gros fournisseurs, j’ai de la misère avec ça. J’ai besoin qu’un lien personnalisé se développe avec tous mes fournisseurs », dit-il. Au cocktail d’ouverture de ses bureaux, on pouvait serrer la main des hauts gradés de chacun de ses fournisseurs.