Aujourd’hui comme demain, les courtiers se retrouvent devant des courants non négligeables. Pour s’adapter, ils devront mettre de l’énergie dans leur formation personnelle, dans la défense des clients sinistrés et dans la numérisation de leur profession pour suivre le changement, affirment les experts réunis au colloque The Future of Insurance, organisé en ligne par Reuters Events.

La transformation des modes d’information et de transmission de conseils aux clients n’est qu’un des sujets abordés par Sarah Thompson, directrice du marketing à Hub International

« L’intelligence artificielle (IA), l’apprentissage machine et Internet s’apprêtent à modifier considérablement notre façon de faire des affaires, et ce, avant la fin de la présente décennie, a-t-elle déclaré devant son auditoire en mode virtuel. Plus la numérisation, l’IA et l’apprentissage machine évolueront, plus les courtiers devront être autre chose qu’un simple maillon de la distribution, pour créer des liens avec la clientèle et démontrer leur valeur en veillant à la défense de ses intérêts, en la conseillant et en l’informant. Ce sont les grands piliers de leur proposition de valeur. » 

Situation actuelle et défis à venir  

La réalité démographique change, tout comme les habitudes d’achat du consommateur, mentionne la spécialiste. « On exige davantage de transparence au moment de l’achat, signale-t-elle. Les consommateurs sont aussi davantage désireux de comprendre ce pour quoi ils paient. » Ceux-ci, précise-t-elle, veulent avoir du choix et pouvoir payer uniquement les protections dont ils ont besoin et envie, et ce, au moment où chaque couverture est justifiée. « On assiste vraiment, ici, à l’arrivée de l’achat selon l’utilisation. » 

Dans la foulée de l’économie du partage, de nouveaux produits d’assurance et modes de transmission verront à leur tour le jour. La transition entre l’achat traditionnel et les services par abonnement, comme ceux proposés par Netflix ou Spotify, est déjà offerte par certaines sociétés d’assurance. « Les courtiers doivent donc se demander comment alimenter la relation avec le client en se manifestant régulièrement auprès de lui. » 

Par ailleurs, la possibilité de travailler de n’importe où dans le monde a eu un impact positif sur le bassin de travailleurs pouvant œuvrer dans notre domaine. Elle contraint cependant les employeurs plus traditionnels à revoir leur conception du télétravail. « Les gestionnaires doivent apprendre à gérer une équipe à distance, ce qui n’est pas toujours inné. »

Dans ce contexte, comme nous l’avons mentionné, l’intelligence artificielle pourrait bien bouleverser le monde des affaires d’ici la fin de la décennie : elle permettra aux entreprises de mieux comprendre et modéliser les risques avant de fixer leurs prix et conditions, et ce, de manière quasi instantanée. Dans un exemple, Sarah Thompson explique que des clients pourraient même voir le prix de leur prime d’assurance modifié s’ils empruntent l’itinéraire recommandé pour se rendre au travail.

« Cela va changer la façon dont les courtiers négocient les conditions imposées à leurs clients, dit-elle. On voit déjà l’impact spectaculaire de l’accès à des données et des algorithmes plus complexes et l’incidence que cela a eu sur la modélisation des cataclysmes. » En fait, la capacité à exécuter rapidement plusieurs scénarios est directement proportionnelle à la capacité de traitement des ordinateurs. « Ce qui aurait autrefois nécessité des semaines peut maintenant se faire en quelques heures », estime-t-elle.

Cela constitue en soi un défi pour les courtiers qui tentent de clore un dossier : « Les assureurs exigent plus que jamais qu’on leur fournisse de l’information et des données avant d’accepter un risque. » 

La question de la capacité risque également de s’immiscer dans le paysage, maintenant que le monde de l’assurance fait l’objet de consolidations. « La consolidation du marché de l’assurance signifie que les courtiers ont moins de choix à proposer à leur clientèle, déclare-t-elle. Surtout que l’on sait qu’“un plus un” font rarement “deux” en matière de capacité, car les assureurs cherchent à réaliser des économies en fusionnant leurs placements en réassurance. » Madame Thompson s’attend toutefois à ce que l’on avance des solutions créatives pour combler le vide en matière de capacité, le cas échéant. 

Deux tendances vont également exercer une pression sur les commissions, à savoir le fait que les consommateurs demandent de plus en plus de transparence, associé à l’augmentation des ventes, des traitements de sinistres et du service effectués directement avec le consommateur. « L’augmentation des communications et de l’envoi de documentation en liaison directe avec l’assureur peut vraiment écarter le courtier de la chaîne de distribution, amenant le client à se demander pourquoi il paie une commission au courtier. » 

« Le fait que le consommateur reçoive sa police directement de l’assureur pose problème pour de nombreux courtiers, poursuit-elle. Le client transmet même sa demande d’indemnisation directement à l’assureur ; la plupart du temps, le courtier n’en est pas informé. » 

La stratégie commerciale des courtiers  

Pour qu’ils tirent leur épingle du jeu, Mme Thompson invite les courtiers à devenir une source d’information et d’ardents défenseurs de leurs clients. « Un courtier qui propose ses propres services de gestion des risques et qui s’astreint à aider son client à réduire son profil de risque global, et non seulement ce qui est couvert par l’assurance, voilà qui est vraiment intéressant », fait-elle remarquer.

« En tant que courtiers, nous devons sans faute continuer d’approfondir nos connaissances et nos compétences, ajoute-t-elle. D’ailleurs, les clients sont à l’affût de personnes spécialisées, d’information et d’explications qu’ils ne trouveront pas ailleurs au sujet de leur entreprise ou de leur patrimoine personnel. En éduquant leurs clients, les courtiers augmentent la valeur mise à leur portée. En se déchargeant des transactions simples et non complexes au profit de l’automatisation, ils devraient pouvoir disposer de davantage de temps pour conseiller et orienter le client. » 

Acceptez en outre le fait que la clientèle fréquente les médias sociaux. « De nos jours, même la génération X se retrouve sur TikTok. Si vous n’avez pas investi dans votre présence dans les applications mobiles et les médias sociaux, vous avez du retard à rattraper concernant les goûts de vos clients. » 

Les acheteurs, fait-elle remarquer, ne se contentent pas de consulter Google ; ils se tournent vers leurs réseaux sociaux, notamment les pages Facebook deleurquartier, pour obtenir des conseils. « Êtes-vous sur ces réseaux ? demande Mme Thompson. Et vos employés ? Se sentent-ils habilités et suffisamment à l’aise pour donner des conseils à titre personnel ou au nom de votre organisation ? Avez-vous une politique en matière de médias sociaux ? Des formations du personnel ? » 

Selon elle, pour relever ce défi, il faut parfois retenir les services d’un spécialiste. Facebook, souligne-t-elle, est un incontournable pour toute marque. « Quand on se bat pour se faire une place dans un marché difficile, on peut penser que les tendances concernant les médias sociaux sont secondaires. Or, comme le profil démographique de notre clientèle change et que notre rôle de courtier évolue, il est vraiment important d’être sur ces plateformes pour y procurer conseils et information. »