Le propriétaire d’un cabinet de courtage ne peut penser faire croitre son entreprise s’il n’a pas une vision d’affaires ni un plan de match pour l’appliquer. C’est encore pire s’il ne sait pas ce qu’il s’y passe. Pour ce faire, il doit être capable de mesurer ses activités à l’aide d’indicateurs, pour ensuite corriger les défaillances.
Ces propos sont ceux de Pierre Fontaine, président de Les Services conseils PRF. Il les a tenus lors de la première édition de la Journée de l’assurance de dommages, le 15 mars dernier, à Montréal.

Pour que son entreprise soit performante, l’entrepreneur se doit d’établir un plan de match, de se fixer des objectifs et des les atteindre. « Que 65 % du marché appartiennent aux directs, on s’en fout comme de l’an 40. De toute façon, le 35 % restant est trop gros à aller chercher pour un seul courtier. Il doit dessiner une formule qui va lui permettre d’aller chercher des clients. Le courtier ne peut plus être moyen dans tout. Il doit être le meilleur pour un certain groupe d’individus. Le danger est là. Si je suis juste moyen, il y aura toujours quelqu’un de meilleur devant moi », dit-il.

M. Fontaine rappelle que le courtier fait ses affaires un client à la fois. « C’est de la microgestion. En bout de ligne, il doit savoir si son client est satisfait ou insatisfait. Comment le propriétaire du cabinet peut-il s’assurer que son organisation suit ce principe? Il va connaitre quel revenu il génère par transaction. Le total va lui amener son profit. Il n’y a pas de recette magique pour y arriver. Il a beau utiliser tous les benchmarks du monde, les principes restent les mêmes », dit-il.

Urgent vs important
Serge Therrien, président et éditeur du Journal de l’assurance, qui animait la session de travail, ajoute que comme chef d’entreprise, le dirigeant se doit d’appliquer les meilleures pratiques de gestion pour faire grandir son entreprise. Autant pour lui-même comme entrepreneur que pour tous ceux qui gravitent autour de lui.

« La croissance d’une entreprise passe par son chef. Quand ça va bien, c’est grâce un peu à tout le monde. Quand ça va mal, c’est la faute du patron. Le plus grand défi d’un chef pour assurer cette croissance est de réaliser qu’il doit passer du stade de vendeur à celui de gestionnaire. De nombreuses entreprises stagnent parce que l’entrepreneur ne réussit pas à franchir cette étape », dit-il.

Pour adopter lui-même le chemin de la croissance au sein de son entreprise, M. Therrien a joint divers groupes qui lui permettent de challenger son modèle d’affaires. Il a ainsi joint le Groupement des chefs d’entreprise, la Fondation de l’entrepreneurship et un programme de coaching à Toronto, Strategic Coach.

« À travers ce cheminement, je me suis bâti une vision. J’ai commencé à rêver d’être le président de ma compagnie et non son PDG. Je voulais seulement être le P et non le D et le G. C’est le plus grand défi d’un chef d’entreprise. Lorsqu’on devient le P, on s’éloigne des problèmes du quotidien. On commence à voir à quoi peut ressembler l’avenir », dit-il.

En agissant ainsi, le quotidien cède sa place au moyen et long terme, dit M. Therrien. « Si on ne le fait pas, on éteint des feux tout le temps plutôt que planifier le gros projet qui va ouvrir une porte de croissance pour les revenus. On est pompier plutôt que chef. On ne planifie pas, mais on trouve des solutions à court terme », dit-il.

M. Therrien ajoute que l’entrepreneur moyen ne passe pas assez de temps à planifier les choses importantes, tels les revenus, le développement à long terme, les menaces à l’horizon ou les opportunités d’affaires. « C’est l’avenir de l’entreprise qui se joue là », dit-il.

M. Fontaine ajoute qu’on ne peut réinventer une entreprise du jour au lendemain. Pour revoir son fonctionnement, il faut appliquer trois principes clés : la rigueur, l’exécution et la discipline.

Avioir une vision de l’organisation
« Un entrepreneur qui achète un cabinet de courtage doit apprendre à le connaitre sous toutes ses coutures. Il doit se promener au sein de celui-ci et en faire le tour. Il ne s’agit pas simplement de lire des chiffres sur du papier. Il doit s’asseoir dans le bureau et écouter. Il doit évaluer ce qui marche et ce qui ne marche pas. Il doit avoir une vision de l’organisation. S’il veut des gens accueillants à l’entrée, la réceptionniste ne doit pas être au téléphone. Il faut donner l’impression que c’est agréable d’y travailler », dit-il.

Il ajoute que la vitesse à laquelle les employés marchent dans le bureau est un indicateur. « Est-ce qu’un employé se traine les pieds et quittent à 14 heures? Si oui, les autres vont se demander pourquoi ils en feraient plus que lui. Si ça prend une semaine pour obtenir les états de compte, il faut comprendre pourquoi. L’entrepreneur doit en venir à bâtir son propre outil comparatif de performance (benchmark) et à avoir ses propres indicateurs », dit M. Fontaine.

S’il recommande aux entrepreneurs de bâtir leurs propres indicateurs, il dit peu croire aux outils comparatifs traditionnels. « Il s’agit là d’une moyenne de cabinets qui ont tous des profils différents. C’est comme la consommation d’essence d’une voiture. On ne peut comparer une Toyota Prius avec un Jeep Cherokee. C’est pourquoi chaque entrepreneur doit bâtir son propre outil de comparaison, comme il analyse sa propre consommation d’essence », dit-il.

M. Fontaine fait remarquer que la plupart des propriétaires des cabinets de courtage sont des vendeurs. « Les clients, ils aiment ça. Ce ne sont pas des gestionnaires ni des administrateurs. Ils sont souvent peu à l’aise avec les chiffres et n’ont pas la minutie pour s’y attarder. Bien souvent, la différence entre ce que l’entrepreneur est et ce qu’il veut devenir s’y trouve », dit-il.

Il ajoute qu’un vrai entrepreneur ne reste pas derrière sa porte, se promène dans son entreprise et sait ce qui s’y passe. « Il doit savoir quels sont les délais qu’il y a dans son entreprise et quel est le nombre d’appels qui moisissent dans des boites vocales. S’il ne veut pas le faire, il doit mettre en place quelqu’un qui le fera pour lui», dit-il.

M. Fontaine donne en exemple un groupe d’entrepreneurs qu’il a coaché et à qui il a fallu plusieurs jours à déterminer quelles étaient leurs valeurs d’entreprise. « L’entrepreneur en vient parfois à réaliser que ce qui le motive le plus, il doit le déléguer. Il doit être capable de dire qu’il a besoin d’aide », dit-il.

M. Therrien ajoute que l’entrepreneur doit choisir ce qu’il veut conserver et déléguer ce qu’il ne veut pas conserver. « Attention : déléguer ne veut pas dire se débarrasser. L’entrepreneur doit décider de se doter d’une équipe de personnes capables de prendre la responsabilité au quotidien de segments de son plan d’entreprise. Il a à utiliser des méthodes de gestion de travail en équipe, comme un comité de gestion ou comité exécutif. Il doit y aller par essais et erreurs. Le succès n’est pas un objectif, mais un processus continu », dit-il.

Croissance interne vs croissance externe
À partir de ces principes, d’où viendra la croissance? Deux options s’offrent à lui, dit M. Fontaine : la croissance interne et la croissance externe.

« La croissance interne est ce qu’il y a de moins dispendieux. Il s’agit de voir si l’on connait nos clients. Sont-ils classés? Combien ont-ils de produits avec nous? A-t-on le profil de chacun des clients pour combler des besoins?», dit-il.

M. Fontaine donne en exemple le cas d’un cabinet qui avait 1 000 clients ayant souscrit une assurance habitation, mais qui n’avait pas été sollicités pour leur assurance automobile. « Il faut avoir un portrait réel du portefeuille de clients. Il n’a pas nécessairement à le faire lui-même, mais ce travail doit être fait, car sinon, c’est de l’argent qui dort. C’est là qu’entre en jeu la croissance externe », dit-il.

Le consultant ne cache pas que la croissance externe est plus couteuse à aller chercher. « Si le propriétaire d’un cabinet a 10 000 $ à dépenser, il doit décider ce qu’il va faire avec. Va-t-il annoncer dans les Pages Jaunes, dans les journaux locaux, dans une campagne de référencement? S’il décide de s’afficher sur un panneau routier, il doit mesurer combien ça lui rapporte et savoir combien ça a généré d’appels. Il ne peut penser la mettre en décembre et penser qu’il aura des appels en janvier. Il doit se laisser du temps. Ça prend une discipline. Il faut vérifier le tout à la semaine, avec un code de campagne. Tout le monde peut le faire, mais ça doit être fait correctement », dit-il.