Un tremblement de terre causant des dommages assurés de plus de 30 milliards de dollars (G$) au Canada mettrait ses assureurs en faillite. C’est le sinistre constat que fait la Société d’indemnisation en matière d’assurance IARD (mieux connue sous son acronyme anglophone, PACICC) dans sa plus récente étude, Why Insurers Fail.

L’organisme de recherche financé par l’industrie de l’assurance de dommages craint tout particulièrement les impacts que pourrait avoir un vaste séisme sur les villes de Vancouver et Montréal. Les chiffres avancés par PACICC ont d’ailleurs de quoi faire frémir.

Ses chercheurs, Grant Kelly et Peter Stodolak, craignent qu’un tremblement de terre affectant l’une de ses deux zones à risques cause des dommages dépassant les 100 G$. Or, la Société d’indemnisation, qui a pour mandat d’indemniser les assurés traitant avec un assureur insolvable, dit qu’elle faillirait à la tâche dans l’éventualité d’un évènement dépassant le cap des 30 G$.

Dans leur étude, MM. Kelly et Stodolak dressent un parallèle avec trois grandes catastrophes. La première a eu lieu en 1906, à San Francisco. Un séisme de 8,2 sur l’échelle de Richter avait détruit cette ville à 80 % et causé la mort de 3 000 personnes. Douze assureurs avaient alors été incapables de subvenir à leurs obligations.

En 1993, l’ouragan Andrew, de force 5, a causé la faillite de 9 assureurs américains, après avoir endommagé ou détruit 730 000 maisons et édifices. Plus récemment, en 2011, la ville de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, a été dévastée par un tremblement de terre de magnitude de 6,3. Outre les 185 pertes humaines, deux assureurs ont aussi trépassé.

Les deux chercheurs ont aussi relevé deux cas d’assureurs canadiens qui ont fait faillite, à la suite de catastrophes naturelles. Le premier est National General Insurance Company, qui a fermé ses portes en 1952, à la suite d’inondations monstres, survenues deux ans plus tôt. En 1984, ce fut le tour de Mennonite Mutual Hail Insurance Company, à la suite de fortes tempêtes de grêle ayant touché l’Alberta en 1978, puis en 1981.

De nombreuses inquiétudes

Plusieurs faits inquiètent MM. Kelly et Stodolak. Le premier a trait au degré de pénétration de la protection contre les tremblements de terre dans les zones à risques, tiré de données colligées par le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), en 2012.

En Colombie-Britannique, 44 % des titulaires d’assurance habitation ont une protection contre les tremblements de terre. Pour les entreprises, ce taux passe à 65 %.

Ces chiffres sont plus bas au Québec. Ce sont 4 % des assurés en assurance habitation qui ont une telle protection, contre 43 % des entreprises.

Le BSIF rappelait alors qu’un grave tremblement de terre causerait des pertes équivalentes à 9 % du produit intérieur brut (PIB) canadien. Plus de 40 % des assureurs seraient alors incapables de respecter le seuil de solvabilité du Test de capital minimum édicté par le BSIF. 5 % d’entre eux présenterait même un ratio déficitaire.

Les deux chercheurs rappellent que le risque de tremblements de terre est élevé à Vancouver et modéré à Montréal. Inversement, le seuil de vulnérabilité des immeubles face à un tremblement de terre est modéré à Vancouver, mais élevé à Montréal, vu le nombre important de vieux édifices et infrastructures construits avant que les normes modernes d’ingénierie sismiques soient développées.

La firme de modélisation des risques RMS estime qu’un tremblement de terre de magnitude 7,5, dont l’épicentre serait près de Montréal, pourrait causer des dommages assurés dépassant les 100 G$. Un tremblement de terre de magnitude 9 à l’ouest de Victoria pourrait causer des dommages allant de 20 G$ à 30 G$, mais pourrait faire excéder les dommages à 95 G$, s’il touchait une grande partie de l’Ouest canadien.

MM. Kelly et Stodolak ajoutent qu’il n’y a pas que les tremblements de terre qu’il faut craindre. Qu’arriverait-il si un astéroïde s’écrasait au centre-ville de Toronto? Un tel évènement est survenu en 1908, en Sibérie, en Russie, et a détruit 80 millions d’arbres sur une superficie de 2 000 kilomètres carrés. RMS a déjà produit un modèle donnant en exemple la ville de New York et a estimé que les dégâts dépasseraient la barre du billion de dollars (1 000 G$).

Les tempêtes géomagnétiques sont aussi à prendre en considération, rappellent les deux chercheurs. En 1989, une telle tempête a court-circuité le réseau d’Hydro-Québec, causant une panne de 12 heures. Cinq-millions de personnes avaient été privées de courant et les dommages non assurés avaient atteint les 2 G$.

Et encore, la technologie n’était pas aussi répandue qu’elle ne l’est aujourd’hui. La durée de ces tempêtes peut aussi être très longue. Une tempête solaire survenue en 1859 a duré dix ans! À l’époque, seules les lignes télégraphiques avaient été affectées, mais quand serait-il aujourd’hui? Les impacts de telles tempêtes demeurent encore inconnus aujourd’hui, indiquent les deux chercheurs.

La PACICC estime les réserves de capital des assureurs de dommages du Canada à 50 G$. Quant aux couvertures de réassurance souscrites par ceux-ci, elles atteindraient 18 G$.

Selon ces données, la Société d’indemnisation IARD estime que si un tremblement de terre causait 10 G$ de dommages assurés, un assureur serait incapable de répondre aux critères légaux de solvabilité. À 20 G$, le taux d’échec passerait à 7 assureurs, puis à 10 pour une catastrophe de 25 G$. À 30 G$, 30 assureurs seraient insolvables.

L’organisme dit aussi qu’il aurait de la difficulté à respecter ses obligations d’indemniser les assurés, à partir d’un évènement causant des pertes assurées de 15 G$. Advenant un évènement catastrophique causant 30 G$ de dommages assurés, il faudrait 50 ans à la PACICC pour collecter auprès des assureurs le montant requis pour indemniser les assurés canadiens. L’organisme se dit incapable de prédire combien de temps il lui faudrait pour rembourser les indemnités causées par une catastrophe de plus de 30 G$.