La récurrence des dommages par l’eau et l’insuffisance des fonds de prévoyance des syndicats de copropriétés font en sorte que de plus en plus d’assureurs craignent d’assurer les immeubles en copropriété. Certains assureurs ont ainsi complètement délaissé ce marché, alors que d’autres continuent d’y souscrire des risques, mais avec des franchises et des primes plus élevées.Daniel Roy, chargé de comptes principal chez Dale Parizeau Morris McKenzie (DPMM), estime que les joueurs se font moins nombreux depuis quelques temps pour desservir le marché des copropriétés. Pour les bâtiments en béton, tels les tours de condos, il ne reste plus que trois ou quatre assureurs intéressés à souscrire ce type de risques, dit-il. Quant aux plus petits bâtiments en copropriétés, ils sont desservis par des joueurs différents, ajoute-t-il.
M. Roy indique que les critères de souscription pour le marché des copropriétés se sont resserrés dernièrement et que les primes sont à la hausse. DPMM a ainsi mis au point une approche établie sur la prévention. Le courtier a entre autre mis au point un système de suivi pour le changement des chauffe-eau, qui doit se faire au plus tard à tous les dix ans. Aussi, un document d’information sur les mesures préventives à adopter par les copropriétaires et le syndicat est remis à chaque fois qu’un bâtiment en copropriété est assuré.
Les dommages par l’eau sont aussi un problème non négligeable dans les bâtiments en copropriété, dit M. Roy, que ce soit un dégât causé par une installation sanitaire, un chauffe-eau trop âgé, un toit qui coule ou même par le distributeur d’eau d’un réfrigérateur. Dans ce dernier cas, certains syndicats songeraient même à les interdire aux copropriétaires, fait savoir M Roy.
Pas une priorité
Chez AssurExperts, Hubert Brunet, vice-président assurance des entreprises, précise que l’entretien des bâtiments n’est souvent pas une priorité pour les petits bâtiments de trois ou quatre unités. Selon M. Brunet, les gens qui achètent ce type de condos le font pour le revendre à profit peu de temps après. L’entretien à moyen et long terme n’est donc pas une priorité pour eux, dit-il.
Ainsi, qui dit manque d’entretien dit dommages à court et moyen terme. « Qu’on pense seulement aux réservoirs à eau chaude qui ne sont pas remplacés lorsqu’ils ont atteint leur durée de vie utile. S’ensuit un dommage par l’eau qui peut parfois se propager sur l’étage inférieur. Même chose pour les toits qui ne sont pas entretenus. Le problème part du fait que les fonds de prévoyance ne sont pas assez élevés pour pourvoir à ces dépenses et on retarde de faire des réparations. Pour les bâtiments plus âgés, le phénomène du manque d’entretien s’observe encore plus », dit M. Brunet.
Sylvain Clermont, directeur général de l’Association des syndicats de copropriété du Québec (ASCQ), confirme qu’il y a effectivement un problème. Il explique que dans le cas des bâtiments neufs, les promoteurs qui s’occupent de la construction demeurent quelquefois administrateurs provisoires du bâtiment après sa construction. Il arrive qu’un dommage se produise et c’est le nouveau syndicat qui hérite de la réclamation qui s’est produite du temps où le promoteur était administrateur.
Il ajoute que certaines nouvelles constructions présentent des défauts, comme par exemple une mauvaise isolation des tuyaux, ce qui engendre éventuellement des dommages, mais qui ne sont pas causés par la négligence des copropriétaires. « Dans le cas des immeubles plus âgés, les assureurs ont tardé à ajuster leurs critères de souscription et leurs primes. En 1990, les assureurs connaissaient peu le marché des bâtiments en copropriété, lequel a doublé en l’espace de 10 ans, passant de quelques 200 000 bâtiments dans les années 2000 à plus de 400 000 en 2010. Les assureurs ont conservé les mêmes primes dans les années 2000 que dans les années 1990, ce qui a occasionné des manques à gagner pour faire face aux réclamations plus nombreuses », explique M. Clermont.
Le directeur de l’ASCQ fait remarquer qu’il existe un autre problème, soit celui des copropriétaires négligents qui retardent les rénovations et ne font pas l’entretien des bâtiments. Cette problématique semble s’améliorer. Il affirme que les quelque 3 000 syndicats membres de l’Association sont plus conscients de la problématique et apportent les soins nécessaires à leurs bâtiments. Il dit que l’expérience de sinistres des assureurs qui transigent avec les membres de l’Association est meilleure.
L’ASCQ a d’ailleurs des ententes avec certains assureurs pour faire bénéficier ses membres de tarifs plus avantageux. « Les assureurs semblent satisfaits de ces ententes, dit M. Clermont. On peut le constater dans le nombre de réclamations qui est moins élevé pour les risques souscrits pour des membres de l’Association. »
RSA est un des assureurs qui souscrit ce genre d’affaires. Brett Graham, directeur régional de l’assureur, affirme que l’expérience de sinistres de son entreprise dans ce segment est relativement bonne. RSA assure autant petits et grands condos. Toutefois, l’assureur recherche surtout des risques de qualité supérieure, comme des bâtiments à l’épreuve du feu. Leur souscription tient compte entre autres de l’année de construction du bâtiment, de sa localisation et sa qualité de construction. Il arrive que les franchises soient augmentées pour les dommages par l’eau.
Segmentation chez AXA
Chez AXA Assurances, Jean-François Béliveau, vice-président assurance des PME, souligne que sa compagnie a procédé à une segmentation du marché des copropriétés. Il ajoute que l’expérience de sinistres d’AXA croît avec la valeur des bâtiments. Plus un bâtiment a une valeur élevée (plus de deux millions de dollars), plus élevé est le ratio de sinistres. Pour ces bâtiments, AXA applique des mesures de souscription et de tarification plus sévères, entre autres par le biais de primes et de franchises plus élevées. L’assureur profite du renouvellement de ses contrats pour joindre des dépliants de sensibilisation aux syndicats de copropriété qu’ils assurent, notamment sur les dégâts d’eau.
Selon M. Béliveau, plus de 50 % du montant que débourse AXA pour payer ses sinistres dans des copropriétés sont attribuables à des dégâts par l’eau. Les dégâts par l’eau représentent même plus de 80 % des sinistres enregistrés par l’assureur. Quant aux dommages par incendie, ils représentent près de 40 % du montant que verse AXA à ses sinistrés en copropriété.
AXA fait de la prévention sur ces deux éléments, avec un accent particulier mis sur les dégâts causés par l’eau. Compte tenu de la problématique liée aux bâtiments de haute valeur, AXA se concentre surtout sur les bâtiments d’une valeur de moins de deux millions de dollars. Toutefois, M. Béliveau précise qu’AXA n’ignore pas pour autant les bâtiments de deux millions de dollars et plus. Pour ceux-ci, la souscription est faite pour assurer la rentabilité du portefeuille d’AXA dans ce segment et pour y préserver son marché.
Quant à Jevco, l’assureur préfère ne pas toucher aux condos. L’assureur y touche seulement par l’entremise de l’assurance administrateurs et dirigeants (D&O) de condos, a indiqué au Journal de l’assurance France Foucher, directrice, résidentiel et commercial de l’assureur.