Selon un trio d’experts de Deloitte, les progrès réalisés dans l’univers numérique façonneront de manière irrémédiable la manière dont les produits d’assurance seront conçus, consommés et distribués à l’avenir.
Les trois experts ont présenté leur conférence sur la deuxième vague en cours dans l’univers numérique de l’assurance à Québec, au début avril, dans le cadre de la troisième édition d’InsurTech Québec.
Interrogés par leur collègue David Cummings, consultant principal en pratique digitale, Mukul Ahuja, leadeur stratégique chez Omnia AI, la division en intelligence artificielle chez Deloitte, et Firas Osman, gestionnaire principal en technologie des assurances, ont fait le point sur les innovations les plus susceptibles de perturber le marché de l’assurance dans les prochaines années. Selon eux, « les manchettes faisant état des innovations disruptives dans le marché de l’assurance ne sont plus des nouvelles, mais la réalité quotidienne ».
Plusieurs facteurs ont un impact
Plusieurs facteurs externes à l’industrie ont un impact notable sur l’assurance, souligne Mukul Ahuja. Le nombre grandissant d’adeptes des plateformes de l’économie du partage, les objets connectés, l’intelligence artificielle et l’apprentissage profond, l’analyse de données, les voitures autonomes, l’infonuagique, etc., sont autant d’éléments qui bouleversent les besoins d’assurance.
En assurance de dommages en 2018, on a vu apparaitre un grand nombre de nouvelles entreprises (startups) qui numérisent le processus de réclamation et de traitement des sinistres, ajoute-t-il.
En 2017, une dizaine d’assureurs ont consacré des investissements variant de 1,5 à 8,4 milliards de dollars pour améliorer leur plateforme et numériser les processus d’affaires. Tant le réseau à courtage que les assureurs directs vivent les mêmes contraintes à cet égard.
Exploiter des marchés délaissés
Les nouveaux arrivants exploitent des niches de marchés délaissés par les assureurs existants, et arrivent ainsi à satisfaire les besoins nouveaux des consommateurs. On le voit pour les besoins d’assurance temporaire, pour les biens loués ou vendus par l’entremise des plateformes de l’économie du partage, et enfin pour la numérisation des échanges entre le consommateur et son assureur.
Selon Firas Osman, la personnalisation du processus de réclamation est l’un des aspects où les assureurs existants peuvent encore se distinguer, puisque les clients sont alors en mesure de voir les différences dans la qualité du service entre les compagnies. « Pour les consommateurs, la réclamation est une étape vraiment importante. La victime d’un sinistre s’attend à ce que son assureur se préoccupe de sa réclamation », dit-il.
Toutes ces tendances externes sont susceptibles de modifier le paysage de l’assurance et pour y réagir, les manufacturiers devront revoir leurs produits. Par exemple, avec le nombre grandissant d’utilisateurs de biens en mode de location ou de partage, au lieu d’en être propriétaires, la propriété des polices passera des individus vers les entreprises commerciales ou les gestionnaires de plateformes.
La durée de vie des polices en sera aussi affectée. La gestion des risques sera subdivisée en unités réduites parce que le lien entre la responsabilité et la garantie sera modifié. La mutualisation des risques sera de plus en plus difficile à faire, puisque les clients seront de mieux en mieux informés à l’égard de leur propre exposition au risque, ce qui les rendra très exigeants en matière de tarification.
Des solutions
Les assureurs existants ont trois solutions pour maintenir leur position dans le marché devant la concurrence nouvelle qu’amènent les startups. Ils peuvent créer de nouveaux produits, comme l’ont fait Mouvement Desjardins avec Ajusto, ou Co-operators avec Duoo, en s’associant à des startups qui utilisent les nouvelles technologies.
Ils peuvent aussi créer leur propre laboratoire d’innovation afin de développer leur expertise, ce qui a été fait avec AXA Next, Desjardins Lab, Aviva Digital Garage et Intact Lab.
Enfin, les assureurs peuvent s’immerger dans l’univers de l’innovation en lançant des programmes et des incubateurs, afin de créer une concurrence entre les startups qui deviendrait des fournisseurs. Wawanesa, AllState, Intact, Aviva et Foresters ont ainsi financé des programmes axés sur l’innovation.
Pour mieux profiter de cette deuxième vague de l’insurtech, l’industrie de l’assurance doit dépasser les attentes des consommateurs, dénicher les nouveaux marchés, offrir de meilleures garanties découlant d’une lecture améliorée des besoins de la clientèle et utiliser les nouveaux outils pour améliorer sa performance et sa productivité.
Les experts de Deloitte ont conclu leur exposé en présentant la stratégie de la firme de consultants en matière de numérisation des activités d’assurance, basée sur un laboratoire d’innovation nommé The InsurCloud Lab. Les solutions proposées peuvent être facilement implantées dans la plateforme GuideWire. La firme a créé son propre outil robotisé de gestion des réclamations, Jim, de même qu’une autre plateforme robotisée, appelée Frank, qui assiste les dirigeants de PME dans la gestion de leurs risques et leurs besoins d’assurance.