Fragilisés par l’économie incertaine, les Canadiens épargnent moins et repoussent sans cesse la date prévue de leur retraite.

L'indice annuel canadien de report de la retraite de la Financière Sun Life révèle que trois Canadiens sur dix prévoient prendre définitivement leur retraite à 66 ans et qu’un sur deux prévoient prendre une retraite progressive, en travaillant à temps partiel ou à la pige. Parmi les Canadiens qui s'attendent à continuer à travailler après 65 ans, 61 % le feront parce qu'ils le doivent.

L’indice révèle aussi que les Canadiens s’inquiètent de la situation économique. Près de la moitié d'entre eux se tracassent au sujet des dettes qu'ils auront à la retraite, alors que 44 % des Canadiens voient le remboursement des dettes comme leur priorité. Ceux dont la priorité est d'épargner ne comptent que pour 20 %. L’indice se fonde sur un sondage d’Ipsos Reid effectué en ligne entre le 29 novembre et le 12 décembre 2011, auprès de 3 701 travailleurs canadiens âgés de 30 à 65 ans.

Marco Carreau se fonde sur sa pratique de terrain pour expliquer ces résultats. Planificateur financier depuis 28 ans, M. Carreau est un conseiller de Sun Life à Sainte-Julie. « Les gens qui ont peu de connaissances financières, qui sont craintifs en raison de la situation économique ou qui n’ont pas de plan de match hésitent à épargner, dit-il. Ceux qui ont un plan en tête demeurent beaucoup plus calmes. Ils gardent leurs objectifs en tête, peu importe ce qui se passe dans l’économie. »

Dans la période des REER, 60 % des clients épargnent à la hâte, dans les deux dernières semaines. « J’ai eu bien des téléphones à faire. C’est mon job de leur rappeler leur plan d’épargne. La connaissance donne le pouvoir d’agir », dit-il.

Le conseiller a aussi reçu plusieurs appels durant cette période, « de gens qui avaient entendu parler de nos services ». Ces nouveaux clients lui arrivent souvent mal en point. Ils n’ont ni plan ni conseiller. S’ils en ont un, celui-ci n’a pas pris le temps de s’assoir avec eux pour établir leur budget.

Pour établir un plan d’épargne, le conseiller revoit le mode de vie du client dans son ensemble. « Ma mère avait raison de dire qu’il faut vivre selon nos moyens. J’installe des limites avec les clients, calcule des ratios de nourriture et de logement par rapport aux revenus. On met ensuite le budget à l’examen : on doit dégager des sommes à tous les mois pour pouvoir travailler sur le plan de match », dit M. Carreau.

Pour ceux qui sont surendettés, le conseiller les presse d’attaquer la dette et de la réduire. Il y a de bonnes dettes et de mauvaises dettes, comme celles sur carte de crédit, dit-il.

« En février, j’ai rencontré trois couples : chacun avait 45 000 $ de dettes sur des cartes de crédit à 19 % d’intérêt, voire 24 %. C’est fou! Il y a pourtant moyen d’emprunter à des taux plus bas. Nous leur conseillons de consolider la dette. Il est parfois avantageux de refinancer la maison et de faire une marge hypothécaire pour dégager des liquidités. »

Encore mieux : leur montrer comment ne pas refaire ces erreurs, dit le conseiller. « Nous faisons du coaching. Certains de mes clients me contactent tous les trois mois. Ils nous appellent avant d’acheter une auto. Nous calculons ensemble si c’est un bon choix. D’une année à l’autre, ces gens s’enrichissent et se sentent mieux. »

Faut-il être riche pour bénéficier d’un plan aussi détaillé? Absolument pas, dit M. Carreau. Toute personne a droit à ce service.

« J’ai un couple de deux travailleurs autonomes. L’un gagne 35 000 $ par an, l’autre 32 000$. Ils ont eu des difficultés financières : leur hypothèque n’était pas si élevée, mais ils avaient beaucoup de dettes sur cartes de crédit. Nous avons refinancé leur maison pour créer un filet de sécurité.

Un tel filet apporte un bien-être salutaire, croit le conseiller. « Quand on ne se sent pas étouffé, c’est encourageant. On bouge. On s’épanouit. On obtient une promotion. On change d’emploi pour un meilleur salaire. »

M. Carreau soutient que sa clientèle échappe aux statistiques dévoilées dans l’indice de Sun Life. Ils ne seront pas obligés de travailler après 65 ans. « Chez les femmes, plusieurs aimeraient se retirer vers 50-52 ans, alors que leur conjoint travaille encore. Beaucoup aimeraient une retraite progressive vers 50-55 ans. J’encourage ce genre de planification », dit-il.

Longévité et soins

Ces désirs posent toutefois des défis que les clients doivent bien comprendre, insiste M. Carreau. Quelle sorte d’avantages sociaux le client souhaite-t-il conserver à la retraite? Comment son régime d’avantages actuel sera-t-il affecté par un passage de temps plein à temps partiel dans le cas de la retraite progressive? Dans ce cas, est-il fiscalement avantageux pour lui de continuer à travailler tout en touchant des prestations de retraite de son régime? Quelle est l’incidence de la retraite progressive sur ses rentes? Aussi, est-il protégé contre les maladies ou a-t-il une police de soins de longue durée?

« Il est très important de parler de tous ces points avec nos clients. Les gens ne veulent pas être placés en institution. Ils veulent rester chez eux. D’un autre côté, ils ne veulent pas voir leurs placements s’éroder en cinq ans. Ont-ils bien mesuré les couts liés aux soins infirmiers et autres? »

Ces questions s’imposent d’autant que la longévité des Canadiens s’accroit sans cesse, signale-t-il. Statistique Canada estime la longévité moyenne des Canadiens nés entre 2006 et 2008 à 80,9 ans, soit 78,5 ans pour les hommes et 83,1 ans pour les femmes. Selon cette étude de Statistique Canada, l’espérance de vie moyenne des Canadiens à 65 ans est de 20 années supplémentaires, soit 18,3 ans pour les hommes et 21,5 ans pour les femmes.

Dans une étude plus récente, Statistique Canada révèle qu’il y avait 1,3 million de personnes de 80 ans et plus au Canada au 1er juillet 2009. Ce nombre représente près de 4 % de la population. L’organisme a ajouté que le Canada comptait maintenant 6 000 personnes de 100 ans et plus. En 2001, on dénombrait seulement 3 400 centenaires. Le nombre de centenaires pourrait atteindre plus de 17 000 au début de la décennie 2030.