La période de la retraite s’allonge sans cesse. Les Canadiens quittent le travail plus jeune et vivent plus longtemps. Une enquête de Fidelity signale toutefois un revers à la médaille : nous sommes financièrement mal préparés à ces années supplémentaires de retraite.L’Indice de la retraite de Fidelity Investments Canada a jeté une douche froide sur les espoirs de plusieurs futurs retraités canadiens. Fort d’une enquête menée auprès de 2000 ménages, ce nouvel indice montre que la plupart des Canadiens ne pourront maintenir leur niveau de vie actuel à la retraite. En fait, leurs économies de retraite leur permettront de remplacer la moitié de leur revenu actuel, tout au plus. C’est insuffisant, clame l’économiste de Fidelity,
Peter Drake. Le vice-président retraite et recherche économique estime qu’un retraité doit plutôt recevoir entre 75 % et 80 % de son revenu antérieur s’il veut maintenir son « style de vie ».
Appelé à dévoiler l’indice de Fidelity lors du Congrès de l’assurance et de l’investissement 2007, il y a exhorté les conseillers à inciter leurs clients à combler cet écart.
L’enquête derrière l’indice démontre d’ailleurs le rôle crucial des conseillers. Dans chaque région et dans chaque groupe d’âge sondé, ceux qui ont un conseiller financier sont mieux préparés à la retraite que les autres. C’est l’élément le plus important que révèle l’indice, a souligné M. Drake.
Retraite hâtive
Il y a vingt ans, l’âge médian de la retraite des Canadiens se situait à 65 ans. Il est maintenant de 61 ans.
L’espérance de vie a elle aussi augmenté. De 1979 à 2007, l’espérance de vie à la naissance s’est accrue de 5,3 ans. L’espérance de vie à l’âge de 65 ans a quant à elle augmenté de 2,6 ans. Les chances qu’un homme de 65 ans atteigne l’âge de 83 ans sont maintenant de 50 %. Celles qu’il vive jusqu’à 89 ans sont de 25 %. Les chances qu’une femme âgée de 65 ans atteigne l’âge de 86 ans sont quant à elles de 50 %. Et celle-ci a 25 % des chances de célébrer son 92e anniversaire. Si on considère ces probabilités sous l’angle du couple, les chances que l’un des conjoints vive jusqu’à l’âge de 90 ans sont de 50 %.
Selon M. Drake, la situation démographique actuelle va au-delà des calculs de probabilités. Les faits sont là. Plus de dix millions de Canadiens atteindront l’âge de la retraite pendant les deux prochaines décennies. Auront-ils épargné assez d’argent pour disposer d’un revenu convenable durant 25 ou 30 ans? Nombre de Canadiens ne se sont peut-être pas encore posé cette question cruciale.
Les tendances démographiques engendrent une situation nouvelle que les clients des conseillers comprennent souvent difficilement, observe M. Drake. « Pour la plupart des gens, réfléchir à la longévité est ennuyeux comme la pluie. Les seules personnes que la longévité captive sont les démographes, et ils sont peu nombreux. »
En vertu d’une espérance de vie allongée, nombre de gens pourraient choisir une semi-retraite plutôt qu’une retraite occupée uniquement par les loisirs.
D’autres pourraient regagner le marché du travail parce qu’ils sont las du mode de vie « GJ » (golf et jardinage, en Anglais G2 Lifestyle pour golf and gardening). Ils pourraient aussi être pressés par leur conjoint d’y retourner, parce qu’il ne peut plus les endurer, blague M. Drake.
Enfin, certains pourraient poursuivre le travail à la demande de leur employeur. M. Drake invoque en ce sens la pénurie de main-d’œuvre qui se profile au Canada. Elle inquiète bien des employeurs. Le nombre de jeunes Canadiens qui entrent sur le marché de l’emploi croît plus lentement, rappelle Peter Drake. En conséquence, la demande pour le maintien des personnes plus âgées au sein de la main-d’œuvre ira en augmentant, prévoit-il.
En matière de planification de la retraite, l’amélioration de l’espérance de vie a de bons et de mauvais côtés. Si les personnes âgées continuent de travailler et d’économiser, les conseillers en placements feront de bonnes affaires. Le danger, c’est que si le travail à la retraite devient monnaie courante, la motivation à épargner pourrait diminuer chez ces travailleurs âgés. « Vous aurez des clients réticents à investir pour leur retraite. »
Dans une autre enquête récemment menée par Fidelity, 63 % des répondants ont dit avoir pris leur retraite plus tôt que prévu. Pourquoi une retraite anticipée chez la majorité des participants? L’étude révèle qu’ils y ont été forcés pour trois principales raisons : mauvaise santé; réduction de l’effectif chez leur employeur; manque d’enthousiasme envers leur emploi.
Avec tous ces facteurs souvent imprévisibles, M. Drake exhorte les conseillers à persuader leurs clients de se préparer à une très longue retraite, et de n’écarter aucune option.
En guise de préparation, le conseiller pourrait amener ses clients à s’exposer davantage aux marchés boursiers. Les actions ont des cours plus volatils que les obligations ou les certificats de placement garantis. Elles offrent toutefois une perspective de rendements plus élevés.
Mais convaincre les clients de s’exposer davantage au risque pour en retirer des bénéfices à plus long terme n’est pas gagné d’avance. « Nombre de clients n’ont toujours pas compris que nous vivons une époque de faibles taux d’intérêt qui a toutes les chances de durer », souligne M. Drake. Selon lui, trop d’épargnants vivent dans le passé. « Beaucoup se rappellent les taux d’intérêt des obligations d’épargne du Canada de 19%, en 1981. Cette époque est révolue. Les clients doivent en prendre leur parti. »
M. Drake prévient aussi que la détermination de la Banque du Canada à contenir l’inflation n’est pas une panacée. Sur une période de 25 ans, une croissance de l’indice des prix à la consommation de seulement 2 % par an suffirait à gruger 40 % du pouvoir d’achat d’un retraité.