Les conditions du marché ont forcé au moins deux joueurs actifs dans le marché des prêts destinés à l’investissement à réduire leurs options, alors que d’autres ont ajusté leurs taux. AGF Trust a annoncé qu'elle n'accepte plus de demandes pour les prêts REÉR. Cette ligne de conduite est entrée en vigueur le 8 novembre. La compagnie a aussi affirmé qu'elle n'accepte plus les demandes pour ses produits de prêt à 100 % sans marge.
« Tout le secteur des services financiers a été affecté par la volatilité des marchés mondiaux et le resserrement du crédit et AGF Trust n'est pas à l'abri de ces perturbations. Dû à la conjoncture économique actuelle et afin de continuer à gérer notre firme de façon prudente, nous avons coupé certaines initiatives », a affirmé au Journal de l'assurance Lucy Becker, vice-présidente aux communications chez Fonds AGF.
La compagnie ajoute toutefois qu'elle continue d'offrir des options de prêt pour investissement aux conseillers et aux planificateurs financiers, tel que le prêt « jusqu'à 3-pour-1 ».
TD Canada Trust a aussi réduit ses options. Le Journal de l'assurance a obtenu copie d'un avis envoyé aux conseillers d'Empire Vie concernant ces changements. TD Canada Trust y inscrit qu'elle n'offre plus le financement à 100 % pour investissement. « Le prêt à 100 % et le prêt à 100 % sans appel de marge seront retirés de notre gamme de produits. Les prêts à 100 % existants demeureront en place, mais ne pourront pas être augmentés », dit la compagnie.
TD Canada Trust continue d'offrir le prêt 1-pour-1 sans appel de marge, le prêt 2-pour-1 et le prêt 3-pour-1 sans appel de marge. L'institution a toutefois éliminé le rabais sur le taux pour les prêts au montant plus élevé. Elle a aussi changé les taux d'intérêt au taux préférentiel TD plus 1 %.
« L'état actuel des marchés, jumelé à la volatilité qui pourrait durer pour une période inconnue, nous a obligés à revoir et à changer notre programme de prêts pour investissement. De plus, compte tenu de la compression extrême des marges qui pourrait aussi durer, nous modifions nos taux et changeons notre structure de taux », explique TD Canada Trust.
Dans un courriel envoyé au Journal de l'assurance, Kelly Hechler, porte-parole pour le Groupe financier TD, dit que ces changements s'appliquent aussi à tous les courtiers en valeur mobilières et non seulement à Empire. « Nous avons apporté des changements à nos programmes de prêt à l'investissement afin de mieux gérer le risque », dit-elle. Mme Hechler ajoute que la compagnie ne spéculera pas sur d'éventuels changements à venir.
Chris Chard, vice-président régional, distribution aux particuliers, Ontario, pour Empire Vie, dit que sa compagnie a des ententes de prêt à l'investissement avec TD Canada Trust, AGF Trust et B2B Trust pour ses fonds distincts.
Selon M. Chard, AGF Trust a toujours été le principal fournisseur de l'assureur en ce qui a trait aux prêts REÉR. Bien qu'il ne prévoie pas de problèmes pour les conseillers à la suite de ces changements, il dit que « lorsqu'un programme est réduit ou éliminé, c'est moins pratique ».
Interrogé en novembre, M. Chard disait que les conseillers ne semblaient pas s'inquiéter outre mesure de la tournure des événements. Mais si cette tendance se poursuit et qu'il devient plus difficile pour les investisseurs d'emprunter, il pourrait y avoir des conséquences pour les conseillers, a-t-il ajouté.
« Plus les conseillers ont d'outils disponibles pour servir leurs clients, mieux c'est. Les prêts leviers peuvent être un très bon outil. Si vous enlevez des outils aux conseillers, ça réduit leur efficacité à apporter des solutions à leurs clients », dit M. Chard.
Il a ensuite ajouté que le prêt à 100 % pour lequel le nantissement n'est pas nécessaire continue d'être un produit populaire. Pour Empire Vie, le total des cotisations REÉR provenant de prêts REÉR représente « un pourcentage relativement faible pour nous, soit moins de 10 % », dit-il.
D'autres joueurs continuent pourtant d'offrir les prêts à 100 %, même si la tendance des taux sur ces prêts est à la hausse. La Banque Manuvie a récemment envoyé un avis aux conseillers disant : « alors que d'autres firmes n'offrent plus les prêts pour investissement et pour REÉR à 100 %, nous sommes toujours engagés à offrir ces produits à vos clients. Toutefois, nous avons cru nécessaire d'ajuster les taux ».
Tom Nunn, assistant vice-président, relations avec les médias à la Financière Manuvie, dit que la compagnie demeure présente dans ce marché parce que « la Banque Manuvie est engagée envers ses conseillers et que ces produits sont importants pour eux ».
La Banque Manuvie a augmenté les taux de ses prêts à l'investissement par 100 points de base (100 points de base égale 1 %) et ses prêts REÉR par 175 points de base. « Bien que la Banque du Canada ait réduit son taux, le coût d'accumulation des dépôts dans la présente conjoncture est demeuré très élevé. C'est donc nécessaire d'augmenter la tarification pour soutenir la rentabilité », dit-il en explication aux taux plus élevés.
François Desjardins, PDG de B2B Trust, confirme que B2B Trust continue d'offrir les prêts à 100 % pour l'investissement et pour les REÉR. « Nos conseillers se fient sur nous pour offrir une gamme complète de produits d'investissement, ce qui inclut les prêts pour l'investissement et pour les RÉER ». Comme Manuvie, B2B a aussi récemment augmenté ses taux sur ce type de prêts.
Demande de crédit
M. Desjardins ajoute que malgré la conjoncture économique, il s'attend à ce que la demande pour les prêts à l'investissement se porte bien durant la prochaine saison REÉR. « Les conditions du marché ont clairement affecté le secteur des prêts destinés à l'investissement. Nous avons remarqué que malgré la récente hausse de taux, la demande pour les prêts à l'investissement reste soutenue. Nous voyons la situation d'un bon œil pour le début de la saison REÉR 2009 », dit-il.
Pour sa part, Tom Nunn, de Manuvie, dit que « même avec une structure de taux plus élevés, nos taux réels sur les prêts REÉR sont très similaires à ceux de l'an dernier. Pour ce qui est des prêts à l'investissement, ils sont plus bas maintenant qu'à la même période l'an dernier. Ces prêts sont donc encore très abordables pour les clients. De plus, ça dépend du niveau de confort des clients à investir dans ces marchés. De façon générale, nous nous attendons à un volume de prêt similaire à la dernière saison REÉR ».
De son côté, Dan Hallett, président de Dan Hallett and Associates, une firme de recherche en investissement, ne croit pas que les taux plus élevés auront un effet significatif sur les prêts REÉR. Selon lui, étant donné que ce sont des prêts à court terme, payer un pourcent de plus en intérêt ne fera pas une grande différence pour le client. Toutefois, il ne prédit pas que tout restera tel quel dans le marché des prêts destinés à l'investissement. « Je crois que le défi, en ce moment, est de convaincre les gens d'investir tout court. Les convaincre d'emprunter pour investir sera encore plus difficile », croit-il.