Les fonds à date cible, aussi connus sous l'appellation fonds cycle de vie, représentent une nouvelle famille de fonds équilibrés qui peuvent s'avérer intéressants pour les investisseurs prudents et pour ceux dont le portefeuille a été malmené par les marchés baissiers.Offerts au Canada depuis moins de dix ans, ces produits mettent l'accent sur la préservation du capital. La majorité d'entre eux sont des fonds communs de placement, bien que certaines compagnies offrent des versions en fonds distincts au marché individuel. Leurs dates d'échéance sont déterminées pour correspondre à des objectifs importants dans la vie des investisseurs, par exemple la retraite ou l'année où un enfant doit entrer à l'université.

Au cours de la durée du fonds, la répartition de l'actif devient graduellement plus conservatrice. Certains investisseurs ne conserveront finalement qu'une petite quantité d'actions dans leur portefeuille, tandis que d'autres ne détiendront que des placements en titres à revenu fixe ou en liquidités.

« Leurs ventes fluctuent selon le marché, dit Eric Frape, vice-président principal, produits et expansion des affaires chez IA Clarington Investments. Ils ont toutefois connu une remontée indiscutable après l'effondrement du marché en 2008. Cela n'a pas été une surprise, parce qu'il s'agit d'un produit pour les investisseurs peu tolérants au risque. »

Selon Investors Economics, dans le marché individuel, une somme de 4,45 milliards de dollars (G$) était investie dans les fonds à date cible au 30 juin 2010, une hausse de 5,3 % par rapport aux 4,2 G$ investis au 31 décembre 2009. Au 30 juin 2009, 3,96 G$ étaient investis dans les fonds à date cible. Fin juin 2006, les actifs des fonds à date cible n'étaient que de 960 millions de dollars (M$).

Le leader actuel dans le marché est Fidelity Investments Canada, dont les actifs des fonds à date cible s'élevaient à 1,4 G$ au 30 juin 2010. La société offre des fonds à date cible sous la forme de fonds communs de placement. On retrouve ces fonds dans l'industrie de l'assurance sous forme de fonds distincts.

Carlos Cardone, conseiller principal chez Investor Economics, a noté que les fonds à date cible ont relativement bien surmonté le recul du marché de 2008. « Au milieu de 2008, les fonds à date cible canadiens avaient un actif de 3,5 G$. À la fin de 2008, ce chiffre demeurait stable, tandis que le recul de l'ensemble des fonds communs de placement totalisait 18 % au second semestre de 2008 », dit-il.

Les frais de gestion des fonds à date cible sont comparables à ceux des autres fonds équilibrés, dit Rudy Luukko, rédacteur, investissements et finances personnelles, chez Morningstar Canada. Généralement, le ratio de frais de gestion des fonds équilibrés conventionnels n'ayant pas de dates cibles a tendance à être constant pendant la durée du fonds. Pour sa part, le ratio de frais de gestion des fonds à date cible diminue à mesure que le fonds approche son échéance, compte tenu que les composantes en actions décroissent au cours des dernières années.

« La réduction du ratio de frais de gestion est l'une des caractéristiques positives du produit. Il convient probablement davantage aux petits investisseurs. Les fonds à date cible sont des produits uniformisés. Les investisseurs bien nantis chercheront plutôt à personnaliser leurs portefeuilles », dit M. Luukko.

Un produit critiqué
Cette uniformité s'avère l'un des inconvénients du produit. Les critiques disent que les fonds à date cible ne tiennent pas compte des objectifs personnels de l'investisseur, de sa situation fiscale, de ses besoins de planification successorale et de son niveau de tolérance au risque.

« Les fonds à date cible offrent aux investisseurs une répartition de l'actif établie selon un horizon de placement déterminé, sans égard à l'appariement du passif et à d'autres variables importantes qui devraient influencer la
répartition de l'actif », dit Dan Hallett de Dan Hallett & Associates, une société établie à Windsor, en Ontario. « Chaque fois que l'on prend un raccourci, qu'on adopte une solution facile, il y a un prix à payer, qu'il soit direct ou qu'il prenne la forme d'occasions perdues », ajoute-t-il.

Certains fonds à date cible offrent aux investisseurs une garantie de la valeur la plus élevée que le fonds atteint. Un conseiller devra vérifier la solvabilité de la compagnie adossant la garantie, dit M. Luukko. « Une garantie n'est jamais meilleure que l'est son garant », fait-il remarquer.

Toutefois, aussi valables que ces garanties puissent sembler, M. Hallett maintient qu'elles « empirent un produit médiocre. » C'est que la plupart des fonds à date cible qui offrent des garanties sont structurés de façon telle qu'advenant des marchés volatils, leurs actions sont vendues et leurs actifs sont immobilisés dans des placements à revenu fixe en vue de couvrir les garanties promises. Par conséquent, les investisseurs ne pourront profiter d'un éventuel redressement du marché.

« Il serait plus logique de rééquilibrer de façon à améliorer le potentiel de récupération et de stimuler le rendement à long terme », a expliqué M. Hallett. « En ne rééquilibrant pas - ou pire : en monétisant ou en convertissant tout en liquidité ou en obligations - protéger l'investisseur devient secondaire comparativement à protéger le capital garanti par le garant. Si vous avez une répartition d'actif optimale dans votre portefeuille, vous n'avez pas besoin d'une garantie », dit M. Hallett.

Mark Stewart, directeur du développement des produits chez BMO Investissement, dit que les fonds à date cible Étape Plus de sa société sont transformés graduellement en titres à revenu fixe uniquement lors de marchés volatils.

« C'est seulement dans l'éventualité d'une date cible relativement rapprochée et d'un marché volatil qu'un fonds sera entièrement transformé en titres à revenu fixe. Toutefois, il est possible qu'un fonds ayant une échéance en 2022 puisse être transformé en titres à revenu fixe entre maintenant et sa date cible. Si cela se produisait, ajoute M. Stewart, l'investisseur pourrait utiliser les actifs en guise de tranche de titres à revenu fixe de son portefeuille ou il pourrait retirer son argent.

Les Fonds Étape Plus de BMO sont présentement les deuxièmes au Canada quant aux actifs des fonds vendus aux particuliers, avec plus de 1,1 G$ d'actifs à la fin de 2010.

Carlos Cardone, d'Investors Economics, a noté que les Fonds Clic Objectif IA Clarington, lesquels utilisent un programme de négociation de produits dérivés pour contrer le risque de baisse, s'avèrent des produits qui n'éliminent pas complètement le risque pour protéger leur garantie.

« Nous investissons une partie du montant garanti dans des actifs de qualité supérieure sans risque, soit des obligations coupons détachés du gouvernement, confirme Eric Frape de IA Clarington. Ensuite nous investissons la moitié du solde du fonds dans un fonds de placement en actions mondiales qui achète des contrats à terme issus d'indices internationaux et nous gardons l'autre moitié dans une réserve de liquidités. Une fois par année, nous rééquilibrons les liquidités et les actions. Si les actions ont rapporté, nous mettrons plus en liquidités et vice versa. Cette répartition d'actif nous assure de pouvoir conserver notre pondération dans un marché qui se redresse. »

Parce que les fonds à date cible représentent pour l'investisseur un risque minime ou inexistant à la date cible, leurs critiques les blâment de ne pas tenir compte des différents niveaux de tolérance au risque. « Tous les investisseurs, même s'ils visent la même date cible, ne présentent pas la même aversion pour le risque », précise M. Cardone.

« Un investisseur peut penser qu'il devrait mettre moins l'accent sur les actions à mesure qu'il approche de la retraite, ajoute Rudy Luukko, de Morningstar Canada, mais le conseiller devrait discuter avec lui à savoir si c'est une décision sensée dans sa situation. Son argent durera-t-il encore 20 ou 30 ans? Désire-t-il laisser un héritage considérable? »

Toutefois, Mark Stewart précise que les Fonds Étape Plus de BMO sont conçus pour être seulement une partie du portefeuille diversifié d'un investisseur. « Un conseiller peut ajouter plus d'actions au portefeuille d'un investisseur audacieux ». dit le directeur du développement des produits de BMO Investissement.

Gestion d'actifs Scotia a conçu un produit qui tient compte de la tolérance au risque de l'investisseur. « La planification financière s'étend au-delà du fonds à date cible et de la retraite », précise Neil Macdonald, directeur général, développement des produits, supervision et communication de l'entreprise établie à Toronto. Pour générer un niveau approprié de revenu, le portefeuille doit comprendre certains éléments de risque. »

Les huit portefeuilles Scotia Vision ont présentement des dates d'échéance en 2010, 2015, 2020 et 2030 et comportent tous une option prudente et une option plus audacieuse pour chacune des dates cibles. « À la date cible, les investisseurs des portefeuilles Vision possèdent un portefeuille qui est placé à 70 % en titres à revenu fixe et à 30 % en actions. »

Pour répondre aux besoins au-delà de la date cible, la société développe présentement un produit de revenu perpétuel qui, selon M. Macdonald, générera un revenu stable et prévisible et qui comportera peu de risque pour le capital. II sera disponible à l'échéance du fonds le 31 décembre 2010.

Fonds distincts
En juin dernier, la part du lion des actifs de fonds à date cible dans le marché individuel se situait dans les produits de fonds communs de placement. Investor Economics indiquait que seulement 0,5 % des actifs totaux étaient investis dans des fonds distincts.

À l'instar de leur vis-à-vis en fonds communs de placement, les fonds à date cible deviennent graduellement plus conservateurs. Ils peuvent aussi servir de protection des actifs contre des créanciers potentiels; ils offrent la possibilité de nommer un bénéficiaire et le capital-décès garanti de tous les fonds distincts.

« Ils peuvent intéresser les propriétaires d'entreprise qui veulent une protection contre les créanciers et les investisseurs qui ont des actifs non enregistrés parce que ces actifs éviteront la succession au moyen de la désignation d'un bénéficiaire nommé, souligne Dan Hallett. Et le capital-décès garanti donnerait au bénéficiaire la valeur nette du dépôt de l'investisseur advenant un effondrement du marché. »

Carlos Cardone note pour sa part que ces caractéristiques d'assurance augmentent le cout des fonds distincts à date cible, dont les frais sont supérieurs à ceux des fonds communs de placement à date cible.