Trop de participants dans les régimes à cotisation déterminée laissent dormir leur argent dans l’option de placement par défaut. Pour contrer cette inertie qui risque de mettre ces futurs retraités dans l’eau chaude, les promoteurs de régime remplaceront de plus en plus ces options par des fonds équilibrés.Voilà ce que le sondage annuel de la firme en gestion d’avantages sociaux Mercer révèle. Cette enquête répertorie l’avis de 54 gestionnaires institutionnels. Le conseiller principal en gestion de placement, Jean-François Girard croit que cette tendance touchera particulièrement les régimes à cotisation déterminée en 2008. Dans ces régimes, les participants effectuent leur propre choix de placement. En général, l’option par défaut de base des régimes à cotisation déterminée se limite à un fonds du marché monétaire qui n’offre que peu de rendement.

Pour s’assurer d’être conformes aux lignes directrices du Forum conjoint des autorités de réglementation du marché financier, les promoteurs n’auront pas le choix d’agir. Selon ces lignes, les options de placement offertes au sein d’un régime doivent être suffisamment diversifiées pour répondre aux besoins des participants selon leur profil d’investisseur.

Compte tenu de ce contexte, les promoteurs de régimes à cotisation déterminée risquent donc de changer leurs options par défaut traditionnelles par des fonds équilibrés ou encore des fonds de portefeuille ou des fonds cycle de vie, croit M. Girard.

Le problème est réel selon Mercer. « Des études globales et les propres statistiques des promoteurs nous démontrent qu’une grande proportion des participants aux régimes à cotisation déterminée sont désengagés, mal diversifiés ou investis principalement dans l’option de placement par défaut », révèle M. Girard.

Dans l’industrie de l’assurance, plusieurs compagnies offrant des régimes de retraite en sont conscientes. Standard Life, un fournisseur de tels régimes, qui compte environ 600 000 participants au Canada, se targue de n’avoir que 4% de ses participants dans l’option par défaut. La compagnie a toutefois dû développer nombre d’outils spécialisés et de portefeuilles prédéterminés pour arriver à ce résultat.

Dans l’industrie, la moyenne est moins bonne, soutient Anthony J. Cardone. Le premier vice-président, régimes d’épargne et de retraite collectifs chez Standard Life, estime que jusqu’à 25% des participants laissent leur contribution dans l’option de placement par défaut dans l’ensemble de l’industrie.

Financière Sun Life en sait quelque chose. En 2006, elle a mis en place un programme de communication ciblée au sein du régime à cotisation déterminée d’AstraZeneca en Ontario, aux prises avec ce problème. Au fils des ans, le régime de 1 400 participants avait vu une large part de ses participants détenir plus de 30% de leur actif de retraite dans l’option par défaut, un fonds du marché monétaire.

Sun Life a donc posté des messages adaptés à chaque participant, relate Louise Ouellette, vice-présidente régionale, Est du Canada, régimes collectifs chez Sun Life. Dès le premier mois, 9,7% des participants avaient déplacé des actifs de ce fonds, pour un montant d’un million$. Le deuxième mois, 10,4% des participants agissaient à leur tour. Au bout de quatre mois, plus de 25% des participants avaient pris une autre décision de placement.Sun Life est parvenu à étendre le programme

Mon Argent, qui permet ce genre de communication personnalisée, à presque tous ses régimes, indique Mme Ouellette.

Pour Patrice Hébert, directeur régional, développement des affaires compte nationaux, région de l’Est, régimes collectifs de retraite chez Sun Life, la communication ciblée est l’avenir dans de tels régimes. « Des communications pourront s’adresser précisément au groupe des participants de 30 ans avec moins de 30% en actions, ou alors au groupe des 50 ans avec plus de 70% en actions. « Cette approche a de plus le mérite de réduire les coûts car elle réduit le nombre de participants à contacter », ajoute M. Hébert.

Toutefois, diversification ne veut pas dire fouillis, tranche Jean-Daniel Côté, responsable national du secteur des régimes de capitalisation chez Morneau Sobeco.

Moins c’est mieux

S’il est de bon ton de tout faire pour sortir les participants de leur option par défaut du marché monétaire, M. Côté croit qu’un bon régime est celui qui a moins d’options de placement parce que le promoteur s’est donné la peine de faire du « débroussaillage ».

En effet, dit-il, l’inertie de plusieurs participants n’est pas le seul problème des promoteurs. De l’autre côté, il y a ces participants qui prennent trop de risques.

« Nous avons fait des études qui démontrent qu’en moyenne, le participant dans des fonds prédéterminés ou équilibrés fera beaucoup mieux que le participant qui crée lui-même son portefeuille. Si trop d’options sont offertes, le participant y perd son latin et il finit par faire n’importe quoi. Il vend quand le marché s’écrase et il rachète au sommet. »

Les plus dangereux pour eux-mêmes, ironise M. Côté, sont « ceux qui se croient bien bons ». Il identifie principalement à cette catégorie des hommes instruits, souvent des professionnels (comptables, avocats, ingénieurs…). « Quelqu’un qui transige fréquemment se trompe souvent. Il est tributaire des réactions humaines, par exemple, celle de paniquer devant le marché volatil du début d’année. »

Quelles qu’elles soient, les options de placements constitués de portefeuilles prédéterminés (diversifiés selon le profil de risque) sont cruciales pour l’atteinte des objectifs du participant, affirme par ailleurs M. Cardone.

Il cite en ce sens une étude menée par John Hancock Retirement Plan Services aux États-Unis. Celle-ci tient compte des résultats obtenus par les participants aux régimes de John Hancock, pour une période de 2002 à 2006. Elle conclut que 81 % des participants à un programme « à la carte » auraient obtenu de meilleurs résultats s’ils avaient choisi un programme d’investissement diversifié correspondant au niveau de risque établi.

Selon Tony Ioanna, vice-président, régimes d’accumulation de capital chez AON, il est bien beau de prendre une décision de placement au départ, mais le vrai défi consiste à maintenir l’intérêt du participant à plus long terme. « Une fois qu’il a décidé d’une répartition d’actif grâce au questionnaire de profil, il oublie généralement de le refaire chaque année. Cinq ans plus tard, le participant a accumulé des actifs et les pondérations ont sûrement changé. Il faut rééquilibrer », prévient M. Ioanna.

Or, les fonds cycle de vie sont de plus en plus populaires chez AON, révèle M. Ioanna. « Les comités de retraite recherchent ce genre d’outil. » Pour M. Ioanna, la majorité de participants utiliseront les outils qui leur sont offerts pour valider leur décision de placement. Et la communication ciblée aux participants lui semble le moyen le plus sûr de les faire connaître.