Les frais des fonds communs canadiens ne sont pas plus élevés qu’ailleurs dans le monde. Ils sont même inférieurs dans certains cas. C’est la conclusion à laquelle en est venue l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC) dans une étude qui vient s’opposer à toutes celles qui prétendent le contraire.Dans son étude intitulée Comprendre les frais de gestion, l’IFIC s’insurge contre le point de vue véhiculé par les autres études au cours des dernières années. Elle écorche notamment celle de Morningstar, dont la dernière édition accorde une note de « F » (soit la pire) aux frais de gestion des fonds communs de placement canadiens. Pour plusieurs catégories de fonds, ils seraient les plus élevés d’un échantillon de 22 pays.

L’étude de Morningstar démontre un net avantage des fonds américains sur les fonds canadiens, selon la médiane des frais observés (la médiane est une donnée qui se trouve à mi-chemin entre la plus élevée et la moins élevée des données d’un échantillon). L’étude rapporte que la médiane des fonds à revenu fixe est de 1,31 % au Canada et de 0,75 % aux États-Unis. Pour les fonds d’actions, la médiane canadienne atteint 2,31 % contre 0,94 % aux États-Unis. Pour les fonds du marché monétaire, elle est de 0,80 % au Canada et de 0,47 % aux États-Unis.

Une autre étude, intitulée Mutual Fund Fees Around the World, dépeignait le Canada comme l’endroit où les investisseurs paient les frais de gestion les plus élevés au monde. En se fondant sur des travaux effectués en 2002, trois chercheurs de la Harvard Business School, de la London Business School et du Georgia Institute avaient conclu que les investisseurs canadiens payaient des frais de gestion de 2,68 % par année en moyenne alors que les investisseurs américains payaient plutôt une moyenne de 1,42 % pour leurs fonds communs.

L’Institut reproche à ces études d’occulter les différences qui caractérisent le marché canadien des fonds par rapport à d’autres marchés comme celui des États-Unis. Les commissions de suivi ou frais de service constituent son argument massue. L’IFIC rappelle que les fonds canadiens incluent dans leur ratio des frais de gestion cette portion qui représente la rémunération du conseiller. Aux États-Unis, ces frais sont perçus à part.

Ainsi, les chiffres que présente l’Institut dans son étude se rapprochent de ceux observés par les autres études. Toutefois, ils revoient à la hausse les frais des fonds américains et internationaux. La médiane du ratio des frais de gestion d’un fonds d’actions canadiennes s’établit à 2,23 % selon l’IFIC. Pour un fonds d’actions international, cette médiane est de 2,45 %. « Lorsque des comparaisons de couts sont réalisées correctement, en comparant des offres de services similaires, il a été démontré que les fonds communs de placement et le conseil individuel qui les accompagne offrent une bonne valeur aux Canadiens en comparaison d’autres instruments d’épargne et des fonds vendus dans d’autres pays », peut-on lire dans l’étude de l’IFIC.

De plus, les frais d’entrée seraient en effet négociables au Canada, mais pas aux États-Unis. « L’investisseur américain en fonds communs de placement achetant moins de 100 000 $ de valeur de placements paiera en réalité une commission d’ouverture de l’ordre de 4 % à 6 %. Au Canada, selon la société d’investissement sondée, entre 90 % et 95 % des nouvelles acquisitions de placements bénéficient de commissions d’ouverture négociées de 0 %. Pour les investisseurs qui paient réellement une commission, son montant est généralement de 2 % ou moins », indique l’étude.

Le fisc se met de la partie pour déformer les comparaisons, soulève également l’IFIC. « Le Canada est l’un des seuls pays qui taxent pleinement les services fournis par les fonds communs de placement, les frais de gestion et d’administration, par le biais de l’application de la taxe sur les produits et services (TPS) et la taxe de vente harmonisée (TVH). » L’étude souligne que les taxes varient selon la province de résidence de l’investisseur.

L’Institut dresse un portrait de ce cout additionnel. « Pour un fonds bénéficiant d’une commission de 2 % pour frais de gestion et de 0,02 % pour couts d’exploitation, cela rajoute encore 11 points de base (soit 5 %) à 29 points de base (13 %) au ratio de frais de gestion total, selon la province considérée. »

La transparence nuit au Canada

En entrevue au Journal de l’assurance, Jon Cockerline, directeur recherche et politique à l’IFIC, qualifie de superficielles les conclusions des études dénonçant les frais de gestion canadiens. « L’industrie canadienne des fonds communs est pénalisée par ces études parce qu’elle se montre très transparente sur sa structure de frais », dit-il.

Effet de la transparence, il est possible de voir à même le ratio des frais de gestion combien on paie pour les services d’un conseiller. « Les fonds communs donne accès à des conseils que l’investisseur devrait autrement payer », dit M. Cockerline. Selon lui, la majorité des fonds communs actuellement sous gestion au Canada sont utilisés dans le cadre de REER ou de fonds enregistrés de revenu de retraites (FERR). Or, cette clientèle a besoin de conseils, croit-il.

Si certains régimes offrent des frais moins élevés, ils offrent aussi moins de services, ajoute-t-il. C’est le cas des régimes de retraite collectif à cotisations déterminées, où les fonds communs bénéficient de frais réduits. Autre exemple, les fonds négociés en bourse se transigent à très peu de frais, mais comprennent zéro conseil.

Pourtant, certaines choses seraient bonnes à savoir sur les fonds négociés en bourse, notamment que 80 % d’entre eux ne réussissent pas à suivre correctement leur indice de référence, soutient M. Cockerline en se basant sur une autre étude de l’IFIC publiée en juillet, qui compare les performances de l’investissement actif avec ceux de l’investissement passif. Des détails sont trop fréquemment oubliés, précise M. Cockerline. Les fonds américains imposent un frais d’acquisition non négociable, en moyenne de 5 %. Chez les fonds canadiens, ces frais sont réduits voire éliminés dans plus de 90 % des cas, après entente entre le conseiller et le client.

Morningstar se défend

Écran de fumée, disent les détracteurs des frais élevés quant aux facteurs « déformants » évoqués par l’IFIC. Directeur de l’analyse des fonds chez Morningstar, David O’Leary a déjà entendu ces arguments. Il se montre d’accord avec le fait que l’inclusion des frais de services dans le ratio canadien constitue une différence essentielle. « Même en tenant compte de cette inclusion, il y a encore un écart de prix qui existe entre les fonds canadiens et américains », dit-il.

M. O’Leary diverge d’opinion avec l’IFIC quant aux autres facteurs. « Les investisseurs paieront la taxe de vente harmonisée, qu’elle soit chargée à l’intérieur ou à l’extérieur du ratio des frais de gestion. On ne peut pas blâmer l’industrie des fonds communs pour la TVH, mais cela n’en coute pas moins cher aux investisseurs. » Le directeur de la recherche note toutefois un virage positif dans l’industrie, qu’il attribue à la pression exercée par le succès des fonds négociés en bourse et l’opinion publique. On voit dans le marché de plus en plus de versions à frais réduits de fonds traditionnels. « Or, ils représentent encore une faible proportion de ce qui est offert sur le marché », déplore M. O’Leary.

Ce dernier n’achète d’ailleurs pas entièrement l’argument de l’IFIC quant aux conseils. Il croit que plusieurs investisseurs paient inutilement pour ce volet.

« Certains fonds, par exemple chez TD Waterhouse, maintiennent la commission de service de 0,5 à 1 %, même si l’investisseur n’a reçu aucun conseil », observe-t-il. Une situation qui ne se présente pas aux États-Unis, ajoute-t-il.