Contrairement aux fonds communs qui ont piqué du nez depuis le début de la crise financière, les fonds distincts connaissent des ventes soutenues. En fait, les fonds des assureurs s’en sortent mieux grâce au sentiment de sécurité qu’inspirent les garanties des fonds distincts et des fonds à garantie de retrait minimum.En 2008, le secteur des fonds communs a presque connu une « grève des ventes » alors que les ventes de fonds distincts se sont maintenues, fait observer Iassen Tonkovski, analyste principal chez Investor Economics, société de recherche et de conseils dans le secteur des services financiers.

En fait, les ventes de fonds distincts ont augmenté de 2,4 % lors de la période de janvier à septembre 2008 comparativement à la même période en 2007. Elles avaient atteint 3,95 milliards $ (G$) pour les neuf premiers mois en 2007 comparativement à un peu plus de 4 G$ pour la même période en 2008 (voir tableau de l’évolution de l’actif et des ventes nettes).

En comparaison, les fonds communs font piètre figure avec des rachats nets de 8,4 milliards G$ en octobre, selon les plus récentes statistiques de l’Institut des fonds d’investissement du Canada.

Les garanties au décès et à l’échéance offertes par les fonds distincts ont un effet rassurant auprès des clients surtout dans le contexte économique actuel marqué par une forte volatilité, explique M. Tonkovski.

Autre facteur : la popularité des fonds distincts à garantie de retrait minimum (GRM). « Ces produits ont représenté plus de 80 % des ventes de fonds distincts depuis le début de l’année », ajoute-t-il. Garantir un revenu exerce un attrait certain sur les investisseurs. « Cette garantie combine rendement et protection du revenu contre les risques de baisse des marchés », précise M. Tonkovski.

Moins de deux ans après son lancement, la gamme de fonds distincts FPG Sélect RevenuPlus a amassé plus de 6 G$, a rapporté la Financière Manuvie en septembre. Malgré la crise des marchés, les ventes de ce produit se sont maintenues en octobre, a affirmé Bob Tillmann, vice-président, marketing et expansion des affaires, gestion de patrimoine privé, chez Manuvie. Chaque mois, ajoute-t-il, de nombreux conseillers vendent ce produit pour la première fois.

Pertes

D’ailleurs, certains assureurs ont perdu des parts de marché aux mains de leurs concurrents qui offrent de tels produits, a révélé M. Tonkovski.

D’autres ont tenu bon, même sans ces produits. Primerica et Empire Vie ont en effet gagné des parts au cours des trois premiers trimestres, sans eux. Le 20 octobre, Empire Vie a toutefois lancé son propre produit à garantie minimum de retrait, Catégorie Plus.

Vice-président, distribution aux particuliers chez Empire Vie, Rick Forchuk, observe que les ventes de fonds distincts ont été inférieures au succès de l’an dernier. Or, compte tenu des défis que pose la volatilité actuellement, M. Forchuk est agréablement surpris des ventes en fonds distincts lors des trois premiers trimestres. En septembre, Empire se classait cinquième dans le marché canadien des fonds distincts, tant en matière d’actifs sous gestion que de ventes nettes.

Dans la foulée de la crise des marchés, les garanties des fonds distincts ont procuré de la tranquillité d’esprit aux clients et aux conseillers qui les ont vendus, ajoute M. Forchuk. « Ces conseillers se sentent plus à l’aise devant leurs clients que ceux qui ont vendu des fonds communs. C’est toujours dans des moments d’adversité que la valeur d’une assurance est appréciée. »

M. Forchuk raconte le cas récent du client d’un conseiller qui a déposé un montant de plus de 100 000 $ dans un fonds distinct. Le client est décédé quelques mois plus tard. « Le bénéficiaire a reçu le plein montant du dépôt original même si le fonds avait enregistré une baisse d’environ 30 % au cours de cette période. »

La volatilité du marché a aussi déclenché des efforts de marketing accrus d’assureurs qui ont saisi l’occasion de sensibiliser davantage les conseillers et le public aux garanties des fonds distincts, selon M. Tonkovski. L’industrie avait manqué cette occasion lorsque la bulle technologique a éclaté en 2001, parce qu’elle était trop occupée à ajuster ses produits aux exigences de capital qui avait été édictées durant cette période.

Tony Bagnato, vice-président, gestion de patrimoine, Compagnie d’assurance-vie RBC, estime que la réceptivité du public aux fonds distincts s’est accrue. De plus, on entend maintenant plus d’explications quant à la valeur des garanties de ce produit.

M. Forchuk croit que les conseillers peuvent pousser cette sensibilisation encore plus loin. Selon lui, la complexité du produit et le peu de promotion auprès du public en masquent encore la valeur ajoutée aux yeux d’investisseurs. Il y a 25 ans, certains assureurs faisaient la promotion des fonds distincts à titre de secret le mieux gardé de l’industrie. Dans une large mesure, c’est encore le cas, ajoute-t-il.

Il s’attend toutefois que l’influence positive de la crise sur les ventes de fonds distincts et l’intérêt du public soient limités dans le temps. « L’attitude du consommateur se fonde davantage sur les émotions que sur la logique. J’oserais avancer que lorsque les marchés entreront dans une période d’expansion et d’optimisme, les mêmes vieilles stratégies à risque élevé seront de retour, autant du côté des clients que du côté des conseillers. »