À la faveur de brevets expirés, l’arrivée de médicaments génériques a contribué à freiner la hausse des couts dans les régimes privés en 2010. Une réforme du prix des génériques amorcée dans quelques provinces la même année a aussi favorisé l’industrie. Les régimes collectifs subissent toutefois une pression devant la montée des médicaments de spécialité.Les dépenses de médicaments continuent d’augmenter, mais à un rythme plus lent. Les deux plus importants fournisseurs de services de remboursement au Canada indiquent un taux de croissance des ventes de médicaments inférieur à celui des années passées.
Telus Solutions en santé comptait 2,9 millions de certificats de paiement direct ou différé au Canada en 2010, dont un peu plus de 700 000 au Québec. L’entreprise a rapporté une hausse du taux de croissance des ventes aux pharmacies au Canada de 1,4?% en 2010 par rapport à 2009. C’est le taux le plus faible depuis plusieurs années, a indiqué Telus lors de sa conférence annuelle tenue ce printemps.
La chute du brevet du médicament contre le cholestérol Lipitor a sauvé les meubles. Ce médicament a été le plus vendu au Canada et au Québec en 2009, selon Telus. Au Québec, la réforme du prix des génériques a entrainé une baisse du prix coutant de 28?%. Pour 2010, le prix moyen d’une ordonnance de génériques était de 21,63 $, a ajouté le fournisseur de services.
Telus croit toutefois que la réduction du cout par ordonnance sera effacée par la hausse des honoraires des pharmaciens, la majoration des prix et l’arrivée de nouveaux médicaments brevetés.
La cohorte des réclamants couteux croît par contre constamment depuis plusieurs années. Les réclamants couteux sont ceux qui revendiquent 10 000?$ et plus par année. Les médicaments biologiques comptent pour une bonne part de leurs réclamations. En 2010, ils ont représenté plus de la moitié des couts chez les réclamants couteux situé dans la frange des 25 000?$ à 99 999?$.
Réclamants peu nombreux
Ces réclamants demeurent toutefois peu nombreux, explique Christine Than, directrice de compte chez Telus. Ils étaient 5 429 au Québec en 2010, soit 0,75?% des certificats émis par le fournisseur de services dans cette province (NDLR?: un certificat peut comprendre tous les membres d’une même famille). Les anti-inflammatoires vedettes comptent pour beaucoup dans les réclamations élevées, a-t-elle ajouté.
Lors de la webdiffusion de son édition 2011 de Tendances en matière de médicaments le 4 mai, ESI Canada a aussi constaté une tendance à la hausse en matière de médicaments. Les dépenses annuelles moyennes en médicaments par demandeur sont passées de 736?$ en 2009 à 757?$ en 2010, pour une croissance de 2,8?%. Une tendance beaucoup moins prononcée que les années précédentes. De 2008 à 2009, la croissance avait été de 5,4?%. La tendance est toutefois plus marquée au Québec, où elle a atteint 5,6?% en 2010, par rapport à 2009, avec un cout moyen par demandeur de 792?$.
La firme de paiement direct arrive à la conclusion que les médicaments de spécialité exercent une pression croissante sur les dépenses des régimes. Le vieillissement de la population compte aussi au nombre des facteurs clés dans la tendance à la hausse.
Les médicaments de spécialité ont représenté 17,5?% du total des dépenses de médicaments en 2010 au Canada, a noté ESI. Parmi eux, les médicaments contre l’arthrite, le psoriasis et le cancer sont les principaux moteurs derrière cette tendance. À elle seule, la polyarthrite rhumatoïde a représenté près de 40?% des dépenses liées aux médicaments de spécialité au Canada en 2010, selon ESI. Le Revlimid, un anticancéreux, coute plus de 100 000?$ par année.
De nouveaux médicaments de spécialité inondent sans cesse le marché et provoquent un engouement immédiat, constate ESI. Le Kuvan, un médicament oral homologué en 2010 pour traiter la phénylcétonurie (insuffisance d’une enzyme du foie), coute 108 000?$ par année. L’intraveineux Ilaris destiné à traiter le syndrome de la cryopyrine, une maladie qui affecte la peau, coute 120 000?$ pour les sept doses à prendre durant l’année. Juste pour le cancer, 87 médicaments sont en voie de commercialisation.
Dans cette foulée, les médicaments traditionnels font souvent place à des médicaments spécialisés. Une tendance qui affecte particulièrement le diabète et la dépression, estime ESI. Selon l’entreprise, le diabète touchera jusqu’à 10,8?% de la population canadienne en 2020. Cette maladie à forte prévalence a vu des médicaments de spécialité croitre en popularité, comme les inhibiteurs et les nouvelles insulines.
Le fournisseur de cartes de paiement estime que les dépenses en médicaments de spécialité pourraient augmenter de 40?% au cours des cinq prochaines années, portant à 25?% leur part des dépenses totales. La consolation?: plusieurs médicaments couteux traitent des maladies très rares. La phénylcétonurie touche une personne sur 12 000, estime l’Association québécoise des maladies métaboliques du Réseau, un organisme sans but lucratif fondé en 2000.
Les médicaments couteux ne sont pas la tempête parfaite, nuance Christine Than, en entrevue au Journal de l’assurance. «Plusieurs molécules couteuses arrivent sur le marché, mais la tendance est moins accentuée qu’elle ne l’a déjà été», dit-elle.
Au début des années 2000, le taux de croissance des ventes aux pharmacies enregistré par Telus avait atteint un sommet de 16,8?%. L’arrivée de médicaments couteux, comme le Vioxx, le Celebrex, le Remicade et l’Enbrel, en avait été la principale responsable.
Mme Than croit qu’il faut encourager les discussions sur l’utilisation des médicaments génériques, entre le pharmacien, l’assureur, ses conseillers et ultimement, le promoteur de régime.
Les promoteurs devront contrôler davantage les dépenses de leurs régimes. Lors de sa conférence sur le Web, ESI a conseillé aux régimes privés de réduire le gaspillage par diverses méthodes. Les régimes gagneront entre autres à établir des réseaux de pharmacie privilégiés par l’établissement d’un plafond des honoraires et des majorations. Ils gagneront aussi à recourir à la carte médicaments à remboursement direct. Cette carte permet un meilleur contrôle au point de vente.
Ils pourront également maximiser le potentiel des génériques en instaurant une gestion des médicaments au moyen de listes à paliers. Il sera bon de veiller à l’observance du traitement et de «gérer» les maladies. Le promoteur de régimes devra aussi gérer les cas liés aux médicaments de spécialité. Leur autorisation préalable avant utilisation et leur intégration à un régime provincial seront aussi un pas dans la bonne direction.
Pour que la tendance croisse au même rythme que celui observé en 2010, il faudra aussi poursuivre les réformes règlementaires entamées dans certaines provinces, et les mettre en œuvre dans d’autres provinces, estime ESI. Il serait bon de retarder l’approbation des nouveaux médicaments de spécialité. Il faudra enfin s’attarder à connaitre les répercussions des nouveaux médicaments génériques.