Selon l'Autorité des marchés financiers, les assureurs ont moins souscrit de polices d'assurance motoneige en 2008 qu'en 2007. Le régulateur attribue cette diminution aux changements climatiques, qui inciteraient les motoneigistes à troquer leur motoneige pour un véhicule tout-terrain (VTT), compte tenu des hivers moins longs.

C'est ce qu'indique l'Autorité dans son Rapport de tarification automobile 2008, rendu public l'été dernier. « En raison notamment des saisons hivernales plus courtes et des quantités de neige au sol généralement moins élevées, il semble y avoir une migration des consommateurs vers l'achat d'un VTT plutôt que d'une motoneige. Le nombre de motoneiges souscrites a diminué de 14 % au cours des 10 dernières années et de 38 % au cours de 2008 par rapport à 2007 », dit le régulateur.

Selon ces chiffres, 122 276 motoneigistes ont fait assurer leur véhicule en 2008, comparativement à 198 664 en 2007. En 2006, 132 797 motoneigistes avaient souscrit une assurance pour leur motoneige.

Michel Brault, président de la Fédération des clubs de motoneigistes du Québec, dit ne pas être en accord avec une telle interprétation. Il cite les données de la Société d'assurance automobile du Québec (SAAQ), qui montrent une hausse du nombre d'adeptes de motoneige depuis dix ans.

« En 2000, plus de 148 000 motoneiges ont été immatriculées. Maintenant, ce sont 169 000 motoneiges qui sont immatriculées au Québec. Il y a donc 20 000 motoneigistes de plus dans la province. La seule baisse de membership que nous avons vue est celle de notre clientèle américaine, touchée par la récession, le taux de change et les nouveaux critères de demande de passeport », dit M. Brault.

Les données de la SAAQ indiquent effectivement une hausse constante du nombre d'adeptes de motoneiges. En 2006, on retrouvait 154 603 véhicules autorisés à circuler sur les sentiers de motoneige du Québec. En 2007, on en retrouvait 161 606, tandis qu'en 2008, on en comptait 168 431.

Yves Watier, directeur principal mise en marché, La Capitale assurances générales et L'Unique assurances générales, affirme ne pas ressentir ce que l'Autorité avance. « On voit une hausse des ventes chez les concessionnaires et le membership des fédérations de motoneige est en hausse. De plus, au Canada, le Québec est la province où les ventes se maintiennent le mieux. Si les ventes et le membership des fédérations sont en hausse, on ne voit pas pourquoi notre volume de primes serait en baisse À La Capitale, c'est un marché qui va bien et qui demeure égal », affirme-t-il.

Quant au succès de la saison de motoneige 2009-2010, tout dépendra des précipitations, dit M. Watier. S'il neige avant la période des Fêtes, la saison sera excellente, sinon, elle sera au ralenti. Quant à la tarification de la prime, M. Watier n'entrevoit pas de hausse ni de baisse.

Patricia St-Jean, première vice-présidente principale, région de l'Est, chez Aviva Canada, dit ne pas avoir observé de tendance crédible montrant que le nombre de motoneiges diminue au profit des VTT. Toutefois, l'assureur a observé que de plus en plus d'adeptes de VTT assurent leur véhicule pour douze mois et non pour une seule saison. Mme St-Jean dit qu'Aviva a connu une bonne saison en ce qui a trait à la motoneige en 2009 et croit que la prime moyenne va demeurer stable.

Un assureur dit toutefois partager le même constat que l'Autorité. Lucie Constantineau, directrice nationale, assurance des particuliers et véhicules récréatifs chez Jevco, souligne que de plus en plus de gens profitent du fait que la saison de VTT s'étire sur douze mois. Ils peuvent donc profiter de leur véhicule récréatif tout au long de l'année, ce qui n'est pas le cas pour la motoneige.

Autre facteur avantageant le VTT, sa prime est moins élevée que celle d'une motoneige. Chez Jevco, la prime moyenne pour une motoneige s'établit à 270 $, contre 225 $ pour un VTT. « Depuis les dernières années, la prime de motoneige est à la hausse, tandis que celle des VTT est stable. S'il y a moins de motoneiges, c'est aussi parce que c'est un marché plus dispendieux. Les motoneigistes roulent vite et il y a plus de collisions. Le vol est aussi un facteur dans ce segment », dit-elle.

Jevco entend augmenter sa prime en vue de la saison 2010. Le montant exact de cette hausse reste à déterminer, mais sera minime, dit Mme Constantineau.

Courtiers optimistes

Daniel Babineau, directeur des ventes, des opérations et du développement du cabinet de courtage J.A. Lemieux et fils, dit que quelques hivers peu neigeux ont éloigné les adeptes de motoneige. Toutefois, les hivers rigoureux des deux dernières années les ont ramenés vers ce sport.

« C'est un marché qui varie beaucoup en fonction de la température. La motoneige est le seul véhicule récréatif qui requiert une température particulière : ça prend de la neige. En plus, le motoneigiste n'en a pas nécessairement à côté de chez lui. Il doit parfois faire 300 kilomètres pour aller dans un sentier, ce qui n'est pas le cas pour les autres véhicules récréatifs », dit-il.

Un autre facteur donne bon espoir à M. Babineau. Il y a très peu de motoneiges en revente présentement. « En ce moment, sur le site d'annonce lespac.com, il y a 14 000 motocyclettes à vendre au Québec et 7 000 VTT. Toutefois, on ne retrouve que 2 000 motoneiges à vendre. C'est peu. De plus, ce n'est pas la saison du VTT qui s'en vient, mais bien celle de la motoneige. C'est ce qui me fait croire que la motoneige a repris sa place au Québec », dit-il.

Côté primes, M. Babineau dit ne pas entrevoir de hausse marquée dans ce marché. L'assureur croit que sa prime moyenne se maintiendra à 210 $. « Les assureurs ne nous ont donné aucun signe disant que la prime allait bouger cet hiver. De plus, ils ne nous ont pas dit qu'ils avaient connu une mauvaise année en 2009. La sinistralité est restée la même, mais il faut comprendre qu'elle est faible quand il y a peu de neige », dit-il.

Pour sa part, Bernard Chagnon, président d'Univesta, croit que ce n'est pas demain la veille que les Québécois vont cesser de faire de la motoneige, puisque ce sport est ancré dans leur sang. « Nous n'avons pas vu de changement majeur du côté du nombre de motoneigistes. Lorsqu'il y a un bel hiver, l'euphorie reprend et les gens achètent plus de motoneiges. Quand l'hiver est plus mauvais, ça peut jouer. C'est toutefois un segment qui est stable depuis plusieurs années », dit-il.

Stabilité

Il note aussi que cette stabilité se reflète du côté de la prime. « Elle est stable depuis cinq ans et est plus abordable qu'il y a dix ans. Je n'entrevois pas de hausse ni de baisse. Les assureurs ont trouvé un niveau de prix acceptable par rapport au niveau de pertes. Je serais surpris de voir un changement de primes cette année », dit-il.

M. Chagnon ajoute que la baisse des primes s'est faite après que les assureurs aient nivelées leurs primes. « Auparavant, c'était comme pour les motos. Les modèles sport étaient tarifés comme des modèles de touring. Petit à petit, certains modèles de motoneiges avaient un maquillage plus sport, avait plus de cylindrées et attiraient des conducteurs plus agressifs. Maintenant, pour les motoneiges sport, plusieurs ne les assurent plus vu le prix demandé », dit-il.