Les économistes font consensus sur une chose : les taux d’intérêt à long terme demeureront bas pour les deux prochaines années. Les temps sont durs pour les produits d’assurance dotés de garanties à long terme.
Sous pression, des produits disparaissent… voire des fournisseurs. Avant les Fêtes, Standard Life Canada s’est retiré de l’assurance individuelle. Après les Fêtes, Transamerica Vie Canada a retiré son produit à garanties de retraits Cinq À Vie.

Les hausses de prix se succèdent. Équitable Vie a effectué la sienne le 4 janvier. Elle affecte le cout nivelé d’assurance vie universelle des produits Équation Génération IV et ÉquiVie à paiements limités. La hausse moyenne atteindra respectivement 10 % et 9 % pour chacun des produits.

Chez Canada-Vie, la hausse survenue le 13 février va plus loin. En plus des produits universels, elle affecte aussi le cout nivelé de l’assurance maladies graves.

En ce qui touche la vie universelle Millenium, son cout nivelé augmente en moyenne de 8 % et le cout du paiement limité de 6 %. Plus marquée chez les 20 à 50 ans, la hausse moyenne atteint 13 % pour le cout nivelé et 11 % pour le paiement limité. L’option à intérêt 5 ans voit son taux garanti ramené de 2 % à 1,5 %, et celle de 10 ans de 2,5 % à 2 %.

En maladies graves, les 20 à 50 ans paieront en moyenne 8 % plus cher la version T100 du produit PrioritéVie. Cette hausse moyenne atteindra 11,5 % pour la version T75 payable à 65 ans, 9 % pour la version T75 et 13,5 % pour la version permanente payable en 15 ans.

De son côté, Empire Vie prévoyait encore monter les prix du cout nivelé de ses produits de vie universelle et vie entière sans participations Solution 100 et Solution 20 paiements. Elle plaçait son échéancier à la deuxième moitié du mois de février.

RBC Assurances envoyait fin janvier un avertissement à ses conseillers quant à une hausse prochaine du cout nivelé d’assurance. Elle en a profité pour rappeler que Vie universelle RBC offre encore 3,5 % de rendement garanti sur son option d’investissement à revenu fixe 10 ans. D’autres assureurs ont déjà pris d’assaut cette garantie, couteuse en situation de bas taux d’intérêt.

La Financière Manuvie vient quant à elle de modifier son produit de vie entière sans participations Performax Or. À première vue, que de bonnes nouvelles. La commission de première année passe de 47,5 % à 50 %. Manuvie a aussi réduit le coût d’assurance 100 ans, parfois jusqu’à 10 %, pour la plupart des âges à la souscription.

Elle a toutefois modifié les valeurs garanties au contrat. Celles-ci sont maintenant plus sensibles aux augmentations et aux diminutions de taux. La valeur augmente toutefois aux dernières années. L’assureur dit vouloir remédier à la faiblesse actuelle des taux d’intérêt. « Nous avons en quelque sorte reporté une partie de la valeur du contrat des premières années aux dernières années, dans la mesure du possible », explique l’assureur dans sa brochure de questions et réponses sur les changements, et dont le Journal de l’assurance a obtenu copie.

Jusqu’en 2014
Les assureurs ont expliqué leurs divers changements par les bas taux d’intérêt qui sévissent actuellement. Dans sa brochure, Manuvie écrit : « Il semble de plus en plus évident que les taux d’intérêt historiquement bas que nous connaissons vont perdurer pendant un certain temps encore ».

Plusieurs économistes sont de cet avis. Pour eux, un certain temps veut dire jusqu’en 2014. La Réserve fédérale américaine (Fed) dictera le tempo. Devant un événement organisé le 31 janvier par l’Institut canadien de la retraite et des avantages sociaux (ICRA) pour 300 gestionnaires de caisses de retraite, trois spécialistes ont expliqué pourquoi.

Année de rendement, mais de volatilité, 2012 sera aussi selon Jean-Luc Landry, président de Landry Morin et associés, une année de bas taux d’intérêt. Une situation qui n’a rien à voir avec l’économie, dit-il. « Les taux sont bas, mais ils n’agissent pas dans un marché libre. La Fed, la Banque centrale européenne et certains pays européens ont autre chose en tête que le rendement des investisseurs. »

Chef économiste chez Natixis, filiale du groupe bancaire français BPCE, Patrick Artus prévoit que les taux demeureront bas jusqu’en 2014. « Ils ne remonteront pas avant que les États-Unis se sentent suffisamment rassurés pour revenir à des taux de libre marché, sans contrôle. »

Il a invité les participants à ne pas douter de cette réalité. « Ben Bernanke est un individu singulier : il fait ce qu’il écrit, ce qui est rare », a-t-il blagué. Grand patron de la Fed, Ben Bernanke envisage en effet un troisième assouplissement monétaire si l’économie américaine devait ralentir.

Les marchés boursiers soulageront peut-être les maux qu’infligent aux investisseurs les bas taux d’intérêt. Pour sa part, Jean-Luc Landry croit que le temps se prête bien à un achat d’actions. Après une mauvaise période de rendement de dix ans, les actions sont probablement moins chères. De plus, une mauvaise période de dix ans est rarement suivie d’une autre.

Chef des placements adjoint et vice-président, marchés nord-américains chez Hexavest, Jean-René Adam, entrevoit aussi une année boursière positive. M. Adam croit toutefois qu’elle sera accompagnée d’une grande volatilité. À l’inverse de M. Morin, il estime que les titres boursiers sont déjà bien évalués. « Ils ne sont pas à escompte », ajoute-t-il.

Beaucoup de la volatilité boursière viendra des États-Unis, un marché qui pourrait décevoir, pense M. Adam. « Les dépenses de consommations ont entrainé une forte croissance aux États-Unis du premier au troisième trimestre 2011. La remontée à 6 % du taux d’épargne des Américains amputera ces dépenses. De plus, plusieurs compagnies ont devancé leurs dépenses en 2011. »