Les réassureurs aussi ont publié leur bilan de l’année 2022 en matière de catastrophes naturelles. On en retient qu’ils ont déjà commencé à réviser leurs modèles d’exposition au risque, notamment en raison des dégâts causés par l’ouragan Ian.
Le réassureur Munich Re estime les pertes économiques causées par les catastrophes naturelles à 270 G$ US, dont environ 120 G$ US sont des dommages couverts par l’assurance.
Selon les données publiées le 10 janvier 2023, les pertes économiques découlant des catastrophes naturelles ont totalisé 270 G$ en 2022, en baisse comparativement à l’année précédente (320 G$). À 120 G$, les dommages assurés sont restés au même niveau qu’en 2021.
Pour une troisième année consécutive, le courant La Nina a prédominé dans l’océan Pacifique, ce qui provoque généralement des conditions favorables au développement des ouragans en Amérique du Nord, aux inondations en Australie, aux sécheresses en Chine et à de fortes moussons en Asie du Sud, selon Ernst Rauch, chef scientifique du climat de Munich Re.
« En même temps, les changements climatiques ont tendance à provoquer plus d’événements météorologiques extrêmes », ajoute M. Rauch.
Concernant les dommages causés par l’ouragan Ian, Munich Re estime que seulement quatre autres tempêtes tropicales ont été plus fortes en touchant terre. Le réassureur estime les pertes à 100 G$, dont 60 G$ seraient des dommages assurés.
Si le nombre d’ouragans n’est pas plus élevé en raison du réchauffement climatique, les chercheurs estiment néanmoins que les précipitations associées aux tempêtes tropicales iront en augmentant.
À propos des inondations au Pakistan, Munich Re souligne qu’elles ont été empirées par le réchauffement du climat qui a accéléré la fonte des glaciers en région montagneuse. Les chercheurs estiment que l’intensité des extrêmes climatiques a augmenté de 50 % en raison du réchauffement de la température globale que l’on observe déjà.
Concernant les inondations en Australie, qui ont touché les agglomérations de Brisbane et de Sydney en février et mars et encore en octobre dans le sud-est, les pertes ont dépassé 8,1 G$ en 2022, dont 4,7 G$ en dommages assurés, selon les chiffres de Munich Re.
Les orages convectifs sévères aux États-Unis ont causé des pertes de 32 G$, dont environ 23 G$ étaient couvertes par l’assurance, en nette augmentation comparativement à la moyenne des cinq années précédentes.
Les superficies ravagées par le feu dans les pays de l’Union européenne ont dépassé les 800 000 hectares (8 000 km2). Cela représente un territoire 2,5 fois plus grand que la moyenne des superficies brûlées des 15 années précédentes.
En Chine, Munich Re observe que la sécheresse a fait baisser le débit du fleuve Yangtse à des niveaux anormalement bas. La navigation et la production énergétique ont été réduites en conséquence. Les pertes économiques sont estimées à près de 5 G$, dont une très mince proportion est assurée.
Des inondations majeures ont frappé au Nigéria, le pays africain le plus populeux. Quelque 5 000 km2 de terres agricoles ont été dévastés et plus de 600 personnes ont perdu la vie.
Dans l’est de l’Afrique du Sud, notamment le port de Durban, des précipitations atteignant 450 mm en deux jours ont provoqué des inondations et provoqué des pertes de plus de 4 G$ dans deux provinces, dont le quart étaient assurées.
La barre des 20 milliards $
Du côté de Swiss Re, son bilan préliminaire a été publié le 1er décembre 2022. À cette date, les dommages assurés par les catastrophes naturelles étaient estimés à 115 G$. La moyenne des 10 années précédentes était de 81 G$.
Les pertes économiques associées aux désastres naturels sont estimées à 260 G$, en baisse de 11 % comparativement à 2021. Ces sommes sont nettement plus élevées que la moyenne annuelle de la décennie précédente de 207 G$.
Les sinistres dépassaient ainsi la barre des 100 milliards $ pour une deuxième année de suite, ce qui confirme la tendance d’une hausse moyenne annuelle de 5 à 7 % des dommages assurés causés par les désastres naturels.
L’estimation des dommages assurés découlant de l’ouragan Ian était de 50 G$ à 65 G$, selon Swiss Re. Ses données confirment qu’il s’agit de la deuxième pire catastrophe de l’histoire de l’assurance derrière l’ouragan Katrina.
Même si la saison des ouragans a été relativement tranquille en 2022, ce sinistre montre les répercussions importantes d’une forte tempête qui frappe des zones côtières densément peuplées.
« Si l’on veut permettre à l’industrie de l’assurance de suivre la volatilité croissante des sinistres et de la demande, il devient essentiel de modéliser les tendances sur la fréquence et la sévérité. La tarification doit refléter le risque en vigueur », indique Thierry Léger, chef de la souscription de Swiss Re.
Son collègue Martin Bertogg, directeur des sinistres catastrophiques, note par ailleurs que « le développement urbain, l’accumulation de richesse dans des régions vulnérables aux tempêtes, l’inflation et les changements climatiques sont des facteurs clés qui transforment les extrêmes climatiques en pertes de plus en plus élevées ».
Quand l’ouragan Andrew a frappé en 1992, une catastrophe provoquant des pertes assurées de plus de 20 G$ n’était encore jamais arrivée. L’ouragan Ian représente le septième sinistre en six ans qui dépasse cette somme, selon M. Bertogg.
Swiss Re estime que le bilan des catastrophes de 2022 force la révision des modèles actuariels, notamment en matière des dommages causés par les périls secondaires que sont les inondations et la grêle. Ces événements sont en augmentation constante, mais attirent moins l’attention que les séismes, les tsunamis, les feux et les tempêtes tropicales.
Les ouragans
Le communiqué de Swiss Re comprenait un lien vers un blogue publié le 19 août 2022, soit quelques semaines avant le passage des tempêtes Fiona et Ian. Signé par Mohit Pande, chef de la souscription en biens pour le Canada et les États-Unis du réassureur, le texte est intitulé « The new normal in hurricane modeling ».
Son auteur cite les données d’un rapport rendu public le 22 juin 2022 par la firme CoreLogic. Ce rapport souligne que près de 33 millions de propriétés sont établies dans des zones vulnérables aux ouragans près de l’océan Atlantique ou du golfe du Mexique.
Le coût de reconstruction de ces propriétés endommagées par les vents violents serait de 10 500 milliards de dollars. L’impact secondaire d’une onde de tempête provoquant des inondations pourrait coûter jusqu’à 2 300 G$ pour reconstruire les quelque 7,8 millions de foyers situés en zones côtières.
Le réassureur a revu sa modélisation pour revoir la fréquence des ouragans majeurs en fonction des données des 25 dernières années, et non de l’historique à plus long terme.
Le risque d’inondation considère davantage le volume plus élevé de précipitations associé aux tempêtes tropicales.
L’auteur souligne que l’impact de l’étalement urbain sur l’exposition au risque a été analysé en long et en large. La présence d’immeubles contribue à réduire la force des vents, mais l’imperméabilisation des sols rend les zones urbanisées plus vulnérables aux inondations.