Maya Raic, PDG de la Chambre de l’assurance de dommages, voit dans les sinistres causés par les catastrophes naturelles une occasion pour les professionnels de l’industrie de faire valoir leur rôle de conseiller auprès des clients. Elle s’inquiète toutefois de constater que le bureau du syndic de l’organisme qu’elle dirige voit de plus en plus de cas où on laisse aux sinistrés le soin de déterminer la cause de leur sinistre, surtout lors de dégâts d’eau.Au début de 2014, la Chambre a sondé ses membres sur leur opinion sur l’importance et l’influence des catastrophes naturelles sur leur travail. Mme Raic en a présenté les constats à la Journée de l’assurance de dommages 2014.

Maya RaicPlus de 95 % des répondants ont affirmé que les catastrophes naturelles ont un effet sur l’industrie et les consommateurs, et 86 % trouvent que la situation influence leur travail. Les répondants parlent de l’augmentation des primes d’assurance, des conditions plus strictes pour la souscription, des explications à donner aux clients sur la hausse des primes ou sur les nouvelles conditions, des réclamations et de la charge de travail.

« L’an dernier, lors d’un autre sondage mené par la Chambre auprès du grand public, 48 % des consommateurs disaient ne pas comprendre tous les éléments de leur contrat d’assurance, dont les exclusions et les inclusions. L’expertise des professionnels de l’industrie de l’assurance de dommages est plus que jamais nécessaire aux consommateurs », insiste la PDG de la Chambre.

Parmi les arguments que évoqués par l’industrie pour confirmer l’importance du changement climatique, un chiffre est cité : 295 millions de dollars (M$). Le gouvernement du Québec a versé ce montant en indemnités l’an dernier aux municipalités touchées par des sinistres. « Cela représente une hausse de 1 000 % en 10 ans », dit Mme Raic. Alors que près de la moitié des réclamations à la suite de sinistres sont liées à des dégâts causés par l’eau, seulement 44 % des Québécois ont un avenant dans leur police d’assurance habitation touchant le refoulement d’égout, souligne-t-elle.

Mme Raic a cité le secrétaire d’État américain, John Kerry, lors de sa conférence, qui a dit que les « catastrophes naturelles peuvent être considérées comme une arme de destruction massive ». On le constate au Japon, où les impacts du tsunami de février 2011 sont toujours au centre des préoccupations. La centrale nucléaire de Fukushima continue à libérer des eaux contaminées dans la mer et le sol ainsi que des radiations dans l’air.

Pour illustrer son propos, Mme Raic a combiné les résultats du sondage à deux exemples de représentants traduits en discipline pour avoir négligé leurs obligations professionnelles.

La première étape est celle de la soumission. « Vous avez le devoir de recueillir [tous les renseignements nécessaires]. Vous devez déterminer la protection la plus appropriée et fournir à l'assuré les explications qui lui permettront de choisir les particularités des diverses protections offertes. » Il faut présenter les exclusions, les conditions et les limitations qui s’appliquent aux produits.

Dans le premier cas disciplinaire cité par Mme Raic, il s’agissait d’un représentant qui n’avait pas rempli son devoir de recueillir tous les renseignements nécessaires sur les besoins d’assurance de son client. Celui-ci avait téléphoné au cabinet pour demander si les travaux de nettoyage du drain pluvial étaient inclus par l’assureur dans le calcul de la prime.

« Il aurait été prudent que le représentant vérifie si le client détenait la protection appropriée dans son contrat. Il ne l’a pas fait et n’a donc pas dit à l’assuré qu’il existait un avenant pour couvrir de tels problèmes. Il n’a pas agi en professionnel consciencieux de ses devoirs et n’a pas donné les explications nécessaires. C’est de la négligence pure », dit-elle.

Le devoir de conseil s’impose aussi à l’étape du sinistre et de son règlement. Le représentant doit expliquer au consommateur qu’il y a une différence entre l’estimation et l’évaluation, notamment la règle de proportionnalité. Selon le sondage de la Chambre, 61 % des professionnels disent expliquer cette règle aux clients. « Il importe qu’ils le fassent, car ce ne sont pas tous les contrats qui utilisent cette règle pour déterminer le montant de couverture », rappelle Mme Raic.

Le sondage révèle aussi qu’il n’est pas toujours facile pour le représentant de bien conseiller le client. Quelque 55 % des répondants au sondage de la Chambre disent que les consommateurs ne sont pas réceptifs ni disposés à prendre le temps nécessaire pour être bien informés sur les risques liés aux catastrophes naturelles.

Les experts en sinistre ont aussi des obligations à respecter, poursuit Mme Raic. Dans le deuxième cas cité, un expert en sinistre avait mal géré un simple dégât d’eau, et l’assuré avait attendu 20 mois avant de réintégrer son domicile. Il a fallu un an après le sinistre pour que le rapport sur la cause du sinistre soit déposé.

« L’expert avait alors perdu le contrôle de la coordination du dossier. Les obligations déontologiques demeurent en cas de crise. La loi ne vous autorise pas à les contourner, même si vous êtes débordé. Il faut aussi fournir à l’assuré les explications nécessaires à sa compréhension du sinistre ». La cession de créances est une autre étape qu’il ne faut pas escamoter, insiste-t-elle.

Un transfert inacceptable

Selon le sondage de la Chambre, 71 % des experts affirment recueillir les renseignements nécessaires pour bien faire leur enquête afin de déterminer les causes des sinistres lors de catastrophes naturelles. « On constate de plus en plus, au bureau du syndic, la tendance au transfert vers l’assuré du soin de déterminer la cause du sinistre, surtout lors de dégâts d’eau. La loi prescrit qu’il est du devoir de l’expert en sinistre de déterminer la cause des dommages. Ce n’est pas une bonne chose pour l’industrie, et je ne crois pas que cette tendance soit acceptable », dit-elle.

Autre question du sondage : « Avez-vous le temps nécessaire pour faire votre enquête et déterminer les causes du sinistre lors de catastrophes naturelles? » Quelque 36 % des répondants ont dit non, et 60 % ont dit oui. Mme Raic rappelle qu’on peut utiliser les services temporaires d’experts en sinistre d’autres provinces en cas de surplus de travail, et que la validation de leur certification peut se faire assez rapidement.

On a demandé aux répondants s’ils prenaient le temps de sensibiliser leurs clients aux mesures de prévention. « Quelque 21 % ont répondu oui. On a un autre bloc de 78 % des répondants qui vont plus loin en donnant même des conseils de prévention : installer ou vérifier la plomberie, vérifier ou déneiger la toiture, installer un système d’alarme, être alerte aux signaux d’éventuels sinistres, bien entretenir le bâtiment, avoir un système de chauffage conforme aux normes de sécurité, couper l’entrée d’eau avant de partir en voyage, etc. »

Toujours dans le sondage, 18 % des représentants disent ne pas avoir les renseignements nécessaires pour bien informer et conseiller leurs clients sur les risques liés aux catastrophes naturelles et pour poser les bonnes questions en vue de mieux évaluer les risques du client. Chez les experts en sinistre, 24 % des répondants reconnaissent ne pas avoir les renseignements nécessaires pour bien faire leur enquête et déterminer les causes lors de catastrophes naturelles.