Le ressac de l’économie place le besoin de sécurité à l’avant-scène. Selon plusieurs spécialistes, ce retour aux valeurs fondamentales favorisera le développement des affaires en assurance des soins de longue durée.

« Nous vivons des moments intéressants », lance d'emblée Karen Henderson, consultante et conférencière reconnue à travers le Canada en soins de longue durée et présidente fondatrice du site LTCPlanningCentral et du réseau Long Term Care Planning Network.

C'est une question de contrôle en temps de crise, croit Mme Henderson. Les baby-boomers aiment avoir le contrôle, mais ils ne l'ont pas sur les soubresauts du marché. Les conseillers cherchent le moyen de soulager leur inconfort. Il y en a un : planifiez la sécurité financière de votre client en prévision d'un âge plus avancé.

Elle lance d'ailleurs un message non équivoque sur son site Internet, soit « Concentrez-vous sur ce que vous pouvez contrôler. »

Les affaires de la consultante connaissent d'ailleurs une croissance. Mme Henderson note un désir des conseillers financiers de comprendre l'assurance des soins de longue durée. « Ils veulent savoir comment approcher ce marché, observe-t-elle. J'ai récemment donné quatre conférences en cinq jours à Sudbury en Ontario. Lors d'une de ces conférences, quelqu'un de Dundee m'a demandé 500 dépliants et CD de questions-réponses pour les soins de longue durée. »

Son message aux conseillers : « Parlez-en! Ce ne sont pas tous les prospects qui achèteront une police de soins de longue durée après votre présentation. Mais si vous n'avez pas cette conversation avec lui, vous ne vendrez pas, c'est sûr ! »

Pour sa part, David Baker, vice-président adjoint aux produits santé individuels de Sun Life, croit qu'il faut profiter de la tendance démographique.

« Les premiers baby-boomers arrivent à la retraite, eux qui ont redéfini notre culture à chaque étape de leur vie. Or, les baby-boomers ont de la difficulté à admettre leur âge et encore plus à envisager la possibilité de perdre leur autonomie. Pourtant, les dépenses de soins de longue durée peuvent avoir un énorme impact sur le revenu à la retraite. Un impact auquel on ne peut faire face uniquement en épargnant pour cette éventualité. »

M. Baker admet cependant que les conseillers devront s'imposer et amener leur client à considérer le produit, car les baby-boomers « ont toujours été plus dépensiers qu'économes ».

Même s'il est tentant pour le conseiller de mettre l'accent sur les produits d'épargne, il doit placer le produit de soins de longue durée à la base de la pyramide des besoins financiers, soutient quant à elle Nathalie Tremblay, chef d'équipe, prestations du vivant et assurance vie chez Desjardins Sécurité Financière.

Mme Tremblay distingue deux phases dans la vie d'un client, celle de l'accumulation et celle du décaissement. Le produit SLD protège la deuxième phase. « Si vos revenus fondent à la retraite en raison des marchés, il n'y a pas grand-chose que vous pouvez faire. Mais si vous avez une protection de soins de longue durée, vous êtes sûr de toucher quelque chose en cas de perte d'autonomie.»

Son argument massue : préférez-vous un revenu de retraite mensuel de 2000 $, ou de 1850 $ qui devient 4 000 $ en cas de perte d'autonomie. Un tel scénario présume une prime à payer mensuellement de 150$ pour une rente mensuelle de soins de longue durée de 2000 $, la prime n'étant plus payable en cas de perte d'autonomie.

Le conseiller doit pousser son client à se poser LA question, croit Mme Tremblay. « Que voulez-vous être pour vos proches? »

« Vendre de l'assurance soins de longue durée, c'est vendre de la dignité. Comme toute personne, je veux demeurer un conjoint et non pas devenir une charge pour mon conjoint en cas de perte d'autonomie. Je veux que mes enfants viennent me voir pour moi, pas pour me nourrir à la petite cuillère. »

Vice-président adjoint au développement et marketing de produits de prestations du vivant chez Manuvie, John Parker reconnaît que la conscientisation au besoin et l'acceptation du produit ne fait que commencer. Mais en temps d'incertitude, dit-il, les gens reconnaissent davantage la valeur ajoutée d'un produit de soins de longue durée.

« Le produit est promis à un brillant avenir. La population canadienne vieillit et la crise a enlevé aux consommateurs la confiance qu'ils avaient de pouvoir s'auto assurer contre une perte d'autonomie », explique M. Parker.

Comme tous les autres fournisseurs, il demeure toutefois discret sur les chiffres de vente en soins de longue durée et dit simplement noter un regain des ventes.

Les hybrides ont la cote

Une avenue de développement s'impose de plus en plus en assurance de soins de longue durée, soit les produits hybrides qui permettent de transiter vers un produit de soins de longue durée à partir d'un produit traditionnel.

« Un produit hybride permet d'offrir un produit de soins de longue durée en passant par un produit mieux connu du public », estime Guy Papillon, vice-président ventes et projets spéciaux chez Croix-Bleue Canassurance, pour le Québec et l'Ontario.

Croix-Bleue a lancé son produit hybride en 2007, sous le nom de Tangible. Produit plate-forme, Tangible permet de vendre une assurance de soins de longue durée seule, ou sous forme d'une assurance vie, invalidité ou maladies graves transformable en soins de longue durée à 65 ans. « Avec un produit hybride, le conseiller fait d'une pierre deux coups. Il comble un besoin présent et protège l'assurabilité de son client pour un besoin futur », soutient M. Papillon.

Marché presque inexistant il y a quelques années, le créneau des hybrides s'est enrichi de AXA Assurances, RBC Assurances et plus tôt cette année de L'Union Vie et Manuvie.

RBC Assurances a voulu en rajouter sur cette effervescence en lançant en fin d'année un produit d'invalidité transformable en assurance de soins de longue durée. Ce lancement fait suite au produit de maladies graves transformable en produit de soins de longue durée, qu'elle a lancé un an plus tôt.

« Nous voyons de l'excitation et de l'acceptation dans le marché », témoigne pour sa part John Young, président et chef de la direction chez la Compagnie d'assurance vie RBC. Tous les conseillers ont des clients âgés, remarque M. Young. Le potentiel de croissance lui semble donc énorme.

M. Young s'attend à voir encore beaucoup de ces produits arriver dans le marché. Parce qu'il passe d'une couverture de maladies graves ou d'invalidité vers une couverture de soins de longue durée, ce produit suit mieux la vie d'un assuré, croit-il.

Peu couteux

Pour sa part, Penncorp vient de lancer un produit peu coûteux, sans toutefois être un hybride. Le produit se nomme d'ailleurs L'Accessible. Sa structure permet d'offrir une couverture à bas prix. Les prestations du produit sont en effet limitées à 1800 jours. La prestation offerte est quotidienne et varie entre 20 $, 30 $, 40 $ et 50 $. Elle n'est payable que pour les journées de soins et l'assuré doit fournir une preuve des soins reçus.

« Cette formule rend le produit plus abordable, soit 30 % moins cher que notre produit traditionnel Temporelle », indique Kim Oliphant, directrice des ventes, Ouest du Québec et Provinces Atlantiques chez Penncorp et La Capitale, dont l'assureur de Mississauga est une filiale.

Mme Oliphant croit que cette structure, si elle peut paraître restrictive, démocratise l'offre d'assurance de soins de longue durée. « Nous croyons aller chercher plus d'assurés de la classe moyenne, ce qui permettra aux conseillers d'agrandir leur marché cible. Car pour nous, l'assurance soins de longue durée n'est pas un produit de l'avenir. C'est un produit pour maintenant! »

Clientèle plus jeune

Selon elle, le marché s'ouvre actuellement parce que les conseillers visent une clientèle plus jeune, pour qui les primes sont plus abordables. Ils sélectionnent ainsi des risques plus faciles à souscrire pour l'assureur. « Tout cela favorise les ventes », pense Mme Oliphant.

Guy Papillon croit aussi que le prix a cessé d'être un problème dans le marché. « Il y a plusieurs années, la moyenne d'âge des assurés tournait autour de 75 ans, clientèle pour qui la prime est souvent prohibitive. Maintenant cette moyenne tourne autour de 55 ans. Cela fait toute une différence de prix et met fin à l'image négative du produit en matière de coût. »

Chez Manuvie, entre autres, John Parker dit avoir constitué une clientèle en soins de longue durée dont la moyenne d'âge tourne autour de 55 ans. Mais l'avènement des produits hybrides pourrait changer la donne. Par exemple, la directrice des produits de prestations du vivant chez RBC Assurances, Karyn Kasperski, dit viser une clientèle encore plus jeune grâce aux produits hybrides, dont les 35-40 ans.

Même sans produit hybride, Sun Life vise plus jeune. Les 30-40 ans sont devenus son marché secondaire. « Plusieurs personnes fin trentaine début quarantaine ont vu leur parent souffrir d'une perte d'autonomie. Ils sont donc plus sensibilisés », explique David Baker.