Les baisses successives sur les marchés boursiers en 2008 ont aidé les conseillers à convaincre les Canadiens d’investir dans les fonds distincts. Le message a porté : ces fonds, uniquement disponibles chez les compagnies d’assurance, ont affiché des ventes nettes records l’an dernier, surtout grâce aux produits à garantie de retrait minimum. Toutefois, les fonds traditionnels ont toujours leur raison d’être.

Les données compilées par Investor Economics, firme de recherche et d'analyse en fonds d'investissement, confirment la popularité des fonds distincts auprès des Canadiens. Les ventes nettes de l'industrie représentent 5,59 milliards de dollars (G$) pour l'année 2008, soit une hausse de 3,22 % par rapport à 2007. « C'est une année exceptionnelle au chapitre des ventes nettes », dit Iassen Tonkovski, analyste chez Investor Economics.

Ce sont les produits à garantie de retrait minimum (GRM) qui ont propulsé les ventes vers de nouveaux sommets. Selon M. Tonkovski, 103 % des ventes nettes sont attribuables à ces produits en 2008, ce qui implique que les fonds distincts traditionnels ont subi des rachats nets durant cette période, soit un montant de 0,2 million de dollars (M$). « Certains assureurs qui n'offrent pas de GRM dans leur gamme de produits continuent de faire bonne figure, précise toutefois l'analyste. Les fonds distincts traditionnels ont toujours leur raison d'être et demeurent populaires. »

La raison est simple : la garantie de retrait minimum ne convient pas à tous. « La moyenne d'âge des gens qui souscrivent ce produit est de 55 ans », dit M. Tonkovski. Les fonds traditionnels, avec leurs garanties à l'échéance et au décès, pourraient donc mieux combler les besoins des plus jeunes.

Chez Empire Vie, Rick Forchuk, vice-président, produits individuels, dit que les conseillers ne doivent pas tomber dans le piège d'offrir la garantie de retrait minimum à tout coup. « Il ne faut pas que tout le monde suive la parade en croyant que ce produit est une panacée », explique-t-il. Selon lui, les conseillers doivent porter un regard attentif au profil et au cycle de vie de leurs clients avant de le recommander.

Rocco Taglioni, vice-président, gestion de patrimoine de l'individuelle chez Sun Life, encourage les conseillers à s'asseoir avec leurs clients afin de déterminer la voie à suivre pour la planification de leur retraite. Il ajoute que les fonds distincts traditionnels connaissent encore de fortes ventes chez Sun Life. « Les particuliers qui investissent dans ce type de produit se préoccupent plus de la protection de leur capital et moins d'un revenu garanti. »

Michael Ondercin, vice-président adjoint, gestion des produits de fonds distincts chez Manuvie, dit aussi que les ventes de fonds distincts traditionnels représentent encore un volume important pour sa compagnie. « Ces produits ont leur place dans une planification financière complète », ajoute-t-il. M. Ondercin note que Manuvie prône la répartition par produit qui mise sur une combinaison de produits de placement afin d'atténuer les risques et d'établir une planification exhaustive pour la retraite.

N'empêche, le nombre élevé de baby-boomers à la veille de la retraite et l'engouement pour les produits à garantie de retrait minimum font croître les ventes. « Nous avons remarqué que les garanties de revenus à long terme connaissent toujours un accueil retentissant auprès de la clientèle », dit M. Ondercin. Il reconnaît que les nouveaux investissements se concentrent dans ce produit.

De son coté, Sun Life a récemment publié un sondage qui montre que les trois quarts des Canadiens veulent qu'une partie de leur revenu de retraite soit garantie. Étant donné la mauvaise conjoncture économique, les Canadiens de tous les âges cherchent des solutions pour protéger leur épargne de la volatilité des marchés, de l'inflation et de l'espérance de vie plus élevée, selon M. Taglioni.

M. Forchuk, d'Empire Vie, observe aussi l'enthousiasme de la clientèle envers la garantie de retrait minimum. « Des sommes importantes ont quitté les compagnies d'assurance qui n'offrent que des fonds traditionnels pour se diriger vers celles où on retrouve des GRM, comme Manuvie et Sun Life. » C'est la raison pour laquelle Empire Vie a ajouté cette option à sa gamme de produits en octobre 2008 en lançant Catégorie Plus. « Nous sommes heureux que notre entrée se fasse dans un marché baissier plutôt que haussier », dit M. Forchuk qui s'attend à de fortes ventes en 2009.

À la fin novembre 2008, Transamerica Vie a aussi lancé une garantie de retrait minimum : Cinq à Vie. Le vice-président exécutif, ventes et marketing, Doug Paul, s'attend donc à ce que les ventes nettes augmentent de façon significative cette année. Dans les trois dernières années, Transamerica a été confrontée à des ventes nettes négatives de ces fonds distincts.

D'autres assureurs hésitent encore à suivre cette voie. C'est le cas de Standard Life qui annonçait en novembre 2008 que sa version du produit à garantie de retrait à vie ne serait pas offerte en 2009. La compagnie disait retarder le lancement à cause de la crise économique (voir encadré Standard Life passe à la garantie à l'échéance de 100%).

Great-West n'offre pas non plus la garantie de retrait minimum. La compagnie a vu ses ventes nettes chuter de près de 70 % en 2008 par rapport à 2007. Le vice-président marketing, retraite et investissement, individuelle, Alf Goodall, reconnaît qu'une partie importante des montants investis dans les fonds distincts se sont dirigés vers les GRM en 2008. Great-West prévoit apporter des améliorations aux caractéristiques de ses fonds distincts en 2009.

De l'avis de certains assureurs, les baisses boursières sont en partie responsables de l'augmentation des ventes de fonds distincts en 2008. « Le rendement négatif des marchés nous a aidés pour les ventes de ces produits, dit M. Taglioni de Sun Life. Le particulier qui investit dans ce type de fonds est à la recherche de protection. »

Selon M. Ondercin, de Manuvie, très peu de produits offrent des garanties sur le capital investi. « La volatilité des marchés dans les derniers mois est la parfaite démonstration de l'utilité des fonds distincts pour les consommateurs », ajoute-t-il.

Avis partagé

Le vice-président, relations avec les investisseurs chez Industrielle Alliance, Jacques Carrière, partage cet avis : « C'est lorsque les marchés chutent qu'on se rend compte de la valeur de la garantie incluse dans le contrat de fonds distincts. Il s'agit d'une mesure de gestion des risques pour la clientèle. »

À l'opposé, les fonds communs n'offrent pas de garanties sur le capital. Rick Forchuk d'Empire Vie prévoit d'ailleurs une forte migration de l'argent investi dans les fonds communs vers les fonds distincts en 2009.

En outre, Iassen Tonkovski d'Investor Economics, mentionne que l'industrie des fonds distincts a connu de meilleurs résultats que l'industrie des fonds communs en 2008.

Les ventes nettes de fonds communs ont fondu de 99,68 %, passant de 33 492 M$ en 2007 à 107,8 M$ en 2008, selon les données compilées par l'Institut des fonds d'investissement au Canada (IFIC). Les investisseurs ont surtout racheté les unités détenues dans les fonds d'actions : c'est un montant net de 14 195 M$ qui a quitté ces fonds à long terme en 2008. Pour ceux qui ont gardé leurs actifs dans les fonds communs, ils ont plutôt opté pour des fonds plus sécuritaires, tel ceux du marché monétaire, avec des achats nets de 14 303 M$.

Outre les garanties, « la composition de l'actif des fonds distincts est plus conservatrice que celle des fonds communs », explique M. Tonkovski. Le risque est donc en général moindre pour les fonds distincts. « Près de la moitié de l'actif est investi dans des fonds équilibrés alors que pour les fonds communs, plus de la moitié de l'actif se trouve dans des fonds d'actions. »

Les baisses boursières des derniers mois n'ont épargné personne au chapitre de l'actif sous gestion. Celui de l'industrie des fonds distincts a diminué de 15,7 % en 2008 par rapport à 2007. La valeur des investissements est passée de 74,9 G$ à 63,2 G$ durant cet intervalle. Cette baisse a toutefois été moins sévère que celle des fonds communs. L'actif sous gestion de l'industrie des fonds communs est passé de 636,8 G$ en 2007 à 507 G$ en 2008, une décroissance de plus de 20 %. Du côté de l'indice S&P/TSX, la baisse est de 35 % en 2008.

Changements à venir

Les compagnies d'assurance devraient apporter des changements à leurs contrats de fonds distincts cette année. « Je m'attends à ce que l'industrie apporte des modifications aux produits existants en 2009 », affirme Rocco Taglioni, de Sun Life. De son côté, Iassen Tonkovski croit que la tarification pourrait évoluer afin de mieux refléter le risque croissant pour les assureurs, causé par les baisses boursières. « Certains contrats pourraient même cesser d'être offerts », ajoute-t-il.

Manuvie a déjà agi sur ce plan. En janvier, la compagnie a annoncé qu'elle limitait le nombre de fonds disponibles, de 77 à 38, pour les nouveaux contrats FPG et FGP Perspective. Manuvie a aussi décidé de ne plus offrir la garantie de 100 % à l'échéance pour les fonds d'actions de ces gammes. « En 2009, nous poursuivrons la révision de nos produits, ce qui inclut RevenuPlus, afin de nous assurer que l'exposition au risque est à un niveau acceptable », dit Michael Ondercin.