Selon plusieurs joueurs, une vague de croissance emportera les ventes d’assurance collective en maladies graves tout au long de l’année. Un élan qui surviendra malgré la récession et la hausse du coût des régimes. Le défi des courtiers sera toutefois de libérer des sommes dans le budget déjà fort serré de leurs clients.

Propulsés par la prépondérance des maladies mentales au travail, les coûts liés aux médicaments et à l'assurance invalidité de longue durée pressurisent déjà les régimes depuis plusieurs années. La récession qui sévit actuellement resserre encore la vis. Elle oblige les conseillers à mettre les bouchées doubles pour convaincre leurs clients d'ajouter des garanties à leur régime, et jongler avec leur budget limité.

Malgré tout, l'assurance maladies graves fait son chemin au sein des régimes collectifs... même si les assureurs interrogés sont demeurés très discrets sur leurs résultats de vente.

Au Mouvement des caisses Desjardins, 40 000 employés ont récemment adhéré à une garantie de maladies graves au sein de leur régime collectif. Le fournisseur est Desjardins Sécurité financière.

AXA Assurances vient pour sa part de décrocher un lucratif contrat dans les Maritimes : un réseau de 26 collèges et universités pour un total de 35 000 employés. « Ce qui pourrait entraîner un million $ de primes d'assurance maladies graves seulement », estime Mike Finnegan, vice-président assurance collective.

« Nous observons une progression intéressante depuis trois ans. J'avais remis ce produit en question en 2003-2004. Je me félicite de ma patience », lance M. Finnegan.

AXA prévoit aussi assurer ses employés en vertu de son produit d'assurance maladies graves sur une base collective développé par la Citadelle avant d'être acquise par l'assureur en 2005. AXA compte plus de 2 200 employés au Canada.

La taille des groupes qui acquièrent l'assurance maladies graves en collectif chez AXA augmente, dévoile M. Finnegan. Le produit qui existe depuis 1997 était jadis choyé des groupes de 200 à 300 employés. Aujourd'hui, ce sont plutôt les groupes de 2000 à 3000 employés qui se ruent sur lui. « Il y a deux ou trois ans, la prime moyenne de nos groupes en maladies graves oscillait autour de 25 000 $ », commente M. Finnegan.

Aussi, l'historique des réclamations lui apparaît très favorable. « Nous avons un ratio de perte très raisonnable, soit 21%. Et ça ne comprend pas les dépenses. » Un ratio de 21% sans les dépenses signifie que l'assureur paie 21 cents de réclamations pour chaque dollar de prime empoché.

Petit joueur niché, ACE INA enregistre des ventes plus modestes mais note aussi une croissance soutenue. « La taille moyennes de nos groupes en assurance maladies graves est de 135 employés. Chacun souscrit en moyenne 18 000 $ de couverture en assurance maladies graves », révèle Eddy Levy, vice-président ventes et marketing, prestations du vivant.

Le régime existe sous sa forme universelle : l'employé doit adhérer à la garantie, et l'employeur assume la plupart du temps une partie des coûts, sinon tous. Il existe aussi sous forme de garantie facultative. Chez les assureurs qui offrent les deux formules, le balancier tend à pencher en faveur de la garantie obligatoire. ACE INA, par exemple, voit ses groupes se répartir dans une proportion de 65% pour la garantie obligatoire contre 35% pour la garantie facultative, précise M. Levy.

Chez Sun Life, qui n'offre que la garantie facultative, Josée Dixon constate une croissance soutenue de ses ventes. La vice-présidente régionale, expansion commerciale, Est du Canada, garanties collectives, considère même la situation économique comme opportune pour les garanties facultatives. « L'intérêt est d'autant plus grand que l'employé a la liberté de l'acheter ou non. Nous observons déjà une croissance de 50% de notre bloc d'affaires en 2009 par rapport à 2008. »

L'assureur a aussi observé une augmentation de sa prime moyenne entre 2007 et 2008, « parce que les employés souscrivent une plus grande couverture ». Mais cela reste un marché très jeune et relativement inexploité, insiste Mme Dixon, dont le produit existe depuis 2002.

Un marché surtout jeune pour les mastodontes, qui se pointent souvent en dernier dans les marchés de spécialité. C'est le cas de Financière Manuvie, qui a sauté dans le train il y a à peine plus d'un an.

Pourquoi avoir attendu si longtemps? « Nous avons pris le temps de juger la situation, puis nous avons joint le convoi parce que nous constations une tendance soutenue », explique Dustin Coté, vice-président adjoint, expansion des affaires, marketing de l'assurance collective à la Financière Manuvie.

M. Coté admet toutefois que la croissance dépendra d'une sensibilisation accrue à l'importance de cette couverture, tant chez les conseillers que chez leurs clients.

En attendant la vague pancanadienne, Manuvie estime que les provinces de l'Ouest constituent un marché particulièrement propice à ce produit. En Alberta et en Saskatchewan, surtout, les employeurs perçoivent cette garantie comme un incitatif aux employés potentiels et un outil de rétention pour les employés existants, explique M. Coté.

Si la récession rend les employeurs plus sensibles aux coûts, elle n'altère pas leur volonté d'offrir une valeur ajoutée aux programmes collectifs, à condition que les coûts soient raisonnables, estime Dustin Coté. Il croit que cette garantie remplit parfaitement ce critère.

Des écueils

Mais les écueils du ralentissement économique, combinés à l'impact du coût des médicaments sur les régimes ralentissent le marché, croient certains. Même si Croix-Bleue Medavie vient de souscrire un nouveau groupe en maladies graves, Pierre Marion directeur principal, ventes et relations avec la clientèle, tient à relativiser le succès du produit.

Croix-Bleue a en effet vendu un régime collectif avec assurance maladies graves à un groupe de 400 employés, il y a peu.

M. Marion ne se fait toutefois pas d'illusion : la partie sera dure. Les employeurs seront moins enclins que jamais à ajouter des garanties en 2009, croit-il. « Les employeurs priorisent beaucoup plus la prévention que l'ajout de garanties, croit-il. Les maladies psychologiques causent toujours entre 40% et 45% des causes d'invalidité, dont plusieurs de longue durée. Il y a beaucoup de gestion à faire dans ce champ. »

Ainsi, il lui apparaît qu'amener une garantie additionnelle, cela fait beaucoup de choses sur la table pour un même budget.

À cet égard, Carl Laflamme, vice-président ventes et marketing, développement national en assurance collective chez SSQ Vie, soutient que la situation ne se prête pas à des ajouts, quels qu'ils soient. « Je ne sens pas un grand engouement à mettre l'assurance maladies graves pour tous les employés d'un groupe. La demande vient surtout des cadres supérieurs. Nos employeurs sont très préoccupés par la hausse des coûts de leurs régimes. Nous regardons ce que nous pouvons faire pour freiner les coûts et non ce qu'on peut ajouter », précise M. Laflamme.

Carl Laflamme ajoute ne pas avoir de résultats de vente précis en 2008 pour son produit qui existe depuis 1997. « Mais ce ne sont pas des gros nombres », ajoute-t-il.

Ces joueurs de la première heure admettent que leurs produits doivent être revus pour mieux s'adapter au marché actuel. SSQ Vie a même dû suspendre sa participation au tableau de comparaison cette année, pour cette raison. « Nous réfléchissons sur le produit. À l'époque, nous avons lancé un produit simple uniquement sur base collective. Depuis, d'autres joueurs spécialisés en produits individuels ont fait muter leur produit sur une base collective, remarque M. Laflamme. Faudra-t-il augmenter le nombre de maladies couvertes ou ajouter d'autres protections ? Par exemple, nous couvrons le cancer à 35 % de la protection totale. Irons-nous à 100 %? Tout est sur la table, lance-t-il.

Medavie envisage aussi de réviser son produit même si sa première mouture de 1997 a été modifiée il y a deux ans.

Joueur à succès parmi les pionniers, Mike Finnegan a candidement admis qu'AXA n'avait pas revu son produit depuis « six ou sept ans ». Il y a place à l'amélioration, poursuit-il. Celui qui s'est toujours opposé à la multiplication des maladies couvertes en maladies graves collectives rend les armes. « Nous n'avons pas le choix de suivre.» Mike Finnegan prévoit réviser le produit en juin.

Avenues de croissance

Chez ACE INA, Eddy Levy est convaincu que l'accessibilité du produit aura raison des difficultés du marché. « Le produit de maladies graves individuel est seulement disponible lorsque tu connais un courtier. Or, un gros segment de la population canadienne ne sera jamais contacté. Les courtiers recherchent en effet certains prospects capables de payer des primes plus élevés pour des polices de plus grande taille », soutient M. Levy.

C'est le produit d'assurance maladies graves qui rejoindra ce marché, dit-il. Si l'employeur, l'association ou le syndicat mettent en place ce produit, ils permettent à des Canadiens du marché moyen de gamme d'accéder à cette couverture, souvent sans preuves d'assurabilité.

Et l'objection du coût additionnel dans un budget serré? L'employeur a le choix de faire contribuer l'employé grâce à la formule facultative, rétorque-t-il. Malgré tout, l'assureur a du succès avec son régime obligatoire. « Des conseillers disent : l'employeur n'aura pas d'argent pour payer plus. Pourtant, ça marche. Les courtiers qui réussissent dans ce marché savent chercher et trouver l'argent disponible dans le budget d'assurance collective de leur client », fait remarquer Eddy Levy.

M. Levy exhorte les conseillers à considérer toute substitution avantageuse. Par exemple, on pourra se demander s'il vaut la peine de réduire la couverture pour les dents ou les lunettes et la remplacer par une base de 10 000 $ de couverture en maladies graves pour tous les employés.