Les maladies infantiles graves peuvent frapper de façon aléatoire et sans discernement. Nancy Elkas, directrice des prestations du vivant pour le Québec au Groupe financier Horizons, en sait quelque chose. Il y a 13 ans, sa filleule, alors âgée de deux ans et demi, a souffert d’un cancer du cervelet.

La fillette a survécu à la maladie et à une récidive, mais cette affaire a sensibilisé sa marraine aux impacts d’une maladie grave chez un enfant. « Ça nous a tous secoués profondément, a-t-elle confié au Journal de l’assurance. Les conséquences financières ont été très grandes pour les parents. Nous avons même organisé des activités de financement pour réduire le fardeau financier qui s’accumulait sur la famille ».

Nancy ElkasCet épisode difficile lui a fait mesurer à quel point une assurance maladies graves aurait été bénéfique pour le ménage. « Un montant de 25 000 $ aurait pu soulager la famille, dit-elle. Chacun des parents possédait une assurance collective, mais ce n’étaient pas eux qui étaient en invalidité. En plus, une partie des médicaments dont avait besoin leur fille n’étaient pas couverts par leur régime privé et la RAMQ ».

L’histoire vécue par Nancy Elkas n’est pas isolée. Qui n’a pas connu une famille dont l’existence a été fortement perturbée par une maladie grave survenue à un de leurs enfants? Bien qu’il soit très difficile de trouver des données qui rendent compte de la prévalence des maladies infantiles sévères au Québec en 2015, les comptes-rendus sont nombreux.

Presque chaque semaine, dans les médias et médias sociaux, des parents font appel à la générosité du public pour payer des traitements ou des médicaments liés à une maladie parce qu’ils ne disposent pas des ressources financières et encore moins une assurance couvrant ce genre de situation. Au Canada, 70 % des travailleurs disposent d’une assurance individuelle ou collective en cas d’invalidité. Mais lorsque c’est l’enfant qui est malade, ce filet de sécurité ne s’applique pas.

Utilité incontestable

L’utilité de l’assurance maladies graves est incontestable si par malheur, une maladie sévère frappe un enfant. Des assureurs l’ont bien remarqué, car une majorité de compagnies offrent maintenant cette protection. Canada-Vie, La Capitale, Croix-Bleue, SSQ, Equitable, Humania, Desjardins, iA Groupe financier et Sun Life sont autant de compagnies qui disposent d’un plan d’assurance maladies graves pour enfants. Pourtant, ce produit ne fait pas encore l’unanimité dans l’industrie. Certains grands joueurs ne le proposent toujours pas.

Claudine CloutierLes défenseurs et partisans de l’assurance maladies graves chez l’enfant sont nombreux. Claudine Cloutier, directrice, prestations du vivant, au Groupe Cloutier, est elle aussi convaincue du bien-fondé de ce type d’assurance.

« La pire chose qui puisse survenir à des parents serait qu’un de leurs enfants soit atteint d’une maladie grave. Si la chose survient et que l’enfant doit subir des traitements, la première chose qu’un parent va se dire est qu’il sera là avec lui tous les jours de son combat pour l’aider à retrouver la santé. C’est un produit qui devrait être beaucoup plus connu de la population », dit-elle.

Un parent qui veut accompagner un enfant durant toute sa maladie et lors de ses visites à l’hôpital n’aura pas le choix d’arrêter de travailler. Même si son employeur est très conciliant, il ne va pas payer son salaire si la personne doit s’absenter pendant des mois. Le parent doit donc prendre un congé sans solde et va se retrouver sans revenus.

« La première fonction d’une assurance maladies graves pour enfants est d’éviter de causer un stress financier au parent qui arrête de travailler », souligne Claudine Cloutier.

L’assurance maladies graves pour enfants n’est pas une assurance de soins. C’est à la famille à déterminer comment l’argent de la prime, 25 000 $, 50 000 $, 100 000 $ et même plus pour certaines couvertures, sera utilisé et pour quels besoins : combler la perte de revenus d’un parent, payer des traitements et médicaments non couverts par la RAMQ ou les régimes privés, défrayer des soins infirmiers à la maison, des déplacements dans les hôpitaux et des séjours à l’extérieur quand on vient d’une région éloignée, rembourser des frais de repas et stationnements, adapter un véhicule, même offrir un voyage de réconfort ou de plaisir à Walt Disney, etc.

Autre avantage majeur, à 18 ans, le contrat devient un contrat adulte et l’enfant devenu adulte reste assuré pour les maladies graves de ce groupe.

Produit récent

Les assurances maladies graves pour enfants sont assez récentes au Canada. Beaucoup d’experts situent leur apparition dans le marché canadien à une quinzaine d’années. À leurs débuts, ils étaient surtout offerts en avenant à une police pour les parents. Cette formule obtenait peu de succès, se rappellent des gens de l’industrie. Ils ont commencé à devenir populaires quand ils ont évolué et ont commencé à être offerts comme un produit individuel en assurance autonome.

Le plan Prodige développé par Humania (autrefois La Survivance) a marqué un tournant dans l’histoire de ce produit au Québec. Aujourd’hui, la plupart des grands assureurs offrent une assurance maladies graves même si elle demeure un marché modeste. Les ventes en assurances maladies graves au Canada se sont élevées à 100 millions de dollars (M$), mais on ne dispose pas de chiffres pour le seul créneau des enfants.

Nathalie TremblayNéanmoins, Desjardins va chercher bon an mal an 1 M$ de nouvelles primes avec son produit pour enfants Quiétude Nouvelle Génération, le pendant pour les 0 à 18 ans de son programme Quiétude pour adultes, un chiffre dont l’assureur se dit très satisfait. « Pour nous, c’est un beau succès », dit Nathalie Tremblay, chef de produits d’assurance santé chez Desjardins.

Les assurances maladies graves pour enfants sont offertes par le biais de trois véhicules : l’avenant à l’assurance des parents, le produit autonome et l’assurance hybride qui offre une couverture vie/assurances maladies. « J’aimerais voir plus de fournisseurs offrir des solutions assurance vie avec avenant maladies graves, dit Nancy Elkas. Mais ça ne sert à rien d’avoir un produit qui paye seulement au premier des deux évènements, car si l’enfant a eu une maladie grave, il est affecté pour toute sa vie au niveau de son assurabilité en assurance vie ».

Elle suggère d’aller vers un produit qui offre l’un et l’autre, mais peu de fournisseurs à ce jour ont jumelé les deux. L’autre possibilité serait d’avoir deux assurances autonomes, une pour maladies graves, l’autre en assurance vie.

Chaude lutte

Même si le marché des assurances maladies graves infantiles est petit, des assureurs s’y livrent une chaude lutte. Quiétude Nouvelle Génération, Prodige, Priorité-Vie Enfant, ÉquiVivre, Second Souffle Enfant, sont autant d’étiquettes de produits qui ont été développés par des compagnies avec leur type de protection et leur échelle de prix. Il y en a pour tous les budgets. Il est possible d’acquérir une assurance maladies graves pour enfants pour la modique somme de 8 $ par mois. Selon l’âge de l’assuré et le montant de l’assurance, la facture pourrait atteindre les 75 $ mensuellement.

Selon Nathalie Tremblay, la plupart de ces assurances sont vendues sans examens médicaux ou de visites d’infirmières, du moins chez Desjardins. Toutefois, si l’enfant est âgé de quelques mois ou de quelques années et que son dossier médical a une épaisseur de deux pouces, il y a de fortes chances que ses parents ne trouvent pas d’assureur qui voudra l’accepter. Des compagnies pourront aussi prendre en compte les maladies génétiques dans certaines familles. Des surprimes pourraient être exigées dans certains cas et des cas refusés, mais les refus seraient toutefois rares dans l’assurance pour enfants.

Grosso modo, chaque assureur propose un plan qui comporte la protection pour 25 maladies graves et plus figurant dans le plan pour adultes, dont le cancer, auxquelles s’ajoute un certain nombre de maladies infantiles graves. Les pathologies supplémentaires couvertes varient selon les assureurs : paralysie cérébrale, fibrose kystique, dystrophie musculaire, autisme sévère, diabète de type 1.

Option payable à vie

Certaines polices d’assurance maladies graves pour enfant possèdent une option payable à vie et une autre limitée à 20 ans. C’est notamment le cas chez Desjardins.

« Environ 98 % de nos clients utilisent la deuxième alternative, souligne Nathalie Tremblay. Cette option a contribué à la popularité de ce produit. Après 20 ans, la couverture va demeurer en vigueur pour le reste de la vie de l’enfant et il n’y a plus de primes à payer ».

Comme certains autres produits, Quiétude Nouvelle Génération possède une option de remboursement de primes. Après 20 ans, les parents peuvent récupérer toutes les primes payées. Quelques autres compagnies offrent cette même disposition.

Malgré ses qualités, de gros assureurs n’offrent pas ce type d’assurance pour maladies infantiles. Empire Vie est du nombre, comme Manuvie et BMO Assurance.

Daniel DessureaultDaniel Dessureault, vice-président, distribution, assurance, marchés individuels chez Empire Vie, dit que sa compagnie reçoit parfois des demandes pour ce genre d’assurance. Elle n’exclut pas de le faire un jour, mais pour l’instant, elle ne fait pas partie de ses priorités.

« Il y a deux écoles de pensée dans l’industrie, explique-t-il. La première, c’est de se demander s’il est justifié de vendre de l’assurance pour les maladies graves pour les enfants plutôt que pour les adultes, qui risquent bien davantage d’en avoir besoin. La deuxième école, c’est que oui, il pourrait y avoir effectivement des risques que l’enfant développe une maladie grave et que cela entraine des couts et des pertes économiques pour les parents. Il y a une justification d’avoir une assurance pour couvrir ces pertes économiques. »

Toutefois, les familles ont une multitude de risques et de besoins : décéder plus tôt, vivre trop longtemps, vouloir prendre sa retraite plus jeune, fait remarquer M. Dessureault. « La famille moyenne n’a pas forcément le budget pour se payer tous ces produits. L’assurance maladie graves pour enfants peut figurer sur la liste des choses qu’un conseiller peut mentionner, mais c’est aux familles à juger ce qui est le plus important pour eux ».

Nathalie Tremblay reconnait que les assurances maladies graves pour enfants peuvent passer avant bien d’autres choses dans l’ordre des priorités. « Les besoins sont nombreux dans un ménage et beaucoup de parents veulent d’abord assurer la qualité de vie de la famille en cas de décès. L’assurance maladies graves pour enfants représente une couche d’assurances de plus alors que les conseillers ont de la difficulté à vendre leurs produits de base parce que les gens manquent d’argent. C’est un défi », dit-elle.

Plus urgent de couvrir les adultes

« Nous, ce que l’on dit, c’est qu’avant de couvrir les enfants, il serait plus urgent ou plus important de couvrir les adultes », dit Daniel Dessureault, qui invite les conseillers à parler plus souvent de ces assurances maladies graves, à la fois pour les adultes et enfants.

« Personne n’est à l’abri de la maladie et il y a un bon markéting à faire de ce côté, souligne-t-il. Mais qu’est-ce qui doit être priorisé pour les enfants : l’assurance pour maladies graves ou le REEE qui a beaucoup de chances de servir? Le produit assurances maladies infantiles se trouve à quel rang dans la liste? Le besoin est là, mais à mon avis, c’est une question de budget et de priorités. Souvent, en assurance, on fait du markéting avec des statistiques, mais il faudrait revenir à la base de la raison d’être de ces polices, connaitre des parents qui ont vécu ce genre de situations et mettre en valeur des cas réels », conclut le vice-président d’Empire Vie.