Face au vide juridique entourant l’industrie de la carrosserie au Québec, la CCPQ, soutenue dans son action par les assureurs, a demandé au ministre des Transports du Québec de légiférer afin d’encadrer au mieux une profession, mais aussi des compétences. Un projet de loi devrait ainsi voir le jour au mois d’octobre prochain. Contrairement à l’Alberta, à la Colombie-Britannique ou encore à l’Ontario, il n’existe au Québec aucun cadre juridique règlementant l’industrie de la carrosserie. Ainsi, aucun standard de service après-vente, standard de qualité, ou code de déontologie n’est exigé de la part des professionnels du secteur. De plus, aucune obligation ne les incite à se conformer à des règles strictes.
Pour Michel Bourbeau, président-directeur de la Corporation des carrossiers professionnels du Québec (CCPQ), le problème tient dans le fait que les lois qui prévalent aujourd’hui sont devenues obsolètes. « Il y a des lois qui datent de 20 ou 25 ans et qui n’ont jamais été actualisées alors que l’industrie de la carrosserie, au Québec comme n’importe où d’ailleurs, est une industrie en perpétuelle mutation, souligne-t-il. Aujourd’hui, n’importe qui peut aller au bureau de l’Inspecteur général des institutions financières (IGIF) pour s’incorporer ou s’enregistrer, puis se présenter comme carrossier. Or, en 2014, ce n’est plus comme il y a 30 ans. On ne peut plus s’improviser carrossier. Les ateliers que l’on représente ont un chiffre d’affaires qui s’élève à plusieurs millions de dollars. On parle de bonne gestion, de haute technologie, de formation continue, d’accueil client… »
Cette absence d’encadrement, en plus d’encourager la fraude – par l’émission, notamment, de fausses factures ou de fausses déclarations aux assureurs –, n’incite pas les entreprises au respect des normes environnementales et, in fine, réunit toutes les conditions d’une concurrence déloyale au sein même de l’industrie.
« Pourquoi mettrait-on tout le monde sur un pied d’égalité alors qu’il y en a qui investissent temps, argent et énergie dans la formation, dans la technologie, et qui font les efforts pour s’adapter à un marché qui évolue constamment? s’interroge M. Bourbeau. D’autres ne font absolument rien, mettent un panneau devant leur garage et s’improvisent carrossiers. Ces structures sont un peu “hors la loi”, car ces gens-là vont négocier des prix et vont chercher des structures de réparation qui ne sont pas nécessairement adéquates ou respectueuses de l’environnement », dénonce-t-il.
Un projet de loi pour octobre 2015
Afin d’éviter l’instauration d’une industrie à deux vitesses, la CCPQ milite aujourd’hui pour que la profession soit règlementée dans un cadre législatif strict, et que le nombre d’ateliers de carrosserie soit ramené de 1 800 à 700 ou 800.
« Ce que l’on veut, souligne Michel Bourbeau, c’est être considéré au même titre que les vendeurs de véhicules d’occasion ou les recycleurs, dans le cadre du transfert de pouvoirs de la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ) vers l’Office de la protection du consommateur (OPC) – le projet de loi 25 –, de façon à ce que les carrossiers soient obligés de se conformer à certains standards pour obtenir un permis d’exploitation de leur atelier. Nous voulons un cautionnement pour répondre au besoin de protection du consommateur. »
Ce combat de la CCPQ vient de trouver un soutien de premier plan en la personne du ministre des Transports du Québec, Robert Poëti. Ce dernier s’est dernièrement montré enclin à faire les efforts nécessaires pour que l’industrie de la carrosserie soit intégrée au transfert des pouvoirs de la SAAQ vers l’OPC.
Ainsi, lors du Symposium 2014 de la CCPQ, qui s’est tenu à l’automne dernier à Mont-Tremblant, Robert Poëti, annonçait avoir mis sur pied un comité chapeauté par le ministère des Transports et l’OPC « dans le but de dresser un portrait de l’industrie et d’en étudier les besoins d’encadrement. » Il soulignait aussi que les objectifs de la CCPQ et du gouvernement sont convergents et qu’ils doivent « favoriser un encadrement qui sera bénéfique tant pour la sécurité des automobilistes que pour le respect des hauts standards de cette industrie ». Il a ensuite précisé qu’il allait « légiférer et travailler avec la CCPQ » pour arriver à l’élaboration d’un projet de loi pour le mois d’octobre 2015.
Enthousiasme chez les assureurs
Si nouveau cadre juridique il y a, c’est l’assuré qui sera le premier gagnant puisqu’il lui sera garanti un niveau de service, d’encadrement et d’accueil. Les assureurs auront eux aussi beaucoup à gagner, car cela limitera notamment les fraudes ou les reprises de travaux mal effectués, tout en optimisant le taux de satisfaction de la clientèle.
« Un meilleur encadrement devrait permettre d’assainir cette industrie, de définir des règles du jeu claires, de rehausser la profession et le sérieux de ses intervenants, souligne Éric Thériault, vice-président à l’indemnisation pour SSQ Auto. Pour les assureurs, la nouvelle règlementation garantira la qualité des réparations et des technologies utilisées, la qualité des équipements ou encore la bonne formation des employés. Du point de vue des assurés, les réparations seront mieux faites, et les voitures seront ainsi plus sécuritaires. Il s’agit parfois de simples détails, mais ceux-ci peuvent avoir une grande importance dans la vie des gens. »
Pour Louis Héroux, premier vice-président associé à l’indemnisation chez Intact Assurance, une meilleure règlementation devrait permettre avant toute chose d’améliorer la compétence des carrossiers. « Aujourd’hui, n’importe qui peut s’improviser carrossier. Il n’existe aucun inventaire des carrossiers du Québec. Ce que l’on recherche avant tout, c’est qu’il y ait de la compétence, ce qui ne va pas de soi aujourd’hui. »
En attendant le nouveau projet de loi, les acteurs de l’assurance peuvent d’ores et déjà participer à l’encadrement de la profession. « D’une part, Intact Assurance soutient financièrement la CCPQ, affirme M. Héroux. D’autre part, avec les carrossiers avec lesquels on travaille, on a mis en place des programmes pour les aider à développer leurs compétences. On paie par exemple des séances de formation ou de nouveaux équipements. »