Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, doit abandonner le processus risqué d’appel d’offres pour les médicaments génériques d’ordonnance qu’il s’apprête à implanter, et négocier une solution durable, a déclaré Jim Keon, président de l’Association canadienne du médicament générique (ACMG).

M. Keon dénonce les intentions du Gouvernement du Québec, énoncées lors de la commission parlementaire dans le cadre des consultations sur le projet de loi 81 (Loi visant à réduire le coût de certains médicaments couverts par le régime général d’assurance médicaments en permettant le recours à une procédure d’appel d’offres).

Québec mettra selon lui en place un processus d’appel d’offres qu’il qualifie de risqué pour son secteur, parce qu’il limitera la concurrence entre les différents fabricants de médicaments génériques au Québec. Il rappelle qu’au Québec, les médicaments génériques servent à remplir 73 % de toutes les prescriptions, mais comptent pour 22 % seulement des 6,5 milliards de dollars (G$) que les Québécois dépensent annuellement pour leurs médicaments d’ordonnance.

L’économie du Québec perturbée

Les économies réelles du futur processus d’appel d’offres sont inconnues, et celui-ci perturberait l’approvisionnement actuel et futur en médicaments génériques moins chers, estime le président de l’ACMG. Il fragiliserait les emplois et les investissements importants dans ce secteur d’activité, ajoute Jim Keon.

« En limitant le nombre de fabricants pour un produit donné, le processus d’appel d’offres augmente le risque de pénuries et pourrait mener à terme à une hausse des prix alors que des fabricants auront été contraints de sortir du marché. Le mécanisme de fixation des prix pourrait avoir également des effets négatifs importants sur l’industrie québécoise du médicament générique, l’un des moteurs du secteur des sciences de la vie qui compte 4 100 emplois directs, a un impact économique direct de 769 millions de dollars et apporte une contribution significative à la balance commerciale du Québec alors que 40 % de la production locale est exportée vers d’autres marchés », fait valoir M. Keon.

L’ACMG soutient qu’un tel processus de fixation des prix élimine tout incitatif pour les fabricants de médicaments génériques de recourir contre les brevets « faibles et frivoles », et de mettre en marché de nouveaux médicaments génériques moins chers.

Propositions ignorées

L’ACMG a discuté depuis des mois avec Québec sur des pistes d’économies pour le système de santé, mais déplore qu’une solution qu’il juge gagnant-gagnant pour l’industrie des génériques et le gouvernement ait été écartée

« Au début du mois de juin 2017, l’ACMG a d’ailleurs déposé sa plus récente proposition qui aurait permis au Gouvernement du Québec d’atteindre son objectif d’économies annuelles moyennes pour un total de 1,5 G$. Cette proposition comprenait notamment des réductions de prix additionnelles sur les médicaments génériques les plus vendus ainsi que des économies générées grâce au lancement de nouveaux médicaments génériques moins chers », a souligné M. Keon.

Les prix proposés par l’ACMG placeraient selon lui le Québec « au niveau, ou même sous le niveau, des prix internationaux moyens ». L’ACMG croit malgré tout qu’une entente négociée avec le Gouvernement du Québec est encore à portée de main. Elle appelle Québec à abandonner sa démarche et à négocier un accord durable. 

L’ACCAP en faveur de l’appel d’offres

L’Association canadienne des compagnies d’assurance de personnes a participé à la commission parlementaire sur le projet de loi 81, le 24 février. L’ACCAP a réagi à l’annonce faite le 10 juin par Québec d’aller en appel d’offres. « Nous allons appuyer le ministre de la Santé, Dr Barrette, dans chacune de ses initiatives visant à réduire la facture du médicament au Québec. Ce sera donc un plaisir de collaborer à la mise en oeuvre de cette nouvelle façon de fixer les prix pour les médicaments génériques au Québec », a répondu au Journal de l’assurance la présidente d’ACCAP-Québec, Lyne Duhaime.

Dans son communiqué qui confirme l'adoption du projet de loi 81, le ministre signale que malgré les divergences, il y a eu consensus sur l’existence d’une marge de manœuvre dans la chaîne du médicament pour réaliser des économies. « Avec les appels d'offres, les assurés débourseront moins d'argent pour obtenir les mêmes produits », a-t-il conclu.