Le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) a exhorté réassureurs et assureurs à ne pas s’asseoir sur leurs lauriers malgré la bonne note octroyée à l’industrie par le Fonds monétaire international (FMI). La remontée des taux d’intérêts à long terme pourraient cacher d’autres risques.Selon les données de la Banque du Canada, les taux à long terme ont effectué une belle remontée. Le rendement des obligations types du gouvernement canadien de 10 ans affichait 1,84 % le 1er avril l’an passé contre 2,5 % cette année à la même date. Matériau encore plus précieux pour les assureurs, le rendement des obligations types du gouvernement canadien à long terme (au-delà de dix ans) a atteint 3,01 % le 1er avril 2014, contre 2,49 % un an plus tôt à pareille date. Toute une ascension en comparaison du creux de 2,2 % observé pour ces obligations le 24 juillet 2012.

De son côté, le FMI a complimenté l’industrie canadienne et sa réglementation au terme d’une vérification effectué au Canada sur la rigueur et la discipline. Les résultats du Programme d’évaluation du secteur financier du FMI visant le Canada et diffusés en mars ont montré l’industrie sous un jour favorable.

Dans l’ensemble, le FMI loue la prudence des assureurs canadiens et celle du BSIF. Dans une note technique sur l’impact qu’ont les bas taux d’intérêt sur les assureurs canadiens, l’expert du FMI dans le secteur de l’assurance, Ian Tower, a signalé leurs efforts pour mitiger ce risque. Les assureurs ont en fait atténué leur vulnérabilité aux bas taux depuis 2009, par reconnaissance de cette baisse des taux, a observé le FMI dans une analyse des résultats des trois plus grands assureurs (Financière Manuvie, Great-West Lifeco et Financière Sun Life). Ils l’ont entre autres fait en couvrant leurs risques.

Toujours selon cette analyse des trois grands, les actions prises devraient permettre aux assureurs d’assainir leur bilan au fur et à mesure que les taux augmenteront. En particulier, le Montant minimum permanent requis pour le capital et l’excédent ou MMPRCE pourrait passer d’environ 215 % à 300 % d’ici 2017, pour les trois grands combinés.

M. Tower a toutefois rappelé les risques associés au marché canadien. Il est particulièrement exposé aux fluctuations des taux d’intérêt en raison de produits à long terme comme l’assurance vie entière et universelle, a rappelé l’organisme international.

« Les assureurs vie ont vendu plusieurs polices permanentes avec des valeurs de rachat soutenues par des taux garantis. Certains produits de rentes, de soins de longue durée et de fonds distincts ont aussi créé une exposition aux marchés financiers et aux taux d’intérêt », écrit l’expert du FMI. Il remarque que plusieurs de ces produits demeurent disponibles dans le marché canadien, bien que leur prix ait augmenté. Les risques qu’entrainent ces produits à long terme ne peuvent être appariés à des instruments financiers de terme suffisamment long, dit M. Tower.

Le BSIF aux aguets

Julie Dickson, surintendante des institutions rappelle que les régulateurs canadiens doivent continuer de veiller au grain, a-t-elle dit lors d’une allocution au 58e Congrès canadien annuel de réassurance le 2 avril à Toronto. Mme Dickson y a enjoint les compagnies de réassurance et d’assurance à ne pas considérer la crise comme chose du passé.

« Bien qu’on ait l’impression qu’un processus de normalisation s’amorce, les taux d’intérêt n’ont jamais été aussi bas, la Réserve fédérale doit composer avec son bilan de quatre billions de dollars et appliquer l’assouplissement quantitatif, la croissance de nombreuses économies industrialisées n’est toujours pas revenue à son niveau d’avant la crise. » Mme Dickson a aussi réfléchi au fait que le Canada se soit mieux tiré de la crise que bien d’autres pays. « Le BSIF persiste à dire que le passé ne saurait être garant de l’avenir. Le BSIF, les banques et sociétés d’assurances canadiennes doivent éviter à tout prix un relâchement de la vigilance », prévient-elle.

La surintendante se félicite par ailleurs d’avoir montré patte blanche à l’évaluation du secteur financier menée par le FMI. « Les évaluateurs ont vérifié si le BSIF montrait des signes de complaisance. Je suis ravie de préciser qu’ils sont rentrés bredouilles. Ils en sont plutôt arrivés à la conclusion que nous n’avons rien perdu de notre efficacité et que nous affichons un degré élevé de conformité aux normes internationales », dit Mme Dickson. Elle estime que le rapport a aussi fait ressortir que la surveillance rigoureuse qu’exerce le BSIF a bien servi le Canada durant la crise.

Le BSIF ne manquera pas de matière à réflexion. Malgré ses bons mots à l’égard du régulateur canadien, le FMI lui a préparé toute une liste de priorités.

Pour surseoir aux problèmes d’appariement, les assureurs pourraient de plus en plus se tourner vers les titres à rendement plus élevé ou les investissements non traditionnels comme les infrastructures. Ainsi, le FMI suggère au BSIF de surveiller étroitement cette tendance et des risques qu’elle comporte, notamment à l’endroit de la durée et des rendements.

Toujours selon le FMI, le régulateur canadien devrait envisager une révision de sa ligne directrice sur la méthode de gestion prudente et en rehausser les exigences. Il devrait être explicitement requis de la part des assureurs qu’ils investissent uniquement dans des actifs dont ils peuvent juger le risque adéquatement, croit le FMI. Les investissements complexes et moins transparent devraient aussi se retrouver sous la loupe du BSIF. Le FMI invite le BSIF à poursuivre le développement de mesures réglementaires pour soutenir les assureurs dans leur mandat « micro-prudentiel ». Ses simulations de crise taillées sur mesure pour les assureurs devraient selon l’organisme continuer d’être un élément clé pour le BSIF afin de décider des mesures à prendre. Ces mesures pourraient inclure des limites sur les activités à haut risque ou des provisions additionnelles telles que des exigences de capital « contre-cycliques ». Elles devraient inclure des provisions liquides, ajoute le FMI.

Quoi qu’il en soit, Mme Dickson entend réglementer avec précaution. « Nous devons tous absorber et appliquer les leçons tirées de la crise financière et nous ajuster à une époque qui évolue. Dans le processus de conception de nouvelles règles, nous devons faire attention de ne pas causer de préjudice et en refaisant surface, nous ne devons pas perdre de vue les nouveaux risques. »